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CULTURE-DESIGN : Cheick Diallo honoré à Africa Design Award

Architecte de métier et considéré comme l’un des précurseurs du design africain, Cheick Diallo vient une fois de plus de hisser haut les couleurs nationales du Mali. En effet, le designer atypique vient de remporter successivement deux récompenses majeures. C’était à Libreville (Gabon) dans le cadre de la première édition d’Africa Design Award. La cérémonie de remise était présidée par le président Ali Bongo Ondimba.

 

Cheick Diallo honore Africa Design Award

 

 

La première édition d’Africa Design Award remportée a eu un très grand succès en Afrique et au-delà. Et notre compatriote Cheick Diallo n’a pas fait dans la figuration car lauréat du Premier prix. C’était le dimanche 25 mai 2014 à Libreville, au Gabon, dans le cadre du très prestigieux New York Forum Africa. La cérémonie de remise était présidée par le président Ali Bongo Ondimba, avec le soutien remarquable de Richard Attias et du New York Forum Africa. Pour le jury, le travail de Cheick Diallo favorise non seulement le développement économique à travers ses dessins au Mali, mais aussi «le développement d’une esthétique audacieuse pour le design africain». Et les membres du jury trouvent également que «son utilisation de l’acier recyclé pour la structure de ses meubles exprime la conscience de conception du créateur». Juste récompense pour un designer visionnaire omniprésent dans les grandes rencontres internationales au point que la presse avait fait de 2012 «année Cheick Diallo» ! C’est vrai que, il y a deux ans, il avait fait l’actualité avec une exposition personnelle au Musée Mandet de Riom (France), une collective au musée Dapper à Paris sur le thème «Design en Afrique».  Et une 3e expo avait eu lieu en fin 2012 à la galerie parisienne Perimeter sur la thématique de «Visions africaines». Ce dernier événement lui avait permis de côtoyer les œuvres du jeune Kenyan Cyrus Kabiru et les céramiques du studio sud-africain Ardmore.

Né au Mali en 1960, fils d’un architecte et architecte formé à l’Ecole Supérieure d’architecture de Rouen (France), Cheick Diallo a poursuivi des études à la prestigieuse Ecole nationale supérieure de création industrielle (ENSCI) basée à Paris, d’où il sort diplômé en 1994. Pendant ce temps, il a été distingué deux fois (premier prix) par le Musée des Arts Décoratifs (Paris), pour la création de sa lampe Ifen et de la chaîne Rivale. Comme le dit notre confrère Modibo Souaré de la télévision nationale, «au lieu de se contenter confortablement d’une carrière prometteuse au sein de la contemporaine du design français, Cheick a choisi d’associer une grande partie de sa vie professionnelle à l’Afrique et a ouvert son studio de design à Bamako». Vulgariser l’art, rehausser l’image du Mali. C’est donc à partir de notre capitale que l’artiste-designer a développé «une pratique de conception unique en tant que concepteur, fabriquant pour les projets de conception impliquant un processus basé en Afrique». Aujourd’hui, il est d’une notoriété internationale, une référence mondiale dans le design. Et pourtant, nous disait Cheick dans une interview réalisée il y a quelques années, il s’est passionné pour le design un peu par ennui. «En France, dans les bureaux d’Archi où je travaillais, on ne faisait que de la résolution de problèmes. La part de plaisir était nulle et je me disais : si je continue, je vais avoir des ulcères», plaisante-t-il pour expliquer sa passion pour cet art.

