Le 16 septembre 2015 toute l’Afrique a appris avec amertume la remise en question des acquis du peuple burkinabè, acquis obtenus au prix d’immenses sacrifices. Plus de trente (30) morts et des dizaines de blessés : voilà le bilan estimatif des évènements d’octobre 2014 qui ont entrainé la chute du régime sanguinaire et autocratique de Blaise Compaoré. Le 16 septembre dernier, le Régiment de sécurité présidentielle a allumé le feu qui couvait sous le paillasson.
Encore le sang du peuple du Faso a coulé, hélas ! Le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) a ainsi mis la transition entre parenthèse en procédant à l’arrestation sans autre forme de procès en plein conseil des ministres de plusieurs personnalités de la transition dont le président Michel Kafando et son Premier ministre Yacouba Isaac Zida. Celui-ci, il faut le rappeler, n’aurait pas bénéficié de la confiance de bien de citoyens et d’analystes tant il est établi que cet homme était l’un des piliers du pouvoir de Compaoré. Mais très vite, Zida a réussi à se démarquer du RSP doit-il était le numéro II, le Premier ministre étant le général Gilbert Diendéré.
Ce retournement de veste de Zida a été perçu par les siens comme un acte de haute trahison. C’est bien cette prise de position qui a motivé Zida, Premier ministre pour demander la dissolution pure et simple du RSP qui ne cessait de couper son sommeil parce que connaissant bien sa force de frappe et les éléments qui le composent. C’est dire que la nomination de Zida comme Premier ministre fut l’une des raisons de la grogne qui a sévi au sein du RSP. Cette grogne a fini par accoucher de son insoumission au gouvernement de transition.
L’autre cause fondamentale du conflit entre le RSP et les autorités de transition c’est bien la décision de celle-ci d’exclure des joutes électorales d’octobre 2015, tous ceux qui sont comptables du tripatouillage de la Constitution du Faso qui interdisait un troisième mandat à Blaise Compaoré, notamment en son article 37 expliquant sans ambages l’inéligibilité de celui qui a régné pendant 27 ans au Burkina Faso par le fer et le sang. C’est donc suite à une lecture intelligente de sa gestion que Compaoré a tenté le tout pour le tout pour ne pas quitter le fauteuil qui lui a permis de spolier le peuple et de tacher ses mains du sang des enfants du Faso. Mais il n’a pas compris que la roue de l’histoire ne peut s’arrêter et que le changement permanent est une nécessité dialectique.
Ainsi, débout comme un seul homme, le peuple Burkinabè mis fin au rêve machiavélique de Compaoré et de son parti le CDP (Convention pour la démocratie et le Progrès). La suite, on la connait : le gouvernement de transition n’a laissé aucune place pour le calcul politicien pouvant favoriser le retour du CDP aux affaires.
Si ce retour venait à se matérialiser, ce serait inévitablement l’occasion de tirer un trait sur les crimes odieux de 27 ans. Dès lors on comprend toute la teneur de la mobilisation du CDP et du syndicat des chefs d’Etat de la CEDEAO qui doit beaucoup à Blaise. La loi électorale ayant interdit à 43 responsables du CDP de se présenter à l’élection présidentielle initialement prévue pour le 11 octobre 2015 a été présentée par les tenants du régime de Compaoré et la CEDEAO comme discriminatoire et donc inacceptable.
Sachant que la machine de la clarification était vraiment en branle au Faso, le bras armé du CDP en l’occurrence le fameux Régiment de Sécurité Présidentielle n’est pas passé par quatre chemins : il a engagé le coup de force contre les autorités de la transition. Ce putsch qui ne pouvait réussir longtemps était dirigé par le général Diendéré.
Le RSP a ainsi dissout la transaction et opté pour une transition qu’il entend inclusive, c’est-à-dire devant compté en son sein les responsables du CDP. C’est bien ce complot ourdi contre le peuple du Faso que Macky Sall et Thomas Yayi Boni se sont plus à soutenir mordicus. Mais ils n’ont pas compris que ce calcul ne peut qu’échouer au regard de la détermination de tout un peuple. De fil à aiguille et pour marquer sa ferme détermination à tourner la page de 27 longues années de tripatouillages politiciens et de crimes de sang, le gouvernement de transition, fort de la légitimité populaire et du soutien politique de l’U.A et conscient de l’échec cuisant du putsch du 16 septembre 2015,a décidé de procéder au gel des avoirs de toutes les figures de proue du CDP et du RSP impliquées dans la tentative de coup d’Etat.
