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COVID-19 et bioéthique : « Beaucoup de principes ont été violés »

Défenseur ardent de la dignité humaine et des droits humains, facilitateur infatigable entre médecins et tradithérapeutes en milieu rural, l’Abbé Moïse Dembélé, prêtre, spécialiste en Bioéthique, a fait sa licence Canonique en Pastorale de la Santé et Bioéthique à l’Institut Camillianum à Rome en Italie. Ayant obtenu une bourse internationale, il a ensuite poursuivi ses études au Canada et obtenu brillamment son doctorat en bioéthique à l’Université de Montréal, à la Faculté de la médecine sociale et préventive, avec le prix de la Meilleure thèse 2015 décerné par le Réseau de recherche en santé de population du Québec. Très passionné pour le respect de la dignité humaine et les droits humains, Moïse est un défenseur des personnes vulnérables, des malades et des sans voix dans la société. La rigueur qu’il cultive dans la gestion transparente du bien public est on ne peut plus claire. Ici, il revient sur « les faiblesses » éthiques dans la lutte contre la Covid-19.

« Tout ce qui concerne la santé constitue un domaine d’application de la Bioéthique. A regarder seulement les principes qui régissent la bioéthique, la pandémie de Covid-19 concerne d’abord l’être humain, sa santé et son bien-être dans la société. La gestion de cette pandémie, implique et la société et le monde médical et les politiques », dit, d’entrée de jeu Abbé Moïse Dembélé, prêtre, professeur de bioéthique et auteur du livre Bioéthique et excision au Mali : De la dignité humaine au respect de l’intégrité physique des femmes. Torino, Paris : L’Harmattan. Il est également l’auteur d’autres livres et articles en collectif sur le respect de la dignité humaine, sur la mort cérébrale, la santé mentale et l’éthique, la stigmatisation liée à la pandémie Covid-19.

La « bioéthique » concerne les problèmes de la vie, du début à la fin. Elle est une réflexion sur les progrès de la recherche dans les domaines de la technologie, de la biologie, de la médecine et de la santé, et l’impact que ces progrès peuvent avoir sur l’être humain et sur l’environnement en général. La réflexion Bioéthique est « pluri- et inter- disciplinaires » qui s’articule autour d’un travail commun à la croisée de plusieurs disciplines comme la science, la technologie, la philosophie, le droit, la médecine, l’anthropologie, la sociologie et même la théologie.

Selon lui, la Bioéthique a un lien avec la lutte contre Covid-19. « En prenant les principes un à un, et en essayant d’analyser les politiques de gestion de cette pandémie, en fonction des pays, on se rend compte que beaucoup de zones d’ombres interrogent la Bioéthique. Je vais prendre seulement quelques points, d’une manière générale : A travers les mesures de barrières, distanciation sociale, confinement, isolement des malades de Covid-19 etc. Est-ce que la mise en place de ces mesures à respecter la dignité des personnes ? Toutes les scènes de stigmatisations liées à ces mesures, n’ont-elles pas porté atteinte à la dignité humaine des personnes victimes ? Comment dans la gestion d’une pandémie, on peut écarter les cliniciens qui ont mis l’accent sur la dimension curative, au profit du point de vue des firmes pharmaceutiques ?

Par rapport aux vaccins : quand les fabricants des vaccins déclinent toutes leurs responsabilités par rapport aux conséquences à long terme de leurs produits, où est le principe de bienfaisance et non-malfaisance ? Où est la place du principe de responsabilité sociale qui implique les États et la société civile ? Avec la censure et l’absence totale de tout débat scientifique sur ces vaccins, où est le respect du consentement éclairé des personnes qui se font vaccinées ? Jusqu’à aujourd’hui, qui peut dire scientifiquement que les vaccins administrés aux populations les protègent pour tel ou tel nombre de mois ou d’année ? Quels sont réellement les conséquences à long terme ? Les premières doses de vaccin ont été administrées officiellement le 8 décembre 2020 à partir de communiqué de presse et non à partir des résultats scientifiques d’expertise et contre-expertises. Ce qui est une violation de l’éthique de la médecine, qui exige d’abord des résultats scientifiques avec expertise et contre-expertises. Le respect de cette dimension permettrait d’identifier les conséquences à court et à long termes des vaccins et de leur efficacité…Ce qui n’a pas été fait ! », analyse-t-il.

En plus, il s’interroge sur les consentements éclairés des personnes vaccinées. « Quant à la répartition des vaccins, regardez bien, si les principes de solidarité, de justice, d’égalité et d’équité ont été respectés… (Vaccins plus chers pour les pays riches, et vaccins moins chers pour les pays pauvres, et certains de ces vaccins ne sont pas reconnus par l’Union européenne). Je peux en dire long. C’est pour dire que la bioéthique (et l’éthique en général), dans la gestion de la pandémie Covid-19 a été violée dans beaucoup de ses principes ».

 

Propos recueillis par

Aminata Agaly Yattara

Cet article a été publié avec le soutien de JDH, Journalistes pour les Droits Humains et Affaires Mondiales Canada

Encadré

Importance de la Bioéthique

Approfondir la réflexion sur les enjeux éthiques de la pratique et de la recherche dans le domaine de la santé et le monde médical, offrir un complément de formation en vue d’améliorer la qualité du travail des professionnels et de former des citoyens plus avertis,  contribuer à redéfinir la problématique de la déontologie professionnelle dans le monde de la santé, contribuer à préparer des personnes-ressources en éthique pour le secteur de la santé ; Identifier les problèmes éthiques soulevés par la révolution biomédicale dans un monde pluraliste et pluriethnique, analyser ces problèmes éthiques avec une approche globale et interdisciplinaire, appliquer un processus de résolution de dilemme éthique, permettre de s’impliquer dans un groupe de travail qui a pour tâches d’identifier et d’analyser des problèmes éthiques et de prendre des décisions à leur égard.

