En l’espèce, le dossier dit de complot contre le gouvernement surprend par la vacuité de son contenu et les embarras procéduraux pour de grands professionnels de la justice. C’est peut-être la preuve que personne n’est à l’abri d’une faute ou des pressions.
Mais ce n’est pas à nous de faire ce procès, c’est à la partie des accusés de jauger et d’aviser sur d’éventuels moyens de recours.
Il s’agit pour nous, dans cette tribune, de questionner l’effet suspensif du pourvoi du parquet en cassation au regard de la loi. D’entrée en la matière, il faut réitérer un fait : personne parmi les intellectuels universitaires que je connais n’a remis en cause la légalité du pourvoi en cassation. C’est légal. Mais, ce qui est en cause, c’est l’effet suspensif de cette action sur l’exécution de l’arrêt de la Cour.
En effet, l’article 505 du code de procédure pénal est le siège de cette dispute juridique, qui n’en est pas un, si on en saisit l’esprit. L’analyse de deux de ses alinéas suffira à nous situer.
Premièrement, l’alinéa 2 de l’article 505 stipule :
« Le recours est porté devant la Chambre criminelle de la Cour suprême. Pendant les délais de recours en cassation et s’il y a eu recours, jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour suprême, il est sursis à l’exécution de l’arrêt de la Cour sauf en ce qui concerne les condamnations civiles ».
« Sauf » laisse penser, à raison, que l’exception à l’effet suspensif du recours est seulement relative aux condamnations civiles.
Mais l’alinéa suivant apporte une autre exception de principe dans les condamnations civiles et les situations de non condamnation ou d’ « innocentement » de l’accusé :
« Est, nonobstant pourvoi, mis en liberté immédiatement après l’arrêt, le prévenu ou l’accusé détenu qui a été relaxé ou acquitté, soit absous ou condamné à l’emprisonnement assorti du sursis, soit condamné à l’amende ».
A cet égard, comme on peut le constater, la formulation de l’alinéa n’est pas exclusive des cas de mise en liberté immédiate malgré le pourvoi ; il n’est pas écrit : « N’est, nonobstant pourvoi, mis en liberté immédiatement après l’arrêt, que… ».
Donc, ce qui est absolu ici, c’est l’idée ou le principe de non condamnation à un emprisonnement ferme pour les faits reprochés à l’accusé. Car, tous les cas extirpés de l’effet suspensif du pourvoi sont des cas de non condamnation à une peine de prison ferme ou de mise en liberté (relaxe, acquittement, etc.).
Ainsi, l’esprit de ces deux alinéas mis ensemble est-il clair : si l’accusé est condamné à un emprisonnement ferme, qui va le priver de sa liberté pendant le temps requis, son pourvoi en cassation suspend l’exécution de la peine privative de liberté. Mais lorsqu’il n’est pas condamné à un emprisonnement ferme, ou lorsqu’il est innocenté des charges qui pisaient contre lui, sa liberté lui est immédiatement donnée, même en cas de pourvoi de la partie requérante.
Ici, on donne toutes les garanties à la liberté et on soumet la privation à la corvée des procédures et des preuves.
Certes, en l’espèce, les détenus ne sont pas dans une situation de condamnation civile, mieux, ils ne sont pas condamnés du tout. Ils sont plutôt dans une situation de reconnaissance de liberté confisquée, car ils ont été relaxés de toute la procédure pour vices de procédure et de forme.
En matière pénale, la liberté étant le principe, ainsi que le garantie l’alinéa précédent, et à moins que l’on refasse les principes généraux de droit pénal, et tenant compte de l’esprit des deux alinéas 2 et 3 de l’article 505, le pourvoi en cassation, bien que légal, ne devait pas empêcher le recouvrement de la liberté des accusés, ne serait-ce que sous contrôle judiciaire.
En fin, nous pouvons nous résumer et faire les recommandations suivantes, pour éviter des utilisations sélectives des textes de loi de cette manière :
Le PG en formant son pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Chambre ne viole pas la loi ;
Le PG en reconnaissant un effet suspensif à son pourvoi contre un ordre de mise en liberté pour nullité de procédure, viole l’esprit de la loi et porte atteinte au principe sacro-saint, selon lequel la liberté est le principe en matière pénale ;
L’article, objet des tiraillements, gagnerait à être mieux réécrit, en ramenant explicitement l’esprit dans la forme.
Et ce sera justice.
Dr. Mahamadou Konaté
Centre de Réflexion et d’Action-Initiative pour le Mali