Pour justifier le projet de révision de la Constitution de février 1992, le gouvernement avance qu’il prend en compte les clauses de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger et valorise les acquis des précédentes tentatives de révision. Mais selon des analystes, la Constitution de 1992 dans son Titre XVI dispose à l’article 118 (alinéa 3) : « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire». Toutes choses qui leur font dire qu’on est en présence de ce cas de figure aujourd’hui en République du Mali.
C’est suite au Conseil des ministres extraordinaire de vendredi dernier consacré en grande partie au projet de révision de la Loi fondamentale que le Parlement a été appelé à nettoyer l’actuel texte fondamental de ses «lacunes et de ses insuffisances».
Si le projet de lois est adopté, notre pays passera à un Parlement bicaméral. Le Sénat sera institué en tant que chambre haute du Parlement aux côtés de l’Assemblée nationale.
Selon le communiqué du conseil des ministres, après un quart de siècle de pratique démocratique du pouvoir, la Constitution a révélé des lacunes et des insuffisances. A en croire, le communiqué, le premier président de la 3e République avait éprouvé au cours de son second mandat la nécessité d’une révision de la Constitution. Son initiative n’a pas abouti pour diverses raisons.
Le deuxième président de la 3e République, poursuit le communiqué, avait, à son tour, au cours de son second mandat initié une procédure de révision de la Constitution en vue d’adapter l’outil à l’objet, la lettre à la pratique pour mieux avancer dans la construction d’un système démocratique performant. Cette initiative également n’a pas abouti en raison des évènements survenus dans notre pays en mars 2012. Selon le communiqué, fort de ces constats et enseignements, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, a mis en place en avril 2016 un comité d’experts chargé d’élaborer l’avant-projet de loi de révision de la Constitution.
Dans le projet de loi, le Sénat dévient la 4e institution de la République alors que la Haute Cour de justice, elle, ne figure plus parmi les institutions du pays. Cependant, elle demeure tout de même compétente pour juger le président de la République et les ministres mis en accusation devant elle par le Parlement ainsi que leurs complices. Aussi, le Haut conseil des collectivités sera supprimé et la Cour des comptes sera instituée.
Autre nouveauté, « le projet de loi institue une procédure de révision constitutionnelle par voie du Parlement réuni en congrès sur la saisine du président de la République. »
Or, les révisions constitutionnelles n’étaient possibles que par voie référendaire. Dans le texte adopté par le conseil des ministres, la Cour constitutionnelle devient la 5e institution et reçoit désormais le serment du président de la République. Un attribut qui était dévolu à la Cour suprême. Selon le gouvernement, le texte prend aussi en compte les clauses de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger.
Toutefois, le projet de loi n’entraîne pas un changement de République, ne remet pas non plus en cause la durée et le nombre du mandat présidentiel. Dans son communiqué, le gouvernement justifie cette révision constitutionnelle par le souci de corriger des lacunes et des insuffisances de la Constitution de 1992.
Une autre raison invoquée par le gouvernement est la crise sécuritaire et institutionnelle qui a révélé la fragilité des institutions de la 3e République et montré l’évidence de la nécessité d’une révision constitutionnelle.
L’avant-projet de loi proposé par le Comité d’experts et adopté par le Conseil des ministres fait référence dans son préambule à la Charte de Kurukanfuga ou Charte du Mandé adopté en 1236 pour valoriser le patrimoine culturel et historique du Mali. Le projet de lois initié fera l’objet d’une large concertation.
Selon des analystes, nous sommes déjà dans une monarchie républicaine, où tout est concentré entre les mains du chef de l’Etat, avec des contre-pouvoirs insuffisants. « La nouvelle constitution ne fera qu’accentuer les pouvoirs du président tout en déshabillant les contres pouvoirs ».
Idrissa Sako
Source: lesechos