Faute d’objectifs stratégiques clairs, notre engagement au Sahel suscite des doutes croissants. Dans cette région instable, on ne parviendra ni à éliminer le terrorisme, ni à consolider la démocratie. Si nous sommes conviés à un effort au très long cours, c’est pour empêcher des djihadistes de semer la mort en France et des migrants de partir vers l’Europe.
C’est le lot commun de toutes les opérations extérieures : l’euphorie du commencement, la stagnation de la mission, puis les doutes et les désirs de départ alors que passent les années et que les morts s’égrènent. La France est présente au Mali depuis janvier 2013 (opération Serval, devenue Barkhane en 2014), d’abord pour éviter que Bamako soit prise par une colonne de djihadistes, puis pour maintenir un minimum de stabilité au Sahel et « lutter contre le terrorisme ». C’est oublier que la cause directe de la déstabilisation du Mali fut l’intervention française en Libye (2011) quand Kadhafi, avant d’être renversé, donna argent et armes aux Touaregs sécessionnistes. En clair, Barkhane consiste à recoller les morceaux du vase que nous avons fait choir.
En raison du coût humain et financier de l’opération et faute d’une stratégie de sortie, de nombreux commentateurs plaident pour un désengagement de nos forces. En réalité, le maintien ou le départ de l’armée française est secondaire. La seule et vraie question porte sur nos objectifs stratégiques : « Pourquoi sommes-nous là-bas ? » Or, à la différence de Serval, Barkhane pèche depuis son origine par son absence d’objectifs stratégiques définis. La lutte contre le terrorisme n’en est pas un. Le terrorisme est une arme, ce n’est nullement un adversaire, encore moins une idée. C’est comme si Napoléon s’était maintenu en Espagne pour lutter contre la guérilla. Nous ne savons pas s’il faut partir ou rester parce que notre intervention répond à des objectifs tactiques, non à une ambition stratégique.
Une présence militaire continue, pour peu de choses
Voilà presque cent cinquante ans que la France est présente en Afrique, depuis ces années 1880 où les premiers soldats et explorateurs se sont risqués dans les méandres d’un continent jusqu’alors inconnu. Depuis, nous n’en sommes pas partis et la vague des décolonisations en 1960 n’a guère changé la donne. Après la colonisation assumée, pour apporter la civilisation aux « races inférieures », puis la colonisation distendue, est intervenue, dans le tournant des années 2000, une « colonisation humanitaire ». Certes, les pays d’Afrique n’ont plus d’administrateurs français et les États sont juridiquement indépendants, mais entre le soutien appuyé à tel président,
Source : Causeur.fr