“Gouverner, c’est prévoir”, dit-on. C’est cette assertion que nous a rappelé un commerçant détaillant, M. Alou Keïta, au cours de nos échanges sur les difficultés que le secteur privé malien traverse de nos jours. Notre interlocuteur ne s’est pas privé d’accuser les plus hautes autorités, auxquelles il a lancé un appel.
Le commerce, autrefois pilier de l’économie malienne, traverse une période très difficile. Ce, depuis l’embargo qui a paralysé le Mali, des mois durant.
Selon notre interlocuteur, l’État n’a pas pleinement joué sa responsabilité, puisque tout le monde voyait venir la crise. Aucune anticipation. Du coup, les marchandises sont devenues chères pour le citoyen, frappé par les conséquences de la restriction économique.
Dans son raisonnement, M. Keïta explique que les prix des articles ont grimpé depuis les lieux de chargement, c’est-à-dire les ports. Ce qui aura obligatoirement un impact sur les prix de vente au Mali. En plus de ce facteur, il y a les frais de dédouanement qui n’ont pas baissé considérablement, comme le souhaitaient les commerçants. S’y ajoutent les factures des transitaires, qui ont aussi grimpé.
De cet embargo à la conjoncture économique mondiale chantée par les autorités comme facteur exogène de cette situation, il est nécessaire de rappeler que des promesses avaient été faites par les mêmes autorités, afin de réduire l’impact de ces facteurs-là. Pour preuve, les autorités avaient eu des séances de travail avec les commerçants. Mais, aucune promesse n’a été tenue.
Les prix intenables
Sur le marché, les prix des articles dépassent le pouvoir d’achat des populations.
Nous vous donnons quelques chiffres des prix des produits de première nécessité :
Le kilo du lait en poudre est cédé à 2400f, soit une augmentation de 200f ; le litre d’huile à 1400f, soit une augmentation de 200f ; le kilo de sucre est vendu à 650 FCFA, soit une augmentation de 150 francs.
Par ailleurs, le kilo du riz Gambiaka est cédé à 500f, soit une augmentation de 100f ; la bouteille de gaz butane de 6 kilo est à 6000f, soit une augmentation de 2500f ; le kilo du riz importé est à 400f, soit une augmentation de 125f.
Le kilo de la viande avec passe à 3000f, soit une augmentation de 1000f ; le kilo de la pomme de terre est à 650f ou 700f, soit une augmentation de 50f à 100f par endroit ; la petite boîte de Sardines est à 350f, soit une augmentation de 50f ; le sachet de Malilait est cédé à 200f, soit une augmentation de 50f ; une miche de pain est vendue à 300f, soit une augmentation de 50f ; le cube Maggi, au lieu de 25f la tablette, est vendu 3 tablettes à 100f; idem pour les sachets de savon en poudre Barkidigui et Clin.
Au-delà de ces produits, le prix de l’habillement, notamment le bazin, n’est plus à la portée du citoyen lambda. Et les commerçants ont senti cela lors de la fête de tabaski. Il n’y avait pas de marché. Certains commerçants ont même pleuré à chaudes larmes à cause de cela, nous confirme M. Keïta, lui qui évolue dans le secteur depuis au moins 20 ans. Selon lui, beaucoup de commerçants sont allés en faillite à cause de la situation actuelle, pour la simple raison que l’écrasante majorité des commerçants travaillent avec les banques. Ils sont contraints de faire face à leurs créanciers et les charges familiales, malgré la morosité du marché.
Notre interlocuteur termine ses propos par deux choses : la flambée des prix est due parfois à la diminution du stock, c’est-à-dire la quantité des marchandises disponibles. Ce fût le cas pendant la période de l’embargo. En ce moment, les prix des articles prennent l’ascenseur.
Pour lui, l’État doit toujours anticiper les choses, comme on le constate dans plusieurs pays de la sous-région. A ce sujet, il a effleuré la revue à la hausse des prix des produits pétroliers qui auront des conséquences sur beaucoup de choses au Mali.
Il doit assister, accompagner les commerçants tout au long de la chaîne, du port jusqu’à Bamako. Et les Douanes jouent un rôle important dans ce processus. Elles doivent revoir à la baisse ce que les commerçants paient.
Au regard de toutes ces réalités, nous sommes tentés de confirmer que les coûts de bluff du département du Commerce, à travers la Direction générale du commerce et de la concurrence, viennent de montrer leurs limites. La population vit de plein fouet les conséquences de la flambée des prix des produits de première nécessité. Dans plusieurs familles à Bamako, la ration alimentaire (3 fois par jour) n’est plus possible. Et des pères de famille ont même peur de rentrer chez eux le soir parce qu’ils n’ont pu avoir même quelques jetons pour le prix de condiments du jour suivant.
Il urge de trouver une solution rationnelle à la crise du secteur du commerce.
Boubacar Yalkoué