En Egypte, 52 millions d’électeurs (plus un million à l’étranger) sont invités ces mardi et mercredi à participer à dire « Oui » ou « Non » à une nouvelle constitution qui doit remplacer celle des Frères musulmans approuvée par référendum en 2012. Un référendum à risque et sous haute surveillance. Une bombe a explosé ce mardi matin au Caire sans toutefois faire de victimes, peu avant l’ouverture des bureaux de vote.
Avec notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti
Le ministère de l’Intérieur a annoncé le démantèlement d’une cellule qui s’entraînait à perpétrer des actes terroristes lors du référendum.
Depuis l’attentat de Mansourah qui a fait 17 morts en décembre, il ne se passe pratiquement plus un jour sans que les médias n’annoncent qu’une ou plusieurs bombes ont été désamorcées ou que des ceintures explosives ont été trouvées en possession de groupuscules proche des Frères musulmans.
Un climat qui a provoqué la phobie de l’attentat chez beaucoup d’Egyptiens qui ont donc peur de participer au référendum constitutionnel et préfèrent attendre voir comment les choses vont se passer.
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Pour tenter de rassurer ces électeurs les autorités ont annoncé le déploiement d’un service de sécurité sans précédent : 250 000 hommes dont 160 000 militaires pour sécuriser les quelque 30 000 bureaux de vote avec hélicoptères, blindés, forces spéciales et chiens renifleurs en prime.
Un rejet des Frères musulmans
La Confrérie n’a passé qu’un an au pouvoir mais elle a réussi à se mettre à dos une bonne partie de la population. Une hostilité dûe aux pénuries en tous genres (électricité, carburant) qui paralysaient le pays. Des pénuries dues aussi à une gestion incompétente et à la nomination de membres de la Confrérie à la plupart des postes clefs.
Outre l’armée, la police, les magistrats, les journalistes, intellectuels et artistes, la confrérie a réussi à se mettre à dos une bonne partie des ouvriers et des paysans. Car les Frères musulmans se sont avérés être encore plus libéraux économiquement que le régime Moubarak.
Ces rois du commerce pratiquaient une loi du marché sans restrictions. Les jeunes de la Révolution ont été oubliés au profit des jeunes de la Confrérie, mais plus grave encore, la femme était en train de perdre une bonne partie de ses droits. Il suffit de rappeler que la Constitution des Frères musulmans avait fait l’impasse sur l’égalité homme-femme.
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Les principaux points de ce projet de Constitution
Cette nouvelle Constitution doit remplacer celle des Frères musulmans, approuvée par référendum en 2012. Si les deux textes se ressemblent en ce qui concerne la possibilité pour les militaires de juger des civils, ils sont, en revanche, d’inspirations très différentes.
L’islamisme a été remplacé par l’humanisme, même si la charia reste « la source principale de la législation ». La possibilité de se référer à des fatwas vieilles de plus de mille ans a été écartée. Plus question donc de voir des juges s’appuyer sur la Constitution pour prononcer des peines de flagellation.
La femme a retrouvé son statut d’égale de l’homme et le commerce des êtres humains a été formellement banni. L’enfance a, elle aussi, reçu une définition claire permettant d’exclure le mariage précoce et le travail des enfants. La liberté d’expression a obtenu de meilleures garanties, dont celle de ne pas finir en prison sauf dans le cas d’incitation au crime.
Les ouvriers et paysans, qui formaient la moitié du Parlement, ont perdu ce privilège qui était généralement détourné au profit des patrons et des propriétaires terriens. Ils doivent en revanche être représentés dans tous les conseils d’administration, et obtiennent des quotas dans les conseils municipaux, tout comme les femmes et les jeunes. Reste maintenant à traduire ces dispositions dans la réalité pour que la Constitution ne finisse pas comme simple décor.
rfi