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VERRES CORRIGÉS:Allez-vous vraiment chez le bon opticien ?

BUSINESS DES VERRES CORRIGÉS

Allez-vous vraiment chez le bon opticien ?

“Nos yeux en danger”. C’est le surtitre qu’on aurait pu donner à l’enquête que nous avons menée sur le commerce des verres correcteurs à Bamako et sur les boutiques d’optique. Il en ressort ceci d’inquiétant : sur la centaine de boutiques d’optique qui opèrent dans le secteur, seulement 40 sont homologuées par l’Ordre des pharmaciens du Mali.

Bamako, du lundi au samedi, de 08 à 19h ou 20h. Les boutiques de verres correcteurs, lunettes corrigées, montures en tous genres, font plutôt recette. A l’ACI 2000 comme sur l’axe de l’IOTA, en commune II comme en commune I du District, les rayons scintillants des boutiques d’optique reflètent les visages des clients venus, ordonnances en main, renouveler ou réparer leurs verres corrigés. Hommes, femmes, parents accompagnant leurs enfants ; la clientèle est diversifiée. Les prix des articles aussi. On peut se procurer les correcteurs à tous les prix ou presque. 25000 ou 30.000, 40.000 ou 75.000, 100.000 ou 300.000 voire plus ; c’est selon la poche de chacun. Même si parfois, la loi de l’ophtalmologie devient implacable : alors, pour celui ou celle qui souffre d’un trouble de la vision complexe, il faut payer cher !

Le « marché » des verres correcteurs est florissant à Bamako. Les propriétaires des boutiques d’optique, eux, ne boudent évidemment pas leur plaisir de se frotter les mains. D’autant plus que, pour une commande, leur marge est très souvent considérable. Et surtout que les conditions de vente et d’achat répondent à une seule règle : la présentation par le client d’une ordonnance. Alors, l’opticien se retire dans son arrière-boutique qui lui sert d’atelier pour tailler les verres. En un quart d’heure, le plus souvent, les lunettes sont prêtes et mises dans un fourreau, à la grande satisfaction du client.

Or, en portant ces correcteurs et ces corrigés, est-on vraiment sûr de la qualité du polissage, de l’exactitude de la mesure conformément aux prescriptions de l’ophtalmo ? Et quid de la qualité des verres mêmes ? Nous avons enquêté. Et les informations que nous avons recoupées ne rassurent pas forcément.

Premier constat que nous avons fait : il y a beaucoup trop de boutiques d’optique qui ne sont guère enregistrées au niveau de l’Ordre des pharmaciens du Mali. Déduction : rien ou presque n’est fait pour règlementer le secteur qui fonctionne pratiquement sur le mode de l’informel. D’où une question de première importance : beaucoup de ceux qui se définissent comme « opticiens » le sont-ils vraiment ?

La réponse du Pr Rolland Bovis, président de l’association des opticiens du Mali, laisse peu de place au doute. « Les opticiens de formation qui ont des autorisations, sont montés au créneau pour dénoncer en vain ce désordre. Nous avons sollicité que l’Etat forme les gens qui exercent le métier d’opticien, et nous avons même écrit par rapport à cela. Mais on ne nous a pas répondu », déplore-t-il vivement.

Le Pr Bovis souligne que son association est à pied d’œuvre pour nouer un partenariat avec l’IOTA « dans le cadre de la formation des opticiens ».

Le Pr Bovis surligne l’impératif d’une formation adéquate des opticiens au métier pour, explique-t-il, « que les clients ne tombent pas dans les erreurs et que les gens n’achètent pas des faux verres. » Le Pr Bovis établit un parallèle entre la situation de notre capitale et les autres pays. Il souligne que dans les autres pays, « n’importe qui ne peut pas exercer le métier d’opticien ». Alors que, s’inquiète-t-il, « à Bamako, n’importe qui exerce ce métier ; et cela constitue un sérieux problème de santé publique ».

Le Pr Bovis ne cache pas sa colère : « Les verres se vendent au marché comme des habits. Une anarchie totale règne autour du métier d’opticien ». Pour le bien des patients et de la population, Bovis invite les plus hautes autorités à s’impliquer pour mettre un terme au désordre qu’il ne cesse de qualifier d’« indescriptible et hautement dangereux ».

Contacté par nos soins, le président de l’Ordre des pharmaciens, Alou Badra Wade, a confirmé les informations fournies. « Il y a beaucoup qui exercent ce métier alors qu’ils n’ont aucune autorisation. Je peux vous dire, aujourd’hui, qu’il y a beaucoup de boutiques d’optique qui ne sont pas reconnues par l’Ordre des pharmaciens du Mali. A notre niveau, une quarantaine de boutiques d’optique seulement sont reconnues. Lesdites boutiques d’optique homologuées se sont regroupées en association », confie-t-il.  Un moment donné, a poursuivi Wade, « l’Ordre des pharmaciens du Mali a sollicité des éléments de la Garde nationale en plus d’un huissier pour voir les boutiques d’optique qui ne sont guère reconnues. A la suite de ce contrôle, certains propriétaires de boutiques se sont empressés de s’inscrire ».

La deuxième étape de notre investigation s’est faite au cœur des boutiques d’optique. Pour Demba Traoré, opticien à Djelibougou, il est primordial d’apporter « un éclaircissement sérieux » pour le public. « Un opticien, c’est un monteur et vendeur de verres correcteurs, c’est celui qui, sur la foi de l’ordonnance déposée par le client, procède au montage et à la vente des verres. L’opticien est en même temps un conseiller. C’est-à-dire quelqu’un qui oriente et qui propose des verres de qualité », spécifie-t-il.  D. Traoré observe lui aussi que le domaine de l’optique n’est pas bien structuré. Selon lui, c’est pour cela que n’importe qui se lance dans le métier. Il nous a confié qu’actuellement, il est courant de voir des gens « ouvrir une boutique d’optique sans avoir besoin d’un quelconque agrément. » Mais, selon Demba Traoré, les autorités ont promis de réguler le secteur. « Très peu des gens s’intéressent aux verres parce que les gens pensent que le secteur concerne seulement ceux et celles qui portent des verres », dit-il. D. Traoré, à son tour, plaide fortement pour un assainissement du secteur : « la logique veut que celui qui souhaite exercer ce métier, doive au préalable se former. C’est un secteur plutôt anarchique présentement. »

« Anarchie ! » C’est bien le cri de reproche émis par les professionnels du secteur de l’optique. Pourtant, depuis des années, tous admettent que rien n’a changé côté régulation. Une constatation partagée par Youssouf Traoré, le secrétaire général de l’association des opticiens au Mali. Il décrit que pour être opticien, il faut forcément être « autorisé par l’Ordre des pharmaciens et aussi détenir un agrément ».

Youssouf Traoré se présente comme un pro du métier en colère : « Je ne peux pas vous donner un nombre exact de personnes qui exercent ce métier à présent. Mais il existe seulement une quarantaine de boutiques d’optique qui ont leurs agréments. Il faut reconnaître que nous dénonçons aussi et rejetons les gens qui exercent ce métier sans le professionnalisme requis. »

  1. Traoré invite les autorités sanitaires à plus d’implication : « L’Etat doit nous appuyer pour réguler le secteur de l’optique afin de sauver de potentiels malades. Les verres proviennent de partout. Certes, pour beaucoup de pays de fabrication, les verres sont bons. Mais il appartient à l’opticien spécialiste de bien orienter, conseiller et aider le client à choisir le verre idéal pour ses yeux. »

Seydou FANE

 

Source: lesechosmali

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