MONDE – Plusieurs oligarques sont dans le viseur de la justice algérienne
Le patron du géant algérien des hydrocarbures Sonatrach a été limogé mardi, une annonce survenant après celle de la mise en détention provisoire de la première fortune du pays, Issad Rebrab, victime de l’offensive judiciaire lancée contre de puissants patrons depuis la chute du président Bouteflika.
La télévision nationale algérienne a annoncé dans la soirée le limogeage d’Abdelmoumen Ould Kaddour, PDG du groupe pétrolier et gazier public. Aucune explication n’a été donnée pour cette décision prise par le chef de l’Etat par intérim, Abdelkader Bensalah.
Un nouveau PDG, Rachid Hachichi, a été nommé pour remplacer Abdelmoumen Ould Kaddour, à la tête depuis 2017 de Sonatrach, un groupe crucial pour l’économie algérienne. Les hydrocarbures rapportent en effet à l’Algérie plus de 95 % de ses recettes extérieures et contribuent pour 60 % au budget de l’Etat. Le géant public des hydrocarbures a été secoué ces dernières années par une série de scandales financiers qui ont fait l’objet d’enquêtes en Algérie et à l’étranger.
La 6e fortune d’Afrique en détention
L’homme d’affaires Issad Rebrab placé en détention provisoire est le fondateur de Cevital, un conglomérat affirmant employer 18.000 salariés sur trois continents, dans l’agroalimentaire, le BTP, la sidérurgie, la distribution, l’électronique et l’électroménager, et a racheté des entreprises en France (groupe électroménager Fagor Brandt entre autres). Le magazine Forbes estime sa fortune à 3,8 milliards de dollars, la 1ere d’Algérie et la 6e d’Afrique.
Le Parquet a délivré tard lundi un mandat de dépôt contre Issad Rebrab, 74 ans, qui avait été déféré plus tôt dans la journée après avoir été entendu par la gendarmerie, a indiqué l’agence de presse officielle Algérie Presse Service (APS). Il est « soupçonné de fausses déclarations relatives à des mouvement de capitaux de et vers l’étranger, de surfacturation d’équipements importés et d’importation de matériel usagé malgré l’octroi d’avantages bancaires, fiscaux et douaniers » au matériel neuf, selon APS.
Plusieurs hommes d’affaires algériens arrêtés en quelques heures
Depuis la démission le 2 avril du président Abdelaziz Bouteflika, sous la pression d’un important mouvement de contestation populaire, la justice a ouvert des enquêtes contre plusieurs hommes d’affaires liés à l’ancien clan présidentiel.
L’arrestation du PDG de Cevital intervenait quelques heures après celle, dimanche, de quatre frères, tous hommes d’affaires et membres de la famille Kouninef, à la tête d’un empire allant de l’agroalimentaire au génie civil pétrolier. Si la famille Kouninef est réputée proche de Saïd Bouteflika, frère et puissant ex-conseiller de l’ancien chef de l’Etat, Cevital avait déclaré début mars soutenir le mouvement de contestation secouant l’Algérie pour protester contre la candidature à un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika. Son PDG s’était montré critique du gouvernement ces dernières années.
L’ex-Premier ministre convoqué par la justice pour « dilapidation de deniers publics »
L’ex-Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia et l’actuel ministre des Finances Mohamed Loukal se sont eux vus remettre une convocation lundi pour être entendus par le parquet d’Alger dans le cadre d’une enquête pour « dilapidation de deniers publics », a par ailleurs révélé la télévision d’Etat.
L’Algérie est le théâtre depuis le 22 février de manifestations massives déclenchées par la candidature à un nouveau mandat d’Abdelaziz Bouteflika, qui se sont transformées en contestation de tout le régime. Le président Bouteflika a démissionnéle 2 avril, mais les manifestations se poursuivent pour exiger le départ de tous les hauts responsables du « système ».
Le chef d’état-major de l’armée, le général Gaïd Salah, avait appelé le 16 avril la justice à « accélérer la cadence » dans les enquêtes ouvertes pour corruption contre des hommes d’affaires liés à l’ancien clan présidentiel.
Début avril, l’ex-patron des patrons algériens, Ali Haddad, riche homme d’affaires, également proche d’Abdelaziz Bouteflika, avait été écroué après avoir été arrêté alors qu’il se rendait en Tunisie. Au lendemain de son arrestation, la justice avait annoncé l’ouverture d’enquêtes sur des faits de corruption et de transferts illicites de capitaux.
Elle avait également interdit à un certain nombre de personnes de quitter l’Algérie, sans donner de noms, mais la presse avait révélé ceux d’une dizaine d’hommes d’affaires influents, tous liés à l’entourage de l’ex-chef de l’Etat.
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