Les Objectifs de développement durable (ODD) font de la souveraineté économique des femmes et de leur inclusion des conditions essentielles au décollage économique des pays. Selon les statistiques, les femmes représentent une part importante de la main-d’œuvre agricole au Mali, contribuant ainsi de manière significative à la production alimentaire.
Plus de 70 % de cette production alimentaire sont assurées par les femmes selon le site du Bureau régional de la FAO pour l’Afrique. Cependant, ces femmes rencontrent souvent des difficultés pour accéder aux ressources économiques et aux opportunités d’emploi dans d’autres secteurs clés de l’économie.
Selon une étude publiée par le Programme des Nations unies, le Mali dispose de divers mécanismes juridiques et institutionnels visant à promouvoir l’épanouissement professionnel des deux sexes. Le Cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (CSCRP 2020-2023), prend en compte l’égalité des sexes dans l’accession aux crédits et aux biens.
Néanmoins, il subsiste quelques défis et points faibles. L’analyse situationnelle de l’emploi dans le secteur public et du genre révèle une très faible présence des femmes à la tête des affaires. En 2009, les femmes ne représentaient que 25 % des fonctionnaires, 17 % des salariés et 5 % des cheffes d’entreprises.
“Cette situation d’inégalités de genre est liée à plusieurs contraintes et difficultés : contraintes pesant sur l’éducation des filles ; contraintes sociales liées au statut de la femme et de la fille”, précise l’étude.
Ousmane Z. Traoré, enseignant-chercheur en économie appliquée, Université de Ségou, a mené une étude sur “Le potentiel des femmes dans les secteurs et branches d’activités économiques au Mali”.
Pour lui, le taux de sous-utilisation de la main-d’œuvre chez les femmes est de 72,8 % contre 31,1 % pour les hommes. Les emplois vulnérables sont majoritairement occupés par les femmes (55 %).
Les données récentes de l’Enquête modulaire et permanente auprès des ménages (Emop) 1 réalisées par l’Institut national de la statistique (Instat, novembre 2021) indiquent que le phénomène de chômage au Mali est particulièrement plus important chez les femmes, mais, également, que si on leur fait confiance, leur taux de réussite en affaire est de 30 % supérieur à celui des hommes.
Le manque d’accès au financement, aux terres, aux technologies et aux formations professionnelles, constitue des obstacles majeurs à l’autonomisation économique des femmes, en plus des normes sociales et culturelles défavorables ; de la persistance des violences basées sur le genre (VBG). Ces obstacles entravent leurs capacités à prospérer sur le plan économique.
Selon Mme Dicko Traoré, ingénieure en transformation agroalimentaire et installation, mise en place des unités industrielles, “il y a beaucoup de raisons à l’absence des femmes du secteur économique. Mais l’une des raisons les plus fortes, c’est l’accès aux systèmes de financement. Pour avoir accès aux systèmes de financement, nos banques demandent des garanties que beaucoup de femmes n’ont pas. Il ne faut pas oublier qu’on accède à l’industrie en commençant souvent par l’artisanat, le semi-industriel et ensuite l’industriel. Ensuite, il y a le taux appliqué par les banques sur ces petites entreprises qui n’est pas adapté”.
Mme Mariko Fadima Siby, est une pionnière de l’industrie agroalimentaire au Mali. Elle est promotrice de l’Unité de conditionnement des aliments (Ucodal) depuis une trentaine d’années. Pour elle, il faut trouver des stratégies pour inverser la courbe, amener plus de femmes à participer au développement du secteur industriel dans notre pays. “Il faut d’abord revoir le niveau de formation des femmes, la capacité financière”.
Pour remédier à cette situation, des initiatives et des programmes sont mis en place pour renforcer la souveraineté économique des femmes au Mali. Des organisations locales et internationales travaillent ensemble pour fournir un soutien financier, technique et éducatif aux femmes entrepreneures et agricultrices, afin de renforcer leurs capacités et leur accès aux marchés.
De plus, des campagnes de sensibilisation sont menées pour promouvoir l’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et la lutte contre les stéréotypes de genre. Il est essentiel que les gouvernements, les organisations non gouvernementales et le secteur privé collaborent pour créer un environnement favorable à l’épanouissement économique des femmes au Mali.
“Il faut valoriser le secteur semi-industriel, artisanal semi-industriel. Il faut mettre en valeur le savoir-faire des dames. On a un réel savoir-faire au niveau local. Même au niveau des villages, les systèmes de transformation, de conservation sont déjà appliqués depuis la nuit des temps. Il suffit de les mettre en valeur. Et que le consommateur malien aussi accepte de consommer ce que nous produisons. Et en ce moment, les femmes pourront s’appuyer sur leur génie. Il faut également la protection juridique, car, chaque fois qu’une femme commence à monter petit à petit, il y a un gros industriel qui va chercher quelque part, quelque chose, qui vient investir en gros, mais qui n’a pas le savoir-faire. Et au final, ça fait un flop parce que celles qui savent faire, on les tue sur le marché. Et ceux qui ne savent pas faire, ils font du n’importe quoi”, explique Mme Dicko Traoré, ingénieure en transformation agroalimentaire et installation, mise en place des unités industrielles.
“Investir dans la souveraineté économique des femmes ne profite pas seulement aux femmes elles-mêmes, mais à toute la société. En renforçant l’autonomie financière des femmes, le Mali peut stimuler sa croissance économique, réduire la pauvreté et promouvoir le développement durable pour tous”, précise Amadou Diallo, économiste.
Dicko Traoré ajoute : “L’apport des femmes est essentiel aujourd’hui dans notre société. Une femme, dans l’enfance, elle peut utiliser son argent pour s’habiller, acheter des talons et tout, mais une fois qu’une femme a atteint une certaine maturité, toutes les dames que je connais aujourd’hui participent dans le foyer, contribuent à l’évolution du foyer d’une manière ou d’une autre”.
Aminata Agaly Yattara
Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les droits humains (JDH) au Mali et NED