C’est ainsi que le général Gilbert Diendéré, incapable de faire la bonne lecture du combat résolu du peuple du Faso, a décidé le 28 septembre d’arrêter la machine du désarmement du RSP. Hélas ! Cette attitude obnubilante et revancharde permis à l’armée loyaliste du Faso de passer à l’action pour désarmer le RSP par la force. Mais conscients de la force de frappe de l’armée régulière, les putschistes du RSP ont vite fait de déposer les armes sans conditions préalable aucune. C’était le 29 septembre 2015.
Convaincu que la cause est désormais perdue pour lui et cherchant à sauver sa vie, Diendéré a tout simplement trouvé refuge à l’ambassade du Vatican, juste le temps de négocier sa reddition. Les choses sont allées vite que l’on ne s’y attendait : le lendemain le général Gilbert Diendéré et le porte-parole du CNT des putschistes, Mamadou Bamba se sont mis à la disposition du gouvernement de transition dirigé par le colonel Yacouba Isaac Zida. Celui-ci, en réaction à cette reddition a laissé entendre que l’important n’est pas ici d’épiloguer sur ce qui attend les responsables putschistes mais plutôt les enseignements pédagogiques que le peuple laborieux pourrait en tirer.
Au regard de la marche des évènements on peut simplement dire sans risque de se tromper que le Régiment de Sécurité Présidentielle a vécu au Burkina. Dès lors, une question essentielle se pose :
Que faire à présent ?
Sans vouloir égrener un chapelet de solutions pour redonner confiance au peuple du Faso et aux autres peuples laborieux d’Afrique, il convient de noter entre autres que : Ces peuples ont soif de justice véritable pour la fondation d’une démocratie populaire ou les nantis n’imposeront plus leurs lois par les contrefaçons peu recommandables comme l’achat des consciences, le clientélisme, l’affairisme dont se rendent jusqu’ici coupables les «démocrates africains» au mépris flagrant des aspirations légitimes de leurs peuples.
– Les peuples d’Afrique et donc avant tout du Faso ont besoin de poursuite sans complaisance de tous les déprédateurs du tissu socio- économique national.
– Les peuples d’Afrique et donc du Burkina Faso doivent exiger un sang radicalement nouveau dans toutes les structures de l’Etat tant il reste vrai que depuis les indépendances ce sont les mêmes têtes qui partent et qui reviennent aux affaires et occupent les postes de responsabilité. Comme s’ils sont les seuls bénis de Dieu.
– Dans le cas spécifique du Burkina, le peuple doit exiger de tous les piliers du régime de Blaise des comptes. Cela est un impératif catégorique quand on sait que sans justice véritable il n’y a pas de démocratie véritable. Ainsi, ceux qui se sont nourris du sang des peuples doivent payer pour leurs forfaitures car le peuple du Faso doit éviter de soigner la plaie sur du pus.
– La priorité aujourd’hui pour les peuples, c’est le choix des hommes intègres, dévoués pour le bien commun.
– Les autorités du Burkina doivent impérativement traduire Compaoré en justice pour que l’on sache enfin la vérité et toute la vérité sur les crimes commis par son régime. C’est avec amertume que nous rappelons l’assassinat de Thomas Sankara et autres nombreuses victimes de la mutinerie d’une partie de la garde présidentielle en 2012, les victimes du soulèvement populaire de 2014 ayant entrainé la chute du régime Compaoré.
– Le peuple laborieux du Faso doit exiger des comptes aux putschistes du 16 septembre 2015 avec à leur tête le général Diendéré et Mamadou Bamba. Cela est une exigence si le pays doit tourner à jamais cette page lugubre du règne du RSP.Le gel de leurs avoirs est un signe annonciateur de la volonté de la Cour Suprême de faire savoir que dans le pays des hommes intègres nul n’est désormais au-dessus de la loi fut-il un homme en arme. Cela est d’autant significatif que le peuple burkinabé a trop souffert de la tyrannie de Compaoré.
– Un procès exemplaire des aventuriers du RSP sera un message solennel à l’adresse du syndicat des chefs d’Etat de la CEDEAO pour dire que cette association est en rupture complète avec les masses laborieuses au nom desquelles la dite association agit.
– Toute jeunesse africaine doit s’inspirer des évènements en cours au Faso.
– Enfin il est tout à fait bienvenu que la transition procède à l’exhumation des restes de Thomas Sankara. C’est certainement là l’une des causes du coup d’Etat manqué du 16 septembre car Diendéré est assurément un élément clé sans lequel rien ne sera saisi de potable. Ayant donc vu le vent venir, le général a tenté l’impossible. Ce qui est désormais un des atouts fondamentaux du peuple contre les auteurs de l’assassinat de Thom-Sank avec comme chef de file Diendéré.
Vivement des élections crédibles au Faso.
Fodé KEITA
Source: L’Inter de Bamako