Le spectre de 2011 planait sur la présidentielle nigériane. On peut raisonnablement penser que les risques de violence sont contenus par le plus beau cadeau que le président sortant, Jonathan Goodluck, pouvait faire à son pays, à l’Afrique et à la démocratie tout court : reconnaître sa défaite et congratuler son adversaire.

Le 29 mai prochain, Muhammad Buhari sera investi président du géant africain. A 72 ans, musulman sunnite du Nord –il est né à Katsina- revient cette fois-ci par les urnes lui l’ancien putschiste qui  avait présidé l’Etat fédéral pendant vingt mois, entre le 31 décembre 1983 et le 27 août 1985. Ancien putschiste n’est pas un bon point pour le cv. Or, le militaire de carrière qu’est Buhari ( il ne fut que brièvement   gouverneur de l’Etat du Nord Est puis ministre du Pétrole) avait aussi participé au coup d’Etat de 1966 qui porta Murtala Muhamed au pouvoir. A cela s’ajoutent quelques sulfureuses affaires d’argent disparu (près de 3 milliards de dollars) qui lui seront reprochées et surtout un très inquiétant palmarès en matière d’encadrement des libertés fondamentales. Alors, le Nigeria a-t-il plus voté contre Goodluck que pout Buhari ? Indiscutablement, il y a de cela. Mais les Nigérians se sont reconnus dans le discours moralisateur et sécuritaire du vieux général. Tout au long de ses trois campagnes présidentielles passées et en particulier cette année, Buhari n’a eu de cesse de promettre une lutte farouche contre la corruption, de promettre des emplois et de lutter contre l’insécurité. Boko Haram peut trembler et s’il est invaincu, il n’est pas invincible. La corruption sera, elle, bien plus difficile à battre, dans ce pays où l’Etat parallèle – celui de tous les écarts- a jusque là été plus fort que l’Etat légal. Rien en vérité qui doit nous empêcher de lui dire : good luck Buhari !

Adam Thiam

( lerepublicain. Com)

source :  Le Républicain