Il y avait une taupe russe dans le cabinet de Jean-Yves Le Drian lorsqu’il était ministre de la Défense sous le quinquennat précédent. C’est ce qu’a affirmé dimanche soir, avant de « noyer le poisson » sous la pression, l’ambassadeur Bernard Bajolet, ex-directeur de la DGSE, l’espionnage extérieur français, dans l’émission «C dans l’air» consacrée à Poutine, sur France 5.
Bernard Bajolet avait pourtant précisé qu’il avait fait « remonter ce renseignement à l’exécutif », c’est-à-dire probablement au président Hollande avec qui il entretenait des relations directes, depuis qu’ils avaient fait leur stage de l’Ena, à l’ambassade de France à Alger. Mais au début du débat, la présentatrice Caroline Roux, a lu, sur le plateau de «C dans l’air», une sorte de droit de réponse ministériel qui précisait que la rupture du secret-défense est punie par la loi.
Un message destiné à Bernard Bajolet qui n’a pas oublié le règlement en catimini d’un épisode au sein du cabinet du ministre de la Défense, qui estimait être omniscient, privilégiant la lutte contre le terrorisme islamique et délaissant un peu trop, selon Bajolet, les espions russes.
D’une pierre deux coups
En fait, selon le site Médiapart, en 2018, et celui de Dominique Merchet, de l’Opinion, un colonel français du cabinet militaire entretenait des relations avec un officier du GRU, le renseignement militaire de l’ambassade russe à Paris. Le Français aurait transmis au Russe des comptes rendus de réunion. Découvert, il avait été muté au Mali. Une affaire qui, dans les pays anglo-saxons, aurait provoqué un scandale et des démissions, et qui, chez nous, est passé comme une lettre à la poste.
En citant ce cas pour illustrer son propos sur les services russes, Bernard Bajolet a fait d’une pierre deux coups. Ses contacts avec l’Élysée irritaient le ministre et son puissant directeur de cabinet, Cédric Lewandowski, qui, avec son patron, avaient la volonté de « reprendre en main » l’institution militaire. Pendant l’opération Serval, la carte du Mali trônait avec la position des forces dans son bureau, et, à la réunion du soir, les généraux devaient faire le point de l’offensive. Le directeur des renseignements extérieurs, lui, dépêchait un adjoint, ne goûtant guère ce type de réunion inhabituelle, réservée d’ordinaire pour l’opérationnel à l’état-major.
Guerre de services
En fait, l’animosité entre Jean-Yves Le Drian, son cabinet et Bernard Bajolet était déjà montée d’un cran pendant les négociations pour la libération des otages d’Areva retenus au Mali. Le négociateur, un ex du service action un brin parano et ambitieux, pour récolter des contrats pour la société de sécurité qu’il a créé en Suisse, avait été écarté au profit de Pierre-Antoine Lorenzi, co-fondateur de la société de sécurité Amarante, proche du directeur de cabinet du ministre.
Il avait débauché une figure touareg du Niger apparentée au clan des ravisseurs maliens, Mohamed Akotaï, qui était pourtant au départ officiellement missionné par Bajolet depuis qu’il l’avait reçu dans son bureau, boulevard Mortier à Paris, afin qu’il mène les négociations jusqu’au versement de la rançon.
Mais, avec Lorenzi, le dossier otages était passé de la DGSE au cabinet du ministre de la Défense. Au grand dam de Bajolet qui avait été très critique avec Lorenzi à leur libération. Depuis qu’il est à la retraite, Bernard Bajolet a pris sa revanche. En février, il est rentré chez Amarante, société qui n’abrite plus Lorenzi depuis qu’il a vendu ses parts en 2015. Et dimanche, sur France 5, il a rappelé qu’une taupe en contact avec les Russes était au cabinet de Jean-Yves Le Drian lorsqu’il était ministre de la Défense.
Source: letelegramme