L’émission “Au cœur de l’économie”, une coproduction de l’ORTM en partenariat avec l’agence de communication Spirit Mc Cann, a lancé, ce jeudi 21 mars 2024 au CNPM, les débats sur le plan de relance économique du Mali : les solutions du secteur privé.
Pour ce 12e numéro, les journalistes Sidiki Dembelé et de Nianian Aliou Traoré ont reçu sur leur plateau le président du Conseil national du patronat du Mali (CNPM), Mossadeck Bally, le secrétaire administratif de l’UNTM, Issa Bengaly, le secrétaire général du Conseil national de la société civile, Siriman Sacko, et l’économiste Madou Cissé, universitaire, maître de conférences à la Faculté des sciences économiques et de gestion de Bamako.
A l’entame de ses propos, Mossadeck Bally a présenté le plan d’actions (2022-2027) du Conseil national du patronat du Mali (CNPM) assorti des réflexions des groupes de travail.
Aux dires de M. Bally, le CNPM travaillé sur 5 facteurs de compétitivité pendant presqu’un an “parce que toute entreprise a besoin des ressources humaines de qualité et bien formée”.
Au cœur des priorités
Parmi les cinq axes prioritaires dégagés par l’actuel bureau du CNPM, un en particulier intéresse les Maliens de la capitale et de l’intérieur du pays : l’énergie. Plongée dans un délestage sans précèdent depuis plusieurs mois, la résolution de la crise énergétique actuelle est une “priorité absolue” pour tous.
A en croire le président du président du CNPM, également du président du groupe de travail énergie, la crise énergétique est due à plusieurs facteurs combinés. Selon lui, “on a un réseau de transport très vétuste qui a beaucoup de pertes dans le réseau. On a une société d’énergie du Mali qui a le monopole dont la gestion n’est pas une gestion vertueuse avec beaucoup de manquements. Il y a aussi un manque de prospective, de vision”, constate-t-il.
Au regard de la hausse croissante de demande d’électricité et aux difficultés récurrentes d’EDM de répondre aux besoins des populations et des entreprises, le groupe de travail énergie du CNPM estime “que l’organisation et le fonctionnement gestionnaires de l’énergie et particulièrement de l’électricité, la politique de subventions et le financement se révèlent inadaptés pour faire face aux enjeux”.
Un diagnostic partagé par l’économiste Madou Cissé. “Le CNPM, en voulant booster l’offre, a fait une très bonne lecture du problème de l’énergie”, dit-il, rappelant que l’énergie est un facteur essentiel, voire indispensable pour relancer l’économie.
Pour venir à bout de la crise énergétique du Mali, le CNPM soumet un plan d’action axé sur quelques points : restructuration du secteur de l’électricité, libéralisation du marché, tarification et subventions.
EDM s’occupera uniquement du transport
Pour la restructuration du secteur de l’électricité, le Conseil propose, dans un premier temps, de repenser la configuration du secteur en allant vers une production décentralisée sur la base de politiques énergétiques bien définies, construire un plan directeur de développement du secteur à long terme, sur 10/15 ans et organiser un audit de l’EDM pour plus d’efficience.
La restructuration de la dette de l’EDM et du secteur de l’électricité (DNE, Amader…) en confiant à l’EDM uniquement le transport ; la distribution et commercialisation au privé et le renforcement des partenariats privé-privé, privé-public sont primordiales pour le CNPM.
Des recommandations soutenues à 100 % par les co-débateurs présents sur le plateau de l’émission économique.
L’Etat n’ayant pas la solution à la crise énergétique actuelle, le secrétaire administratif de l’UNTM, Issa Bengaly, propose d’intéresser les privés “qui ont les moyens d’accroître la productivité pour pouvoir s’en sortir”. Le représentant de l’Union des travailleurs du Mali recommande, par ailleurs, le développement de mécanismes pour garantir non seulement les consommateurs et la production.
Partenariat public privé, la solution ?
La réponse est affirmative pour le secrétaire général du Conseil national de la société civile, Siriman Sacko. Il souligne que l’association du privé est importante quand on veut arriver à un niveau de performance.
“Tous les pays ont fait ces expériences. Surtout, nous sommes dans un Etat où les priorités sont nombreuses, notamment l’aspect sécuritaire, la prise en charge des fonctionnaires… Donc, la marge de manœuvre même de l’Etat est très mince pour pouvoir aller vers les investissements. On a une solution à portée de main, qui est de mobiliser les fonds privés, les fonds d’investissement dans le cadre de partenariat pour financer tous les domaines prioritaires”, préconise-t-il.
Ouverture du capital
Dans le plan d’action du CNPM, d’autres plaidoyers sont faits pour faciliter le financement et le développement de la production d’énergie à petite échelle et faire appliquer les textes de lois de l’Ohada à l’EDM afin “de lui donner une autonomie totale de gestion et envisager l’ouverture de son capital au secteur privé malien”.
En ce qui concerne la tarification et subventions, le CNPM demande de revoir la grille et la structure tarifaire afin, plaident-ils, “de prendre en compte la spécificité des usagers et développer le mix énergétique pour faire baisser les coûts de production”.
Autre recommandation formulée par le secteur privé, la création d’un guichet unique logé à la présidence pour accorder aux projets énergétiques l’attention qu’ils méritent en tant que projets structurants.
L’Etat en retrait
Le pas vers l’économie de marché libérale, c’est l’option que doivent saisir les autorités maliennes, de l’avis de l’enseignant chercheur Madou Cissé pour gérer cette crise à long terme.
L’économiste estime qu’il serait intéressant pour l’Etat de se mettre en retrait et laisser le fonctionnement de l’économie au privé. Selon lui, “l’Etat ne peut pas produire des choses efficacement que les privés peuvent produire”. Derrière, “Etat doit faire de la régulation impartiale à travers des structures automnes et à travers une justice implacable”, propose l’universitaire “une fois que l’Etat adopte ce schéma ça va forcément marcher”.
En plus de l’énergie, le CNPM propose des solutions dans son document quinquennal aux problématiques des ressources humaines, transport infrastructures désenclavement, financement et fiscalité pour développer et booster l’attractivité du secteur privé au Mali.
Le document est déjà sur la table du président de la transition. En attendant la réponse du gouvernement, le CNPM reste très confiant malgré les difficultés et la crise profonde multidimensionnelle que traverse le pays.
Kadiatou Mouyi Doumbia