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Jean-Marie Bockel plaide pour une relation «plus dense» entre la France et l’Afrique

Dans un rapport titré « L’Afrique est notre avenir », les sénateurs Jean-Marie Bockel et Jeanny Lorgeoux plaident pour une plus grande implication de l’Elysée dans les relations entre la France et l’Afrique. Le sénateur UDI, ancien ministre de la Coopération sous Nicolas Sarkozy, propose notamment la mise en place d’une « cellule » Afrique officielle.

Jean-Marie Bockel

RFI : Dans le rapport que vous cosignez avec Jeanny Lorgeoux, vous êtes assez critique sur la politique africaine de François Hollande. Vous semblez dire qu’elle manque d’ambition.

Jean-Marie Bockel : Je considère que François Hollande a fait un bon début, sur sa relation à l’Afrique. Bien sûr, à travers sa prise de décision sur l’intervention au Mali, mais également à travers son discours de Dakar. Mais il est vrai que son prédécesseur avait également fait de bons discours, en dehors de celui de Dakar. Et aujourd’hui nous voulons simplement apporter à l’exécutif, au gouvernement, au président, un certain nombre d’idées qui lui permettront de reprendre la main en Afrique.

Sur le plan politique, vous dites que François Hollande doit promouvoir le pluralisme en Afrique. Mais n’est-ce pas ce qu’il fait déjà, quand il rencontre par exemple Tshisekedi et la famille Chebeya, à Kinshasa ? N’est-il pas plus exigeant que Nicolas Sarkozy, sur ce plan ?

Nous verrons ça dans la durée. Nicolas Sarkozy, -je l’avais accompagné, notamment au Tchad ou dans d’autres pays encore-, avait également rencontré les opposants, et c’est bien que François Hollande le fasse.

Mais là, nous sommes sur des aspects un peu emblématiques. La proposition que nous faisons, c’est plutôt un travail au long cours. C’est un peu l’idée, à travers notre réseau diplomatique, culturel, que nous soyons à l’écoute des sociétés civiles, des oppositions, de la jeunesse africaine, et pas simplement dans une relation bilatérale avec les exécutifs du moment. Avec, derrière, ce message de démocratie et de droits de l’Homme que nous devons porter sans cesse.

Sur le plan militaire, vous recommandez à la France de conserver ses huit points d’implantation sur le continent africain. Cela signifie-t-il que, un mois avant le sommet Afrique-France sur ces questions qui est prévu à l’Elysée, vous prônez le statu quo ?

Non, pas exactement. Nous proposons de maintenir la voilure, le dispositif, de ne pas le diminuer, mais, peut-être, de l’adapter à la réalité des menaces d’aujourd’hui. Et outre quelques points fixes qu’il faudra conserver naturellement, il faut que nous ayons une certaine souplesse, une certaine réactivité par rapport aux crises, et donc une certaine géométrie variable pour que ces forces soient vraiment utilisables vite, dans le monde de menaces asymétriques dans lequel nous sommes.

→ A (RE)LIRE : Hollande et l’Afrique: des grandes promesses d’une campagne à la réalité complexe d’un continent

En économie, vous recommandez à François Hollande d’aider les petites et moyennes entreprises françaises à retourner en Afrique ? Mais n’est-ce pas ce qu’il fait déjà quand il va en Afrique du Sud, par exemple pour décrocher de nouveaux marchés ?

Il fait le job au niveau économique, mais il n’a pas les outils adaptés. Aujourd’hui, nous avons 1 000 entreprises significatives en Afrique, dont un certain nombre de « majors ». Ce qui est trop faible c’est le réseau de PME.

Il y en a qui réussissent bien. Mais les PME peuvent s’adosser, se structurer autour de groupes plus importants qui ne demandent que ça, parce que ça crée un environnement favorable, notamment par rapport au monde anglo-saxon concurrent, ou aux pays émergents. Donc là c’est vraiment une affaire gagnant, gagnant.

