Dans un entretien à notre confrère JA, le 3 mai 2014, IBK s’était prononcé sur la question de l’avion présidentiel et bien d’autres.
JA : L’acquisition d’un nouvel avion présidentiel, un Boeing 737, pour près de 30 millions d’euros (19,5 milliards de francs CFA), était-elle indispensable, alors que le précédent, acquis sous Amadou Toumani Touré (ATT), est apparemment toujours disponible ?
I B K : Est-il besoin de préciser que cet aéronef est la propriété de la République du Mali, pas la mienne ? Disponible peut-être, mais hors d’état de voler. Ce 727 a en effet été obtenu dans des conditions d’opacité telles que nous ne disposons d’aucun document ni d’aucune facture le concernant : il semble qu’il aurait transité par la Libye. Le risque de tomber en panne sur un aéroport étranger, voire en plein vol, était réel. J’ai donc décidé de louer, puis, pour de simples raisons d’économie, d’acheter. Est-il besoin de préciser que cet aéronef est la propriété de la République du Mali, pas la mienne ?
JA : Comment et auprès de qui le nouvel appareil a-t-il été acquis ?
I B K : Ce 737 appartenait à un couple de producteurs de cinéma australiens qui l’utilisait deux fois par an. Il était sur le marché de l’occasion avec 6 000 heures de vol au compteur.
Les experts que nous avons envoyés pour l’examiner à Saint-Louis, aux États-Unis, nous ont certifié son bon état. L’avion aujourd’hui n’est pas un luxe pour un chef d’État, c’est une nécessité de souveraineté. Nous avons déjà eu ce débat au Mali dans les années 1960, sous Modibo Keïta. Un député proche de ce dernier s’était exclamé : Alors, comme ça, vous voulez que le président du Mali voyage à dos de chameau ! Quant au financement, il a été assuré à 85 % par un emprunt auprès de la Banque de développement du Mali (BDM), les 15 % restants étant directement réglés par l’État. Comme il s’agit d’un avion dit de commandement, le signataire est le ministre de la Défense.
JA : Certains Maliens trouvent que vous voyagez trop souvent hors du pays et avec des délégations pléthoriques. Bref, que cela coûte cher au Mali. Votre réaction ?
I B K : Ce sont des histoires. Je ne bouge pas pour faire du tourisme et tous mes déplacements sont utiles. Certains d’entre eux ont d’ailleurs été effectués à bord d’un appareil de la Royal Air Maroc, mis à ma disposition par Sa Majesté Mohammed VI. Koweït, Qatar, Éthiopie, Belgique, France, Allemagne : pas un franc n’a été payé par le Mali pour ces voyages, grâce à la générosité du roi et à l’avion de la RAM.
JA : La facture des travaux de rénovation du palais présidentiel de Koulouba, partiellement endommagé pendant le putsch du 22 mars 2012, serait passée de 2 à 10 milliards de F CFA. Confirmez-vous ces chiffres ?
I B K : Ce sont des chiffres fantaisistes, pour la bonne raison qu’aucun contrat n’a encore été signé pour leur attribution. Les ingénieurs chinois auxquels nous nous sommes tout d’abord adressés nous ont conseillé de raser Koulouba, jugé par eux insauvable. Je ne saurais m’y résoudre : ce palais est un monument historique, avec une vue imprenable sur Bamako. Nous nous sommes donc tournés vers d’autres sociétés, notamment françaises, qui se disent prêtes à relever le défi. Nous attendons leurs offres, et l’équipe technique ad hoc chargée de les étudier décidera.
Michel Tomi est resté mon ami. Mais jamais, au grand jamais, il n’a été question d’argent entre nous.
Oui. Je le considère comme un frère. J’ai rencontré Michel Tomi par l’intermédiaire du défunt Omar Bongo Ondimba, dont il était très proche. C’était ici, à Bamako, en 1995. Bongo était venu nous rendre visite et Tomi l’accompagnait. J’étais alors Premier ministre. Depuis lors, Michel Tomi est resté mon ami. Mais jamais, au grand jamais, il n’a été question d’argent entre nous. Je ne suis d’ailleurs dans aucune affaire, avec qui que ce soit. La famille Tomi et la mienne se fréquentent, c’est vrai. Il m’a toujours témoigné amitié et fraternité. Tous les chefs d’État qui le connaissent m’en disent du bien, et ses activités dans le domaine des jeux n’ont, que je sache, rien d’illégal. Ce qu’il a pu faire auprès de tel ou tel homme politique en France ne me concerne pas, d’autant qu’il a, je crois, payé pour cela. Rien en tout cas ne justifie que je le renie. Je suis un homme d’honneur.
JA : Vos opposants ne se privent pas pour faire le procès de ce qu’ils appellent les « atteintes à la morale publique ». L’ancien ministre Tiébilé Dramé a ainsi diffusé il y a un mois un document dans lequel il revient sur le contrat de 69 milliards de francs CFA (105 millions d’euros) signé il y a six mois entre votre ministre de la Défense et la société Guo-Star, portant sur la livraison d’équipements militaires à l’armée malienne. Selon lui, il y a délit d’initié.
I B K : Là encore, je n’ai aucune gêne. Ce contrat existe bel et bien. Chacun sait que l’armée malienne est à reconstruire et je voulais que rapidement, dès le 20 janvier, jour de la fête de l’armée, nos militaires puissent défiler dans des uniformes neufs. Ce contrat, dont je ne me suis pas occupé, a été conclu dans les règles avec la société Guo-Star, connue sur la place de Bamako, qui a obtenu la garantie des banques. Les trois fournisseurs sont français et ont eux aussi pignon sur rue. Tout cela est clair.
Source : JA