DÉCRYPTAGE. Tout en tirant les leçons de ses échecs passés, l’Union africaine (UA) affiche sa ferme volonté de ne plus être au centre des rivalités géopolitiques.
e jeudi 25 mai est célébrée la journée de l’Afrique. En effet, cela fait soixante ans que l’idée d’une unité africaine a fait son chemin pour devenir plus concrète à travers une institution dédiée. Après la première Conférence des États, qui avait réuni à Accra, en 1958, les huit États africains indépendants, près d’une trentaine de pays décident de fonder, à Addis-Abeba, le 25 mai 1963, l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Et ce malgré les divisions entre « progressistes » et « modérés ». Parmi, les objectifs fixés, au-delà du contenu et de la forme à donner à l’unité, l’urgence a été de faire front pour obtenir la décolonisation du continent et mettre fin à l’apartheid. Depuis, l’institution n’a fait que grandir, avec au total, aujourd’hui 55 pays membres et autant de défis. 60 ans après, quel bilan dresser de l’action de cette organisation ? Que reste-t-il du rêve des pères fondateurs ? Quel avenir pour l’institution panafricaine ?
La Nouvelle Donne géopolitique en échos aux débuts de l’OUA
L’Afrique ne doit pas redevenir un « terrain de bataille géostratégique », a martelé ce jeudi le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, appelant les pays du continent à « résister à l’instrumentalisation » des grandes puissances sur fond de conflit en Ukraine. « Dans ce contexte international d’affrontement, des intérêts géopolitiques divergents, la volonté des uns et des autres menace de transformer l’Afrique en terrain de bataille géostratégique, recréant de ce fait une nouvelle version de la guerre froide », a lancé le dirigeant de l’organisation panafricaine, depuis le siège à Addis-Abeba. « Dans ce jeu à somme nulle, où les gains des autres se traduisent par des pertes pour l’Afrique, nous devons résister à toutes les formes d’instrumentalisation de nos États membres », a-t-il poursuivi.
L’Afrique est au cœur de luttes d’influences internationales qui ont redoublé depuis l’offensive russe en Ukraine. Sur fond de sanctions occidentales, Moscou cherche des soutiens en Asie et en Afrique, où de nombreux États n’ont pas ouvertement condamné l’intervention militaire russe. La Russie a multiplié ces dernières années les initiatives sur le continent, visant à se poser comme alternative aux anciennes puissances coloniales.
Au-delà des difficultés, des progrès
Moussa Faki Mahamat a salué les succès de l’OUA, « celui des indépendances et de la victoire contre l’apartheid, celui des progrès économiques significatifs, des sports, des arts, de l’accroissement du rôle international de l’Afrique ». Il a parallèlement énuméré « les facteurs négatifs, tels que les changements inconstitutionnels de gouvernement et leur cortège d’oppression et de bâillonnement des libertés, l’insécurité, l’extension du terrorisme, l’extrémisme violent, la circulation incontrôlée des armes, les effets négatifs du changement climatique ». « Malgré les difficultés de tous ordres, l’Afrique reste caractérisée par sa grande capacité de résilience. Elle a pu malgré des prévisions pessimistes d’alors, tenir bon face à la prévalence de la Covid-19. Mieux, elle a saisi l’occasion de ce malheur pour repenser sa stratégie sanitaire », a-t-il rappelé. « Preuve que si l’Afrique veut, elle peut, quels que soient la nature et les types d’adversité auxquels elle pourrait avoir à faire face », a-t-il insisté.
D’immenses défis à venir
Président en exercice de l’UA, le chef de l’État comorien Azali Assoumani a lui aussi dénoncé « les changements anticonstitutionnels de pouvoir » qui se sont multipliés ces dernières années en Afrique. Pourtant, la déclaration d’Alger de 1999 contre les changements anticonstitutionnels de gouvernement, avait mis l’Afrique sur la bonne piste pour en finir avec les putschs. Avec cinq coups d’État dans l’espace de la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) en deux ans, force est de constater que l’UA doit encore se mobiliser. « Les conflits inter et intra-africains mais aussi le terrorisme perdurent et par conséquent la paix, la sécurité, la démocratie et le développement de notre continent sont menacés dans plusieurs de nos contrées », a-t-il poursuivi. « À cet égard, nous devons convaincre nos frères du Soudan de privilégier le dialogue pour que cesse la guerre fratricide qui sévit dans ce pays », a-t-il ajouté.
Source: lepoint