Et puis il faudrait également que certains outils un peu mixtes, comme l’Agence française de développement, comme Proparco, soient adaptés aux enjeux africains d’aujourd’hui. Adaptés en termes de procédure, de capacité de faire, de plafond, de limites auxquelles ils sont parfois confrontés alors que des opportunités économiques à forts retours sur investissements existent, en pleine croissance.

 

1 - Pascal Canfin, ministre français du Développement
29/09/2013 – Internationales
1 – Pascal Canfin, ministre français du Développement
2 - Pascal Canfin, ministre français du Développement
29/09/2013 – Internationales
2 – Pascal Canfin, ministre français du Développement

Vous demandez la création d’un ministère de la Coopération internationale de plein exercice, qui rassemble les services des Finances et du Quai d’Orsay. Cela veut-il dire que votre successeur d’aujourd’hui, Pascal Canfin, ne fait pas le « job » ?

Pascal Canfin est un très bon ministre délégué au Développement international. Il est extrêmement compétent. Son ministère est positionné de manière assez technique mais son poids politique est faible. Or, un ministère indépendant couvrant la plénitude de ce que peut être une politique publique de coopération internationale, c’est ce qu’ont fait nos amis britanniques ou allemands.

En 2008 vous étiez ministre de la Coopération. Et après votre petite phrase contre les Etats pétroliers d’Afrique centrale, Omar Bongo a demandé et obtenu votre tête. Est-ce que cela ne prouve pas qu’à l’époque le ministère de la Coopération n’était pas avant tout le ministère de la Françafrique ?

Si j’ai fait ces déclarations à l’époque c’est parce que, d’abord, je les ai faites en totale convergence avec la cellule Afrique de l’Elysée de l’époque, il faut le savoir. C’est ensuite que les choses se sont un petit peu gâchées, parce que des réactions ont peut-être été plus graves ou plus surjouées qu’on ne pouvait l’imaginer.

A (RE)LIRE : 50 ans après, la Françafrique bouge encore (décembre 2009)

En fait, il faut savoir que la Françafrique, si j’étais intervenu pour la dénoncer, c’est parce que j’avais l’impression que quand on fermait la porte, elle rentrait par la fenêtre, et que les émissaires relevaient un peu la tête et que ça faisait désordre.

Les visiteurs du soir, chez Claude Guéant ?

Et toutes ces choses-là… Mais au fond, déjà à l’époque, c’était un phénomène marginal. Et aujourd’hui ça l’est encore davantage. Il y a certainement encore quelques personnes qui vivent sur la bête. C’est plus d’ailleurs, l’Afrique-France, que la Françafrique, de ce point de vue là, mais ces intermédiaires, leur rôle il est, soit nul – ce sont des émissaires autoproclamés de rien du tout – soit résiduel.

Est-ce que nouveauté avec François Hollande, ce n’est pas qu’aujourd’hui il n’y a plus personne à l’Elysée pour recevoir ces visiteurs du soir ?

Oui. Moi, je souhaiterai qu’à côté de l’organisation gouvernementale que nous proposons, l’Elysée dont le locataire a bien démarré sa relation à l’Afrique, dispose, à côté de quelques Hauts fonctionnaires compétents, d’une cellule – une cellule explicite – au vu et au su de tous, composée de personnes qui auraient également cette dimension un peu charnelle, charismatique et qui en ferait – le chef de l’Etat ne pouvant pas être sollicité par tout le monde à tout moment – de vrais interlocuteurs.

Il y a quand même, dans la relation Afrique – et ça c’est plutôt bien, c’est plutôt un aspect positif de notre patrimoine – également une dimension personnelle, charnelle, sentimentale, affective, je dirais – qui a besoin aussi d’être entretenue. Et ça, ça passe forcément par la maison du chef, c’est-à-dire l’Elysée.

Voulez-vous dire que Hélène Le Gal et Thomas Melonio (la « Madame Afrique » de l’Elysée et son principal adjoint), c’est bien, mais cela ne suffit pas ?

Exactement ! C’est bien, car ce sont des gens bien, que nous avons rencontrés et auditionnés. Mais ça ne suffit pas.

Par Christophe Boisbouvier

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