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En Afrique, les inquiétudes sur la sécurité aéroportuaire perdurent

Au cœur de la stratégie de croissance et d’attractivité du continent africain, le développement du secteur aérien se poursuit par une stratégie massive d’investissements dans les infrastructures aéroportuaires. Des compagnies majeures, compétitives à l’échelle continentale, émergent et sont capables de s’imposer comme des acteurs alternatifs viables aux grandes compagnies européennes, américaines ou chinoises. Les vols intérieurs au continent se développent et la croissance de long-terme du secteur est déjà d’ores et déjà affirmée. Mais le déficit sécuritaire mine encore le développement des capacités aéroportuaires du continent et génère la défiance des grandes compagnies étrangères.

Les plateformes aéroportuaires au cœur de la croissance du continent

Le 13 février dernier à 13 heures, un incendie se déclare sur la piste 28 de l’aéroport de Ziguinchor au sud du Sénégal. Les pompiers de la caserne locale sont rapidement intervenus et ont circonscrit les flammes qui n’ont fait aucune victime, n’ont entraîné aucun retard et n’ont causé que des dégâts matériels très minimes. Le 2 octobre 2019, à l’aéroport d’Alger, le compartiment réservé aux bagages prend feu. Là encore, les conséquences sont négligeables grâce à une intervention rapide des forces de sécurité. À l’origine du sinistre, un court-circuit dans un climatiseur. Ces incidents, souvent mineurs, sont cependant réguliers dans les différents aéroports du continent et témoignent de la défaillance sécuritaire d’une partie des infrastructures aéroportuaires. Parfois, les images sont plus impressionnantes et les conséquences plus importantes, comme au Kenya en août 2013, lorsqu’un incendie a ravagé l’aéroport international Jomo Kenyatta.

Pour les pays africains, les infrastructures aéroportuaires sont particulièrement stratégiques dans le développement du continent. Et les investissements dans ces structures se multiplient, portés par les pouvoirs publics ou réalisés dans le cadre de partenariats public — privé. Au Maroc, les aéroports de Marrakech-Menara, de Fès et le terminal 1 de l’aéroport de Casablanca ont été inaugurés coup sur coup entre 2016 et 2018. Le prochain projet en date de l’Office national marocain des aéroports (ONDA) est le nouveau terminal de Rabat-Salé, dont les travaux ont débuté en décembre 2018. Ailleurs en Afrique, certaines entreprises s’avèrent colossales. L’Éthiopie, qui aspire à devenir la porte d’entrée de l’Afrique, va entamer cette année les travaux d’un nouvel aéroport, pouvant accueillir une centaine de millions de passagers par an. Le coût des travaux est estimé à 5 milliards de dollars.

Les acteurs privés désormais au cœur de la sûreté des aéroports africains

En Afrique, une partie de la gestion de la sécurité est désormais confiée à des acteurs privés. En janvier 2020, au Mali, un appel d’offres devrait être émis afin de déléguer à un sous-traitant privé la gestion de la sûreté sur l’ensemble des plateformes aéroportuaires du pays. Une pratique très répandue en Afrique. Il y a 10 ans, la Côte d’Ivoire s’est déjà engagée dans la voie de l’externalisation de la sûreté de ses aéroports. Les acteurs européens, comme Amarante ou le groupe IDES sont, par exemple, particulièrement implantés sur le continent et ont fait de la sécurité aéroportuaire en zone sensible un business majeur.

Mais parfois, le recours à des prestataires extérieurs a des conséquences tragiques pour les aéroports continentaux. Ces dernières semaines, Monaco Resources Group, une holding monégasque dont la filiale gère l’assistance à escale de l’aéroport de Libreville, s’est retrouvée au cœur d’un scandale après les révélations, par Africa Intelligence, de pratiques supposément douteuses sur l’ensemble du continent. En effet, Monaco Resources Group serait particulièrement surveillé par le gouvernement gabonais dans le cadre de la vaste opération anticorruption mise en œuvre par les pouvoirs publics. Au Gabon, de nombreuses compagnies internationales auraient ainsi refusé de confier leurs opérations à Monaco Resources Group, au prétexte que celle-ci se rendrait coupable de sous-investissements mettant en danger la sécurité des voyageurs. Une mauvaise presse qui n’entame en rien la volonté de croissance de Monaco Resources Group, qui poursuit ses actions en Afrique et viserait même le contrat d’assistance à escale de l’aéroport de Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan.

Les efforts entrepris sur la sécurité des plateformes aéroportuaires sont aussi renforcés par l’accroissement du risque terroriste. Au Mali, une vidéo de voyageurs arrivés le vendredi 8 novembre 2019 à l’aéroport international de Bamako et ayant réussi à entrer sur le territoire sans aucun contrôle policier ou douanier a déclenché la colère des pouvoirs publics et entraîné des sanctions contre les agents en poste. Au Kenya, qui subit la pression terroriste de la Somalie voisine, la CKAA, l’autorité de contrôle du secteur aérien dans le pays, prévoit des mesures d’ampleur pour renforcer la sécurité de l’accès aux pistes et la multiplication des contrôles de sécurité pour les personnels opérant sur l’aéroport.

Les aéroports africains toujours en manque de certification internationale

Pour satisfaire aux très exigeants standards internationaux, la certification des aéroports s’est désormais imposée comme une priorité pour les pays africains afin d’intégrer les recommandations de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Dès 2012, lors de la conférence d’Abuja, les pays participants de la Conférence ministérielle sur la sécurité aérienne en Afrique déploraient le faible nombre d’aéroports certifiés sur le continent. Sept ans après, peu de progrès ont malheureusement été enregistrés.

En effet, sur 192 aéroports internationaux, seuls 54 bénéficient d’une certification et 28 pays africains n’ont, à l’heure actuelle, aucun aéroport certifié sur leur territoire. Seuls 26 pays ont certifié au moins un aéroport international. Un manque dommageable qui fragilise la compétitivité des aéroports au niveau international et dont la priorité a été réaffirmée lors de la réunion de plusieurs gestionnaires d’aéroports et experts au forum sur la certification des aérodromes membres de l’Union des Gestionnaires des Aéroports d’Afrique du Centre et de l’Ouest qui s’est tenu à la fin de l’année 2019.

À l’échelle nationale, la mobilisation en faveur de la certification des aéroports s’accélère. Pendant une semaine, le gouvernement congolais et l’agence nationale de l’aviation civile ont ainsi organisé en novembre un atelier de familiarisation destiné à améliorer la certification des aéroports de la sous-région. Le pays vise à certifier deux aéroports dans les prochaines années. Au Sénégal, le Directeur de l’Agence des aéroports du Sénégal, Pape Mael Diop a annoncé le déblocage de « cent milliards de Francs CFA mobilisés (…) pour permettre aux aéroports de répondre aux standards internationaux ».

Principale faiblesse du secteur aérien africain, la sûreté sur les plateformes aéroportuaires demeure un objectif majeur dans la perspective d’une croissance très soutenue du marché de l’aérien sur le continent dans les années à venir. Pour autant, le nombre d’obstacles à franchir, notamment en termes de certification, de compétence des prestataires extérieurs et de mise aux normes des infrastructures, reste nombreux.

AFRIK

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