Sortant de la Faculté des sciences économiques et de gestion, le jeune homme est un passionné de l’électronique, un domaine dans lequel il compte réaliser les projets les plus ambitieux
La passion. C’est cette force qui a ouvert bien des portes au jeune homme qui a été révélé au grand public lors du Salon de l’entrepreneuriat. Ce jeune prodige qui a présenté son invention au chef de l’Etat, peut nourrir des ambitions.
De taille moyenne, la voix de Youssouf Sall, dans une verve pédagogique, domine le laboratoire d’électronique embarqué. Des fils, des pinces, des outils informatiques, des câbles, des chargeurs, en vrac. Quatre enfants, férus de robotique, sont assis et semblent l’écouter avec intérêt. «Vous voulez savoir comment fonctionne un moteur?», leur lance-t-il, avec guaité. Sans attendre leur réponse, il s’adresse à son collègue, Mahamadou Koné. «Ce serait bien de leur montrer comment fonctionne le moteur. Je m’occuperai après de la partie théorique», propose-t-il, en branchant le célèbre robot Pengui, qui s’est mis à marcher comme un être humain. Une fois au contact du courant, la raideur et la fixité de la machine cèdent la place à un mouvement brusque. Il va et vient sur la table. Un grincement électrique accompagne son déplacement saccadé.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, Youssouf Sall n’a pas fréquenté une faculté d’ingénierie informatique, encore moins un département de robotique. Il se définit, tout simplement, comme un grand passionné. «Ici, nous sommes tous des autodidactes. Je ne paie pas les deux coachs qui sont là. Moi non plus, je ne perçois pas de salaire», précise-t-il.
Comment s’est-t-il donc retrouvé dans le monde des machines ? «Je n’y connaissais absolument rien du tout. J’ai eu la chance de rencontrer le directeur de la structure d’incubations DoniLab, en 2016. Je lui ai dit que j’évoluais dans l’électronique. Il m’a ensuite envoyé un lien de formation en ligne sur la robotique. C’est de là que tout est parti», narre-t-il.
Né à Bamako en 1989, le jeune Sall a passé une bonne partie de son enfance à Nioro du Sahel, où il a obtenu son baccalauréat en série sciences biologiques, en 2006. Une fois le parchemin en poche, le voilà prêt à se rendre à Bamako pour étudier la médecine. Mais, en ce moment, le numerus clausus semait la terreur à la Faculté de médecine, de pharmacie et de d’odontostomatologie (FMPOS). Il finit par se décourager et s’inscrit à la Faculté des sciences économiques et de gestion (FSEG) pour décrocher une licence en gestion. Musulman pratiquant et convaincu, Sall porte en lui une certitude : nul ne peut échapper à son destin.
Après la Fac, le jeune prodige met sur pied une entreprise de prestation de services dans le domaine électronique. Ensuite, il migre vers l’installation de caméras de surveillance, d’antennes paraboliques et de radios dans les voitures. Autant d’activités qui font fonctionner son laboratoire.
Confusion autour du robot. Mais, ce sourire qui le caractérise souvent se mue en un rire long, lorsqu’il pense à l’amalgame qui a suivi la présentation de ce robot au Salon de Bamako. «Il y a des gens qui ont dit qu’on a inventé un robot à DoniLab et qu’on va l’envoyer faire la guerre pour nous. C’est incroyable ! On a rien dit de tout cela. J’ai bien dit tout autre chose à IBK. Je lui ai demandé, s’il avait suivi le défilé du 14 juillet et son cortège d’innovations en matière de sécurité. Il m’a dit oui. Et moi de lui avouer que le Mali sera en mesure de se doter d’une armée semblable dans quelques années», précise-t-il, avant de se gondoler à nouveau.
Cependant, il refuse de revendiquer la paternité de ce joyau technologique. En fait, Pengui, qui signifie Penda et Guitteye, renvoie aux deux étudiantes qu’il a formées et qui ont réussi à insuffler une vie artificielle à ce robot, ayant défrayé la chronique entre le 22 et le 26 juillet dernier.
Comment fonctionne cette machine ? Pragmatique, Youssouf Sall se saisit d’une carte dénommée arduino qu’il brandit. «C’est le cerveau de l’appareil. Il y a un circuit noir où on envoie un code de fonctionnalité saisi auparavant dans un ordinateur. Autrement dit, c’est le code qui communique au robot ce qu’il doit faire», explique-t-il avec entrain.
Si d’aucuns considèrent Pengui comme une œuvre grandiose, il est loin d’être un projet complexe pour le jeune Sall. Car, selon lui, il ne répond qu’à quelques fonctionnalités de base, à savoir la motricité automatique ou autonome, les détections d’obstacle et de température, ainsi que les émissions de son. «Il est en mesure de vous dire son nom», affirme-t-il.
Comme pour confirmer son propos, Youssouf Sall se lève de son siège en prenant un à un d’autres projets qu’il considère plus complexes. Parmi ceux-ci, on note le détecteur de métaux, du système anti-inondation, qui émet des signaux sonores pour avertir les riverains. Tous fins prêts, sourit l’inventeur de Penda et Guitteye.
Après les activités du laboratoire, Youssouf préfère consacrer le reste de son temps à son épouse et à ses trois enfants. «Il arrive parfois que nous dormions ici», dit-t-il en fixant les yeux sur l’autre jeune passionné d’électronique.
Lassana Nassoko
Source : L’Essor