À l’issue de la consultation nationale des forces vives, les Maliens ont recommandé une dissolution totale des partis politiques et l’élévation du Général d’armée Assimi Goïta au rang de Président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelables. Une réinvention politique aux allures de révolution silencieuse.
Les forces vives de la nation au CICB, lors de la phase nationale des consultations autour de la charte des partis politiques, le 29 avril 2025.
Bamako, mardi 29 avril 2025. Mille chaises, toutes occupées. Des cris d’enthousiasme, une salle archicomble. Non, il ne s’agissait pas d’un congrès de parti ou d’un rassemblement électoral, mais bien de la phase nationale de la consultation des forces vives de la Nation. Un rendez-vous aux allures de tournant politique, marqué par un vent de rupture assumée avec un héritage partisan que beaucoup jugent désormais obsolète.
Au centre du débat, la refondation du paysage politique malien. Et, parmi les propositions phares surgies de cette catharsis collective, la dissolution pure et simple de tous les partis politiques, et l’élévation du Général d’Armée Assimi Goïta au rang de Président de la République pour un mandat de cinq ans, renouvelable. Une recommandation qui ne relève plus du simple symbole, mais d’un acte de foi dans une nouvelle ère institutionnelle.
Les contours d’une révolution institutionnelle
Pilotée de main ferme par le Premier ministre, le Général de Division Abdoulaye Maïga, cette grande messe nationale n’a rien laissé au hasard. Trois axes ont structuré les travaux : la réduction drastique du nombre de partis, la relecture intégrale de la charte des partis politiques, et la criminalisation du nomadisme politique. Autant dire, un tsunami pour la classe politique classique.
Derrière la méthode, une volonté affichée : purifier le jeu démocratique d’un multipartisme devenu tentaculaire, inefficace et source de blocages. La création d’un parti politique serait désormais soumise à une caution de 100 millions FCFA et à des critères rigoureux de représentativité nationale. Un choc salutaire ou une fermeture démocratique ? Le débat est posé.
La fin d’un cycle
La suppression du statut de chef de file de l’opposition, l’interdiction de toute alliance contre nature et la suspension du financement public des partis traduisent une défiance explicite vis-à-vis d’un système accusé d’avoir trahi ses promesses depuis l’avènement du multipartisme en 1992. La rupture n’est plus seulement souhaitée, elle est engagée.
Et dans cet élan de recentrage républicain, le nom du Général Goïta s’impose naturellement. Président de la Transition depuis 2021, il cristallise l’attente d’un ordre nouveau. Les recommandations issues des concertations ne se contentent pas de légitimer son action, elles le placent au cœur d’un nouveau pacte national, en proposant de le consacrer Président pour un mandat de cinq ans, renouvelable, à l’image de ses homologues du Burkina Faso et du Niger au sein de l’AES.
Vers une démocratie réinventée ou une dérive autoritaire ?
Certains y verront une dérive. D’autres une lucidité. Ce qui est certain, c’est que ces recommandations traduisent un profond besoin de verticalité dans la conduite de l’État. À travers ce basculement, c’est aussi une refondation culturelle et politique que le Mali tente d’initier : plus de discipline, plus de clarté, moins de calculs politiciens.
Le Premier ministre, dans une posture de garant du processus, a promis de transmettre fidèlement ces propositions au Chef de l’État. Car il s’agit bien là, selon lui, de « tourner les pages obscures de notre histoire ». En clair, d’ouvrir une séquence politique sans précédent dans l’histoire du Mali postcolonial.
Issue des Assises nationales de la Refondation et adossée à la Constitution du 22 juillet 2023, cette consultation est bien plus qu’un exercice technique. C’est un signal fort envoyé au peuple : celui d’une reprise en main de son destin par le Mali lui-même. Un pays las des illusions démocratiques sans résultats, des promesses non tenues et des clivages artificiels.
L’histoire jugera. Mais, pour l’heure, Bamako fait le pari risqué – mais assumé – d’un renouveau politique radical. Le Mali change, et il le dit haut et fort.
À.D