Les Français Gilbert Rodrigues et Serge Lazarevic sont respectivement détenus par Aqmi depuis un et deux ans. Après la libération des quatre otages d’Arlit, leurs proches oscillent entre espoir de libération et ras-le-bol face au manque d’information en provenance du gouvernement français.
C’était il y a un an. Gilbert Rodrigues, retraité français originaire de Lozère, dort dans son camping-car à Dima, petite localité malienne proche de la frontière avec la Mauritanie. Prudent, le baroudeur de 61 ans a pris soin d’éviter les zones occupées depuis plusieurs mois par différents groupes jihadistes alliés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Il compte ensuite se rendre, comme l’année précédente, au Togo, avec l’ambition d’y apporter un peu d’aide humanitaire.
Le 20 novembre 2012, vers 23 heures, un groupe d’hommes armés l’arrachent de son véhicule et le jettent dans leur pick-up avant de s’évanouir dans la nature. “Quelques heures plus tôt, il nous avait envoyé un mail d’un cyber-café, nous disant qu’il allait bien et que la route pour Bamako était sécurisée, se rappelle son frère David. Le lendemain matin, j’apprenais à la radio qu’un Français avait été enlevé dans cette région.” Selon lui, Gilbert était auparavant resté bloqué trois jours en Mauritanie pour des problèmes de visas. Un laps de temps suffisant pour éventuellement repérer sa présence et organiser son enlèvement. Le 25 novembre, une vidéo du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (Mujao) revendiquait le rapt de Gilbert Rodrigues. Depuis, plus rien.
Manque d’informations
“Nous n’avons reçu aucune preuve de vie ou information sur son sort, confie son frère cadet. Le Quai d’Orsay nous a demandé de lui faire un courrier en décembre 2012, mais je ne suis pas sûr que notre lettre soit arrivée dans les mains de Gilbert”. Depuis un an, la famille Rodrigues est en contact téléphonique avec un membre de la cellule de crise du ministère français des Affaires étrangères. Les appels sont plus ou moins réguliers et fructueux. “Le gouvernement manque de confiance envers les familles, souffle David. Je comprends qu’ils ne nous disent pas tout, mais il y a un minimum. J’en viens à me demander s’ils ont vraiment des informations.”
Ce sentiment de ras-le-bol est le même du côté des proches de Serge Lazarevic. Enlevé le 24 novembre 2011, dans un hôtel de Hombori, au nord du Mali, cet autre Français est depuis deux ans aux mains d’Aqmi. Selon ses proches, il était en voyage d’affaires lorsqu’il a été kidnappé avec son associé Philippe Verdon, tué d’une balle dans la tête et retrouvé mort, en juillet dernier, dans le nord malien. Depuis une vidéo des deux hommes publiée en avril 2012, la dernière preuve de vie de Serge Lazarevic est le témoignage de Thierry Dol, un des quatre “otages d’Arlit” récemment libéré après plus de trois ans de captivité dans le désert. Avant d’être relâché, le Martiniquais – détenu en binôme avec Daniel Larribe – a passé environ un mois avec Serge Lazarevic, ne pouvant communiquer qu’à coup de pouce levé ou de clins d’œil, étant soigneusement tenus éloignés l’un de l’autre par leurs gardiens. Selon lui, son compagnon de galère avait plutôt l’air en bonne santé.
La fille de Serge, Diane, est aussi en contact régulier avec un membre de la cellule de crise du Quai d’Orsay. “À chaque fois que je l’ai au téléphone, on me dit que mon père est vivant, c’est tout…” déplore-t-elle. Après la libération des quatre salariés d’Areva le 29 octobre, Diane Lazarevic, visiblement remontée contre les autorités françaises, vide son sac sur plusieurs radios et télévisions. Tout en se réjouissant de la libération de ses quatre compatriotes, elle s’indigne de l’inégalité de traitement réservé, selon elle, aux différents otages détenus au Mali. Elle affirme qu’un responsable du ministère des Affaires étrangères l’avait appelée quelques semaines plus tôt pour lui assurer que “s’il y avait libération, il y aurait libération des otages d’Areva et de [son] père” et que “le négociateur en place [vraisemblablement Mohamed Akotey, NDLR] négociait pour les cinq”.
Ne le voyant pas libre aux côtés des salariés de la multinationale, elle révèle alors que son interlocuteur ministériel lui avait précisé que “la France ne [versait] pas de rançon, mais qu’Areva le ferait sûrement”. À la suite de ces propos très gênants pour le gouvernement, le contact entre la fille de Serge Lazarevic et le Quai d’Orsay devient houleux. Malgré tout, Diane Lazarevic affirme “garder espoir” et “souhaiter avant tout une nouvelle preuve de vie de son père”.
Après de longs mois d’angoisse, les familles des deux otages français enlevés au Mali ont décidé d’unir leurs forces. Elles tiendront vendredi 22 novembre une conférence de presse commune à Paris pour alerter l’opinion publique sur le sort de Gilberto Rodrigues et Serge Lazarevic. Dans l’espoir de vivre prochainement, comme les proches des otages d’Arlit, un heureux dénouement.
Par Benjamin Roger