Ce samedi 3 mai 2025, le Palais de la Culture Amadou Hampâté Bâ, symbole vivant de la mémoire et du dialogue national, s’est transformé en un théâtre silencieux d’une confrontation évitée de justesse. Ce devait être une simple réunion d’information. Ce fut une journée marquée par la tension, la fermeté et l’expression de deux aspirations maliennes qui peinent à se parler : celle du retour à un ordre démocratique par la voie politique et celle d’un soutien fort à la dynamique de la Transition au nom de la souveraineté nationale.
Bamada.net-Dès la mi-journée, les alentours du palais ont été bouclés par un imposant dispositif de sécurité. Les partisans de la Transition et ceux des regroupements politiques favorables à un retour rapide à l’ordre constitutionnel étaient sur place, drapeaux en main, slogans en bouche, convictions chevillées au corps. D’un côté, les défenseurs de la démocratie pluraliste, porteurs de pancartes réclamant des élections, des libertés et un retour à la vie institutionnelle normale. De l’autre, une jeunesse galvanisée, déterminée à défendre ce qu’elle considère comme une « libération nationale », incarnée par les autorités de la Transition, et le refus d’un système politique jugé déconnecté.
Face au risque d’affrontement, les forces de l’ordre ont opté pour la dissuasion pacifique, filtrant les entrées, procédant à des fouilles, et évitant les débordements. Le meeting n’a pas eu lieu. Mais ce rendez-vous manqué dit beaucoup sur l’état d’esprit d’une nation partagée entre le besoin de stabilité et l’aspiration à une gouvernance démocratique renouvelée.
Le malaise politique en toile de fond
Au cœur de cette crispation : une proposition controversée issue du récent forum des forces vives organisé par les autorités de la Transition. Ce forum, qui s’est déroulé dans plusieurs régions avant de se conclure à Bamako les 28 et 29 avril, a recommandé, entre autres, la dissolution des partis politiques et l’érection du Président de la Transition, le Général d’Armée Assimi Goïta, au rang de président de la République pour une période de cinq ans.
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Ces recommandations, bien que saluées par certains comme des réponses audacieuses à une classe politique jugée défaillante, ont suscité des inquiétudes légitimes au sein des partis politiques et de nombreux citoyens attachés au pluralisme démocratique. D’autant plus que le Conseil des ministres du 30 avril a entériné un projet de loi abrogeant la charte des partis politiques, texte fondamental adopté en 2005 qui encadre leur fonctionnement.
La suppression de cette charte crée un vide juridique qui interroge. Si l’on comprend le souci des autorités de vouloir rationaliser le paysage politique malien et éviter l’émiettement partisan, il serait contreproductif que cela aboutisse à l’effacement total des partis, pourtant piliers essentiels d’un débat démocratique structuré.
Entre lassitude populaire et espoir civique
Il faut le dire sans détour : la population malienne, dans sa majorité, est fatiguée. Fatiguée des querelles politiciennes, fatiguée des promesses non tenues, fatiguée des élites éloignées de ses réalités. C’est ce ras-le-bol qui nourrit, en partie, le soutien populaire à la Transition et à l’idée d’un nouveau départ.
Mais ce soutien ne doit pas être confondu avec un blanc-seing à l’autoritarisme. La souveraineté nationale, si elle est légitime et non négociable, ne doit pas se construire au détriment des libertés fondamentales. Le Mali a traversé des décennies de luttes pour acquérir ces libertés, et il serait regrettable que la réponse à une crise de confiance soit la mise à l’écart de toute forme d’opposition organisée.
Les slogans lancés ce 3 mai de part et d’autre sont révélateurs : « Vive la démocratie », scandaient les uns ; « Vive Assimi, à bas les politiciens », rétorquaient les autres. Cette fracture de langage, de perception et d’objectif appelle au dialogue. Non à la confrontation.
L’heure du discernement et de la responsabilité
Le défi est immense : comment préserver la stabilité chèrement acquise, renforcer la souveraineté nationale, tout en assurant une ouverture politique réelle, fondée sur des institutions représentatives, une justice indépendante et des élections crédibles ?
Le peuple malien mérite des réformes profondes, mais concertées. Il mérite un État fort, mais juste. Une armée puissante, mais au service de la République. Des dirigeants engagés, mais à l’écoute de la diversité des opinions. Il mérite surtout que ceux qui gouvernent comme ceux qui contestent placent l’intérêt supérieur du Mali au-dessus de toute ambition.
L’histoire retiendra que c’est dans des périodes troublées que naissent les plus grandes avancées, si les dirigeants — tous — acceptent d’écouter, de respecter les différences, et de construire ensemble. Aucun camp ne détient, à lui seul, la vérité. Et aucune transition n’est éternelle.
Le temps est venu de dépasser les slogans pour entrer dans le concret d’un dialogue franc, inclusif et respectueux. Il faut éviter la tentation de l’exclusion politique sous prétexte de purification du système. Le Mali a besoin de tous ses enfants.
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Moussa Keita
Source: Bamada.net