Après une semaine passée sous mandat de dépôt, pour outrance à juge, le député de Kati, Bourama Tidiane Traoré, a été libéré cet après-midi par le juge correctionnel de la Cour d’Appel de Bamako.
Mardi, 25 novembre dernier, au tribunal de Ouéléssebougou, une de discussion dégénérée en dispute, puis en combat entre l’honorable Bourama Traoré, député élu à Kati et le juge de Ouélessebougou, Amadou Bocar Touré dit Diadié. Le premier se serait introduit nuitamment dans le bureau du second pour l’agresser.
Cet acte du député du parti présidentiel (RPM), élu à Kati, a été juridiquement qualifié d’outrance à juge dans l’exercice de ses fonctions ou flagrant délit. Toutes choses qui transcendent son immunité parlementaire. Un acte gravissime pour lequel, il a été interpellé par la gendarmerie puis mis sous mandat de dépôt, sous l’ordre du procureur de la République près le tribunal de la Commune VI du district de Bamako.
Dans une résolution qu’elle a prise, jeudi 27 novembre dernier, conformément à l’article 62 de la loi fondamentale du Mali, l’Assemblée nationale avait exigé du Procureur de la République près le tribunal de la Commune VI, la suspension des poursuites judiciaires contre le député.
Le Procureur de la République à son tour a demande au juge du tribunal, la levée du mandat de dépôt. Mais celui-ci s’est déclaré incompétent de se prononcer sur une résolution de l’Assemblée nationale, laquelle ressemble, à bien des égards, à une interférence du parlementaire dans les affaires judiciaires.
Face à cette décision du juge du tribunal de première instance de la Commune VI, l’affaire a été portée devant la chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Bamako afin qu’elle infirme ou confirme la décision du juge qui s’est déclaré incompétent.
La Cour d’Appel n’est pas passée par quatre chemins pour infirmer la décision d’incompétence du juge, en estimant qu’il pouvait bel et bien se prononcer sur la réquisition du Procureur de la République qui requérait la suspension des poursuites judiciaires contre le député.
Et cela suite à la résolution de l’Assemblée nationale faite sur la base de l’article 62 de la Constitution du 25 février qui stipule : «les députés bénéficient de l’immunité parlementaire. Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé du fait des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut, pendant la durée des sessions être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale, sauf en cas de flagrant délit. Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut, hors sessions, être arrêté qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée nationale, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive. La détention ou la poursuite d’un membre de l’Assemblée nationale est suspendue si l’Assemblée nationale le requiert».
Pour le ministère public, on ne réinventera pas la roue. La loi qui autorise les poursuites contre le député en cas de flagrant délit, c’est cette même loi qui exige la suspension des poursuites contre le député, si l’Assemblée nationale le requiert.
Si la défense s’est dit satisfaite de la décision de la Cour d’Appel qui a suspendu les poursuites contre le député, ce n’est pas le cas du côté de la partie civile qui pense que la démocratie malienne vient de prendre un terrible coup du fait de l’ingérence du législateur dans les affaires judiciaires. Pour la partie civile, rien ne justifie juridiquement la suspension des poursuites judiciaires contre l’honorable Traoré.
«Pour que la démocratie marche, il faut que le pouvoir arrête le pouvoir». C’est cette célèbre phrase de Montesquieu qu’a voulu faire comprendre la partie civile à la Cour, en vain.
Maintenant que les poursuites contre le député ont été suspendues, reste à savoir si cette affaire servira de dissuasion aux autres députés ou si elle va au contraire aggraver l’incivisme au sein de l’hémicycle. Le débat se poursuit dans la rue.
Source: Autre presse