À sa sortie de l’ENSCI, il se donne alors comme ambition de revitaliser l’artisanat malien. Ce qui supposait aller au-delà des préjugés sociaux culturels car, au Mali voire en Afrique occidentale, les vanniers, les forgerons, les bijoutiers ou autres tisserands sont organisés en corporations et confinés dans des castes. La coutume malienne veut ainsi qu’on ne «devienne pas forgeron, mais on naît forgeron». Et chaque métier se limite à un seul savoir-faire. Alors le designer a commencé par former des artisans pour décloisonner leurs disciplines et les sortir d’une production répétitive leur fermant tous les hors horizons commerciaux au-delà des frontières nationales. Pour les observateurs, «les meubles et les objets issus de cette approche sont dénués de toute référence folklorique». Au-delà de la compétitivité d’un artisanat traditionnel, Cheick a aussi une vision écologique puisqu’il réalise l’essentiel de sa production avec des matériaux recyclés. Mais, ce créateur atypique utilise beaucoup le fer à béton pour produire ses carcasses par la suite recouverte de fils en nylon. Pas toujours d’un confort extrême, mais tant pis, disent les connaisseurs… «Cela donne des meubles sculpturaux, à la structure très complexe. Leur treillage évoque les nervures d’une feuille ou, parfois, le bois rongé par les termites», commente un confrère français. Mais, pour les critiques, l’enjeu du travail de Cheick Diallo va au-delà de «l’esthétique et de l’originalité». Il peut toucher tout le monde. Et cela au moment où les objets traditionnels africains sont dangereusement menacés par l’invasion des produits bon marché venant de Chine. Et, pour Cheick, «le rôle du designer, c’est d’alerter sur cette réalité, de dire qu’il ne faut pas abandonner nos savoir-faire. Si nous nous ne donnons pas un coup de main à l’artisanat, dans très peu de temps, nous ne serons plus que de simples consommateurs. Il y va de notre survie».

Bamako, vitrine du Design

En dehors de toutes ces considérations, Cheick Diallo montre aussi que le «Mali peut exporter autre chose que du coton, de l’or ou des fruits». Et progressivement, il a gagné le pari qui était de prouver que «la création africaine est digne d’intérêt, et qu’il existe un marché pour le design made in Bamako». C’est sans doute pourquoi il bouge tant pour faire connaître ce pan prestigieux des arts et de la culture du Mali non seulement au monde, mais aussi et surtout aux Maliens. Aussi curieux que cela puisse paraître !

«Si je n’exposais qu’à Bamako, presque personne ne regarderait mes œuvres. Un objet vu en France, à Stockholm ou à New York, pousse les Maliens à agir. Ils se disent : tiens, c’est fabriquer à Bamako, pourquoi ça se retrouve à Stockholm et pas chez nous ?», explique l’artiste. Aujourd’hui, le designer emploierait une dizaine de personnes dans la capitale malienne. Et même, s’il habite Rouen (France), il passe une grande partie de l’année à Bamako où il travaille directement avec les artisans. «Les gens avec qui je travaille ne savent ni lire ni écrire. Parfois, on construit les objets au milieu du marché et tout le monde a son mot à dire !», souligne M. Diallo. En 2012, il avait profité de l’expo au Musée Mandet de Riom pour lancer «Mandé». Une nouvelle ligne de meubles dont le nom est à la fois un clin d’œil au fondateur du musée et à sa région d’origine. Une initiative accueillie par la critique comme «un petit pas en arrière et un très beau pas en avant». C’est cela aussi la vision de Cheick Diallo, un désigner atypique, très engagé !

Moussa BOLLY

 

Des noms atypiques

Désigner contemporaine et profondément attaché à ses racines maliennes voire africaines, Cheick Diallo est réputé pour ses chefs-d’œuvre aux noms atypiques comme Sansa (ou Sansara), un fauteuil très original. La forme du siège Sansa est ainsi venue quand l’artisan qui l’assemblait l’a appuyé contre un mur et s’est endormi dedans. «Il ne restait plus qu’à ajouter des pieds», commente Cheick ! Quant au nom, «cage à poules» en bambara, c’est un surnom que les passants lui ont donné. Ses créations aux formes arrondies et aux couleurs attractives tirent profit de l’exceptionnel savoir-faire des artisans locaux, comme celui des forgerons qui soudent des tiges de métal recyclé. Après les avoir recouvertes de fil de pêche pour donner naissance à ses fauteuils. On sait aussi que ses services de couverts sont façonnés par des bijoutiers touaregs.

M.B

SOURCE: Le Reporter

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