A. A. Y.

COVID-19 ET BIOETHIQUE:

Le principe de la responsabilité sociale

Qui est responsable de la communication, des actes à poser pour soigner ou demander aux citoyens de se protéger ? L’abbé Moïse Dembélé s’exprime sur la question.

Moïse est actuellement Officier au Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral, dans la Section “Personne et Société », Secteur de la Pastorale de la Santé. Dans ce Dicastère, Moïse s’occupe aussi des questions de la Pauvreté et Santé, la Drogue et la Dépendance, le Domaine des Médicaments, l’Ecologie intégrale et Santé, la Bioéthique, et enfin, il est Observateur du Saint-Siège auprès de la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel, qui couvre neuf pays dont le Burkina, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la Gambie, la Guinée- Bissau, le Cap Vert, le Sénégal et le Tchad. Il est professeur de bioéthique à l’Université de Montréal au Canada.

« Dans le contexte de la pandémie Covid-19, le problème philosophique du principe de la responsabilité sociale a pour objet les conditions d’imputabilité de nos communications, nos actes et nos omissions dans la société. Dans le langage commun, le terme « responsabilité », outre son emploi dans le contexte de l’imputabilité, se réfère aussi à des devoirs ou à des obligations liés à un statut social. Par exemple, lorsqu’une personne occupe une fonction sociale ou un rôle important, on la nomme responsable du bien-être des citoyens ou des personnes qui sont à leur charge ou de l’exécution des tâches dont elle a la charge. Dans cet esprit, cette personne est supposée se conformer aux devoirs et aux obligations liés à son statut, y compris les obligations d’agir de manière « responsable et digne », c’est-à-dire de façon raisonnable, juste et prudente. Si tous les acteurs impliqués dans la gestion de cette pandémie du Covid-19, en plus de la société civile, agissaient d’une manière raisonnable, juste et prudente, les stigmatisations et certaines scènes de discriminations auraient moins de place dans la vie quotidienne des populations déjà éprouvées par les conséquences de cette infection », dit-il.

Dans l’esprit de la mise en application du principe de responsabilité sociale, les autorités sanitaires et politiques devraient faire en sorte que, dans la mesure du possible, les décisions prises (fermeture des frontières, mesures de confinement, isolement ou quarantaine, vaccination obligatoire dans certains pays, licenciements des employés non vaccinés dans certains services), aillent dans le sens de la justice, de l’équité et de l’intérêt de l’humanité tout entière. Dans cette optique, le principe de responsabilité sociale est important et incontournable, et il a pour objectif d’attirer l’attention des responsables de l’élaboration des politiques, dans le domaine de la gestion de crises sanitaires et les conséquences, telles qu’elles sont perçues dans la plupart des pays et par le grand public.

« Le préambule de la « Déclaration sur la bioéthique et les droits de l’homme » (Unesco, 2005) va étendre cette responsabilité à l’ensemble de la société dans la logique de l’imputabilité de nos actes spécialement par rapport à la santé et à la stigmatisation : « La promotion de la santé et du développement social au bénéfice de leurs peuples est un objectif fondamental des gouvernements que partagent tous les secteurs de la société. Compte tenu du fait que la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques ou sa condition économique ou sociale, le progrès des sciences et des technologies devrait favoriser : l’accès à des soins de santé de qualité et aux médicaments essentiels (…) car la santé est essentielle à la vie même et doit être considérée comme un bien social et humain ; l’accès à une alimentation et à une eau adéquates ; l’amélioration des conditions de vie et de l’environnement ; l’élimination de la marginalisation et de l’exclusion fondées sur quelque motif que ce soit ».

Face à cette pandémie de Covid-19, l’élimination de la stigmatisation, de l’injure, de la marginalisation et de l’exclusion des personnes non vaccinées, liée à cette maladie, doit être une priorité de tous. « La stigmatisation liée à une infection ou au fait de ne pas être vacciné ou même d’être vacciné par telle qualité de vaccin, est contraire au respect de la dignité humaine, parce qu’elle porte atteinte à la dignité sociale : la dignité de soi et la dignité dans la relation, et elle est contraire au droit à la liberté de mouvement parce qu’elle empêche les victimes de circuler librement ». Dans ce contexte, le principe de responsabilité sociale intervient d’une manière pertinente et indispensable à deux niveaux pour le respect de la dignité humaine : le pouvoir public, à travers la mise en place des dispositifs pour le respect des droits fondamentaux de la personne, et chaque citoyen dans le respect de la dignité de soi et de l’autre. Dans l’application du principe de responsabilité sociale, il ne s’agit pas de la protection directe de la dignité humaine, mais de la protection des droits qui eux-mêmes permettent de préserver la dignité de la personne.

Domaine interdisciplinaire par excellence, le spécialiste en bioéthique s’intéresse aux enjeux éthiques du milieu clinique, de la recherche, de la santé publique, des politiques de santé et de l’environnement qui ont un impact sur la société. Au carrefour des sciences sociales et de la santé, la bioéthique se présente comme un domaine d’étude particulièrement rassembleur, offrant un vocabulaire accessible pour discuter des grands enjeux éthiques de notre époque. Il permet d’acquérir une connaissance raisonnée et critique sur le statut et l’évolution des pratiques de la biomédecine et sur l’action politique qui les détermine. Raison pour laquelle, son enseignement a été instauré dans les facs de médecines et les écoles d’infirmiers à travers le monde.

Propos recueillis par

Aminata Agaly Yattara

Cet article a été publié avec le soutien de JDH, Journalistes pour les Droits Humains et Affaires Mondiales Canada

 

Source: Mali Tribune

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