Les 10 et 11 Novembre dernier, ont eu lieu un atelier sur la gestion des conflits intercommunautaires, organisé par le ministère de la réconciliation nationale. Ce forum, qui a regroupé l’ensemble des acteurs de la crise et les autorités administratives dans la salle de conférences de la Maison des Jeunes de Bankass a servi de cadre pour discuter et trouver certaines solutions pour la sortie de crise dans le conflit intercommunautaire qui oppose peulhs et dogon dans la zone. Mais la question du désarmement du mouvement d’auto-défense Da Na Ambassagou, qui était la préoccupation de certains acteurs doit-elle être une priorité à ce niveau de la crise ? En tout cas, joint par nos soins, le coordinateur du mouvement Da Na Ambassagou, David Tembiné n’a pas mâché ses mots.
Il faut noter la présence de plusieurs personnalités, représentant plusieurs structures et organisations à savoir : une grande délégation venue de Bamako ; une délégation venue de Bandiagara, Tominian et Djenné ; des représentants de Tabital Poulakou ; un représentant de Ginna Dogon ; des représentants des ONG : Caritas, l’APR, le Comité International de la Croix Rouge (CICR), la Minusma, les leaders réligieux, la Récotrade, les représentants du mouvement Da Na Ambassagou, etc.
Les objectifs de ce forum de deux jours étaient entre autres : d’identifier les causes de la crise sécuritaire ainsi que les termes du dialogue à mettre sur pied pour parvenir à des solutions pacifiques ; identifier les acteurs clés autour desquels on peut construire la paix ; identifier les zones de tension inter et intracommunautaires ; proposer des pistes de solution à court, moyen et long terme (mécanisme de dialogue et de règlement des conflits) ; sensibiliser les participants sur la cohésion sociale et le vivre ensemble des communautés et la mise en place d’un comité de suivi.
Au cours des travaux, des questions importantes ont été posées et certaines réponses ont été données pour satisfaire l’assistance. Parmi ces interrogations, il y a : Pourquoi ces conflits ? Qui sont en conflit ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que les conflits entre Peulhs et Dogons ont toujours existé. Mais actuellement, ils ont pris d’autres formes avec la création d’un groupe islamiste peulh et la création par les dogon et d’autres ethnies du groupe d’auto-défense Da Na Ambassagou. Avec ce climat de méfiance qui existe entre les différentes communautés au Pays Dogon, le vivre ensemble est vraiment menacé. Ainsi, dans son intervention, l’honorable Drissa Sankaré, député élu à Bankass s’en prend ouvertement au mouvement d’auto-défense Da Na Ambassagou : « Le mouvement Da Na Ambassagou est fermé car il n’est constitué que de quelques ethnies et l’ethnie peulh y est marginalisé. Aussi, ce qu’il faut savoir, c’est que certains peulhs sont contre les djihadistes. Donc, Da Na Ambassagou n’est pas bien placé pour sécuriser les populations. Cette tâche n’appartient qu’à l’armée », affirme-t-il.
Pour Madani Tolo, représentant de l’association Ginna Dogon, Da Na Ambassagou est à la base de la détérioration actuelle du climat sécuritaire : « C’est Da Na Ambassagou qui a empiré la situation car Ginna Dogon a entrepris des démarches pour la gestion des conflits dans le cercle de Koro. C’est après des travaux de médiation que Da Na Ambassagou s’est rendu à Gondogourou et a combattu les peulhs, d’où ce mouvement résurrectionnel. En conséquence, Da Na Ambassagou doit être désarmé », a-t-il fait savoir.
Après ce forum dont les recommandations portent sur la sensibilisation des communautés ; le désarmement des combattants ; la lutte contre la circulation des armes et l’incitation à la coopération avec les forces armées et de sécurité, nous avons pu joindre le coordinateur national du mouvement Da Na Ambassagou, David Tembiné. Ce dernier semble être surpris de la recommandation qui fait état du désarmement des chasseurs de Da Na Ambassagou. Il nous a livré ses impressions sur ce forum et ses recommandations : « Nous n’avons jamais attaqué quelqu’un. Nous ne faisons que nous défendre contre tous les ennemis du Pays Dogon. Ils parlent du désarmement des chasseurs alors je réponds que cela est ridicule. Depuis les temps immémoriaux, les chasseurs possèdent leurs outils de chasse et de défense. Et d’ailleurs, ils sont à la base de la création de presque toutes les villes et villages au Mali. Quel régime peut-il désarmer les chasseurs ? Je pense que si l’armée ne peut pas couvrir toute notre zone, c’est notre droit de prendre nos responsabilités. S’ils veulent assaisonner leur mandat politique, nous, nous ne sommes pas leurs escaliers. Nous n’accepterons jamais d’être désarmés car, on le sait, c’est ceux-là même qui lancent ces cris d’alarme qui arment les islamistes dans la zone », affirme-t-il avec un ton violent et choquant.
Pourquoi vouloir désarmer un mouvement sans pour autant parvenir à éradique le phénomène d’auto-défense du djihadisme dans la zone ? Pourquoi Dan Na Ambassagou est visé dans les interventions des uns et des autres ? Le désarmement de Da Na Ambassagou est-il bénéfique aujourd’hui pour les populations habitant les villes et villages du Pays Dogon ? En tout cas, sachons raison garder et ce ne sont pas des petits foras de 2 jours où chacun va se défouler sur son adversaire qui vont gérer cette crise. Elle est beaucoup plus complexe que ça et mérite l’attention de tout le monde. Ainsi, ce forum ne rassure pas du tout et ceux qui l’ont organisé semblent avoir l’idée de défendre un camp. De toute façon, personne n’a parlé du désarmement Front pour la libération du Macina. Donc, le problème reste entier.
Alfousseini Togo
Source: Le Canard de la Venise