Alors que le pays vit un moment charnière de son histoire politique, la justice malienne est désormais saisie d’une affaire d’une gravité constitutionnelle rare. Après le report de l’audience prévue ce lundi 7 juillet 2025 devant le Tribunal de Grande Instance de la Commune I de Bamako, les avocats de la défense ont poursuivi leur combat judiciaire ce mardi 8 juillet, cette fois devant le Tribunal de la Commune VI. L’affaire en question ? Le décret pris par les autorités de transition maliennes abrogeant la Charte des partis politiques et prononçant leur dissolution. Un acte jugé anticonstitutionnel par les avocats qui demandent la suspension immédiate de ses effets.
Une procédure judiciaire en deux temps
Bamada.net-L’audience du lundi 7 juillet à la Commune I, initialement attendue avec ferveur, a été reportée au 28 juillet. En cause, l’absence des représentants de l’État malien, partie défenderesse. Ce manquement a contraint le juge à repousser l’examen de l’affaire, malgré la présence remarquée de Maître Mountaga Tall, de Maître Mamadou Camara, et d’autres ténors du barreau malien, accompagnés de délégués de plusieurs anciens partis politiques dissous.
Ce mardi 8 juillet, c’est devant le Tribunal de Grande Instance de la Commune VI que les débats devaient se poursuivre. Mais là aussi, un nouveau renvoi a été prononcé : l’audience est désormais fixée au 29 juillet, suite à une demande formulée par le Contentieux de l’État, qui a déclaré avoir besoin de davantage de temps pour étudier le dossier dans son intégralité.
Un décret qui ébranle le socle démocratique
Au cœur de la contestation se trouve le décret d’abrogation de la Charte des partis politiques, acte administratif ayant pour conséquence directe la dissolution de tous les partis politiques au Mali. Pour les avocats de la défense, cette décision constitue une atteinte grave à la Constitution du 22 juillet 1992, toujours en vigueur, qui garantit explicitement le multipartisme.
« La Constitution est claire : les partis politiques se forment librement et concourent à l’expression du suffrage universel. Aucun décret ne peut abolir ce principe fondamental sans violer la loi suprême », a déclaré Maître Mountaga Tall, l’un des avocats les plus actifs dans cette affaire.
De plus, les avocats pointent du doigt l’absence de mesures transitoires dans le décret d’abrogation. En supprimant brutalement le cadre juridique des partis sans prévoir de mécanisme d’adaptation, l’État aurait, selon eux, mis fin de manière arbitraire à un pilier de la démocratie malienne.
Libertés fondamentales bafouées ?
Mais les conséquences du décret ne s’arrêtent pas à la simple dissolution administrative. Le gouvernement a, dans la foulée, interdit toutes les activités politiques, privant ainsi les anciens partis et leurs membres de leur liberté d’expression, de réunion, d’association, de manifestation, et même de simple participation au débat public.
Les avocats dénoncent une série de restrictions qu’ils qualifient de liberticides, et demandent au juge de suspendre les effets du décret dans l’attente d’un référé préjudiciel de constitutionnalité. En clair, ils souhaitent que l’affaire soit transmise à la Cour Constitutionnelle afin qu’elle tranche sur la légalité du décret vis-à-vis de la Constitution.
Vers un bras de fer judiciaire avec l’État ?
Dans cette atmosphère tendue, les défenseurs des anciens partis politiques réclament également l’organisation d’un débat public, estimant que l’enjeu dépasse le simple cadre juridique pour toucher au fondement même de l’État de droit au Mali.
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« Nous avons saisi le juge pour qu’il ordonne la suspension immédiate du décret. Le principe de la séparation des pouvoirs exige que ce type de conflit soit tranché par la justice », a martelé Maître Mamadou Camara.
Désormais, tous les regards sont tournés vers les audiences du 28 et du 29 juillet. D’ici là, la pression politique et sociale pourrait encore monter d’un cran, d’autant plus que plusieurs organisations de la société civile, juristes et observateurs internationaux commencent à exprimer leurs préoccupations quant au respect des libertés fondamentales au Mali.
Une transition de plus en plus critiquée
Pour rappel, ce décret de dissolution s’inscrit dans un contexte de crispation politique marqué par la prolongation de la transition et les tensions croissantes entre les autorités et les forces politiques traditionnelles. En évinçant ces dernières, certains analystes y voient une tentative de recomposition autoritaire du paysage politique malien, à quelques mois d’échéances électorales désormais incertaines.
Les défenseurs des droits humains redoutent une dérive vers un système monolithique, en contradiction avec les acquis démocratiques durement obtenus depuis la révolution de 1991.
Et maintenant ?
L’audience du 28 juillet à la Commune I et celle du 29 juillet à la Commune VI s’annoncent comme des moments décisifs. Si les juges acceptent d’examiner la requête des avocats, une remise en cause du décret pourrait relancer le débat politique national, rouvrant la voie à un dialogue entre les autorités et les partis dissous. Dans le cas contraire, les tensions pourraient s’aggraver, au risque d’un blocage institutionnel durable.
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MLS
Source: Bamada.net