Rien ni personne ne semble redonner au cinéma malien son lustre d’antan, pas même la nomination d’un journaliste à la tête du Centre national cinématographique du Mali. Modibo Souaré, un journaliste culturel ayant blanchi sous le harnais à la télévision nationale arrive au moment où le cinéma malien connait une période de crise sans précédent. A une exception près, les grands réalisateurs ont foutu le camp depuis la fin des grosses productions.
Ces gros budgets ont fait connaitre de grands noms comme Souleymane Cissé, Mamo Cissé, Cheick Oumar Sissoko et bien d’autres. Dans ce contexte, Souaré, l’ancien présentateur d’émissions de variété musicales, aura d’ailleurs fort à faire pour trouver sa voie au sein d’un monde fait de rivalités intestines sur fonds de récession.
En attendant, Modibo Souaré ne donne pas au public l’impression de redorer le blason du cinéma. La crise du 7è art malien, c’est d’abord une crise de marché, des débouchés pour vendre la production nationale pourtant aimée du public de tous les âges. S’il pouvait relancer et moraliser avec une police le marché des DVD et supports affiliés, le problème serait réduit.
Faute de salles et de supports rentables, les cinéastes maliens peinent à sortir la tête du lot dans un marché concurrencé par l’imposante industrie de Nollywood. La fermeture des salles de cinéma à Bamako et dans les grandes villes du pays a été un coup de massue sur la tête des cinéastes maliens qui ont fermé boutique à tour de bras.
Souleymena Cissé se fait parler de lui régulièrement dans les médias, mais ce n’est pas à cause de ses productions. Finis les films à grand budget comme ‘’Fignè’’ dont la qualité technique est impressionnante. Cissé est plus versé dans l’action associative et militante que dans la production de films à l’heure où les petits budgets peuvent aider à réaliser des films intéressants grâce aux progrès du numérique.
L’ancien ministre de la Culture sous ATT, Cheick Oumar Sissoko, une autre figure du cinéma malien, a emboité le pas à Cissé. Depuis plus de cinq ans, il est devenu leader d’une structure de cinéma, une entité panafricaine. Le réalisateur du long métrage Nidiougou Guimba n’est plus passé derrière les caméras après son passage aux affaires, sevrant les cinéphiles des intrigues et fresques historiques qu’il sait mettre en scène.
D’autres cinéastes comme Mamo Cissé ont complètement disparu des radars de l’actualité depuis plus de 20 ans. Ces cinéastes pourraient pourtant apporter quelque chose au renouveau du cinéma malien si la crise n’était pas passée par là. Comment le faire lorsque le ministère de la Culture et le Centre national de cinématographie sont à court d’idées pour créer un marché digne de ce nom afin de tirer le 7è art malien de l’ornière.
Les autorités en charge du cinéma auraient dû créer de nouvelles salles de cinéma avec le concours d’investisseurs nationaux, des salles polyvalentes et mieux équipées comme on en voit au Nigéria. Par ailleurs, le développement du numérique aurait pu inspirer les autorités à encourager des plateformes digitales de production et de vente à l’image de Netflix aux Etats-Unis ou d’Iroko au Nigeria.
L’autre aspect de la crise du cinéma malien, c’est le désarroi des acteurs qui ne peuvent plus vivre de l’industrie cinématographique. L’actrice Maïmouna Hélène Diarra déplorait dans une interview le tarissement des sources de financement occidentales. Aujourd’hui, les rares films bénéficiant des fonds européens sont loin de satisfaire les besoins des acteurs.
Les jeunes réalisateurs, ils se débrouillent comme ils peuvent mais la médiocrité des scénarios et les mauvais castings sautent aux yeux. Néanmoins, il y a de l’espoir avec des jeunes loups comme Toumani Sangaré, le réalisateur du long métrage Nogochi.
Ce film inspiré des traditions de chasseurs à la veille de la pénétration coloniale est une création hautement intelligente. Avec Nogochi, le jeu des décors et les atouts de la postproduction donnent un produit bluffant, un vrai produit hollywoodien. Le cinéma malien aussi fait sa crise, mais avec cette œuvre que le public attend impatiemment, il retrouve ses lettres de noblesse, certainement aussi avec le réveil du ministre de tutelle.
Source: La Sirène