Le sommet de l’Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique se tient à Paris le 6 et 7 décembre. La présence militaire française sur le continent sera certes à l’ordre du jour, mais c’est sur le volet économique que des avancées sont attendues.
Pourquoi ce sommet ? Pourquoi à Paris et pourquoi maintenant ? Au-delà des thèmes affichés, que poursuit-on par ce rendez-vous et quels enjeux pour son initiateur, François Hollande, et pour la France ? En termes de participation, le sommet de Paris revêt un caractère on ne peut plus international : l’ONU, le Conseil européen, la Commission européenne, la Commission de l’Union africaine, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale… sont quasiment tous représentés par leurs premiers responsables [et 54 chefs d’Etat ou de gouvernement africains devraient être présents].
Le président français François Hollande réussira là un grand coup, et il en a bien besoin, lui dont la politique intérieure est décriée, y compris par une partie de son camp qui ne comprend pas la tournure droitière qu’il a fait prendre à certaines grandes décisions ou encore face aux tergiversations et absence de cap que lui reproche l’opposition de droite. Remonter la pente des sondages qui l’inscrit au plus bas par une action forte à l’international qui donnerait l’illusion qu’il compte à l’extérieur et que sa voix porte est certainement un des buts non affichés, mais surtout pas le seul et pas du tout l’essentiel.
Rappelons que le président français a annoncé ce sommet de Paris le 25 mai dernier à Addis Abeba aux commémorations du cinquantenaire de l’Union africaine. Hollande, qui baignait peu de jours avant dans la satisfaction d’une réussite de son intervention militaire au Mali, se trouvait tout d’un coup confronté aux suites et au prix combien élevé de cette intervention militaire. Au Mali même, la rébellion vaincue momentanément allait refaire surface. Les 3 000 militaires de l’opération Serval, qui devaient se retirer progressivement et ne laisser qu’un millier d’ici 2014, vont bien y rester et voir leur effectif très probablement renforcé.
Garder le contrôle sur l’Afrique
Cela pourrait conforter quelque peu l’idée de la “grandeur de la France”, et contrecarrer ceux qui lui reprochent, comme ils l’ont fait à Nicolas Sarkozy, la perte de voix et surtout de poids de la France à l’international. Le poids de la France, son influence, peut signifier quelque chose dans quelques pays d’Afrique, et encore. Car au sein de ces pays, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent notamment de la société civile et parfois même de certains chefs d’Etat, peu nombreux, il est vrai, pour dénoncer cette nouvelle forme de Françafrique. Comment dès lors, pour Hollande, garder le contrôle sur l’Afrique (car il serait illusoire de croire qu’il souhaiterait le perdre) tout en ne se déjugeant pas, lui qui, à plusieurs occasions, avant et après son élection à la tête de l’Etat français dénonçait la politique néocoloniale de ses prédécesseurs en Afrique ?
La réponse tient en deux directions : le martellement par des déclarations de foi faisant croire que “l’avis de décès de la Françafrique” a été signé par l’Elysée depuis l’arrivée des socialistes au pouvoir. C’est là un élément du discours produit par les autorités françaises aujourd’hui, même si lorsque ce discours est un peu plus développé, le paternalisme profondément imbriqué par des siècles de politique coloniale, décidemment difficile à faire disparaître, remonte à la surface.
Les richesses des sous-sols de cette région
S’il est vrai qu’officiellement ces sommets France-Afrique pour lesquels étaient non pas invités mais “convoqués” les chefs d’Etat du continent africain ont officiellement pris fin selon l’Elysée et s’il est vrai aussi que Hollande ne pourra plus (et très probablement ne souhaitera pas) dicter clairement aux Africains le type de gouvernance qu’ils doivent exercer ni se voir établir un échéancier pour parvenir à instaurer la démocratie, il reste toutefois une deuxième direction de travail qui permet à Hollande de garder la mainmise sur l’Afrique, et ce, grâce à la présence économique française dans le continent.
Rattraper son retard économique sur lequel ont largement rogné les Etats-Unis, la Chine, la Turquie… ; se repositionner comme premier partenaire (pourvoyeur d’équipements et de services ?) et surtout comme premier bénéficiaire des richesses des sous-sols de cette région. Au-delà des problèmes de paix et de sécurité, c’est surtout cet aspect qui permettra à la France un retour économique fort et une influence certaine et durable. Quitte à continuer à s’impliquer au plan militaire et la France continuera à l’être, autant que cette implication serve directement les intérêts de la France.
KHEDIDJA BABA-AHMED
Source: LE SOIR D’ALGÉRIE