Le ralliement du groupe de Mokhtar Belmokhtar, Al-Mourabitoun, à AQMI (Al Qaïda au Maghreb Islamique), dirigé par Abdelmalek Droukdel, trois ans après la scission intervenue le 4 décembre 2015 entre ces deux groupes, pose de nombreuses interrogations sur les objectifs et les intérêts des deux chefs jihadistes, actifs dans le Sahel et en Afrique du Nord, auxquelles M. Marc Mémier (*), spécialiste des questions sécuritaires et groupes armés djihadistes dans ces régions, tente de répondre dans une étude publiée par l’IFRI (l’Institut français des relations internationales), intitulée « AQMI et Al-Mourabitoun : le djihad sahélien réunifié ? » (*),
Outre les intérêts recherchés par Abdelmalek Droukdel, chef suprême de l’AQMI, qui a annoncé en décembre 2015 ce rapprochement avec l’émir d’Al-Mourabitoun, Mokhtar Belmokhtar, l’auteur de l’étude s’interroge sur la place et les garanties obtenues par ce dernier qui fut destitué par Droukdel en 2012, ainsi que sur l’intégration de ce groupe et de l’émir dans la structure d’AQMI.
M. Mémier retrace la genèse du groupe AQMI dans le Sud du Sahara et reconstitue la situation de cette organisation après l’opération française Serval, au Mali, en rappelant les « luttes internes » qui ont débouché sur la création du groupe de Belmokhtar en 2013. L’auteur consacre la deuxième partie de son étude à une recherche approfondie et pertinente sur les objectifs et le fonctionnement interne d’Al Mourabitoun et ses « effectifs et sources de financement, sa place au sein d’AQMI », ainsi que son « mode opératoire et ses principaux faits d’armes ».
L’étude tente de déceler les implications du rapprochement entre les deux groupes jihadistes sur le plan organisationnel, opérationnel et global sur la « stratégie renouvelée d’Al-Qaïda face à la montée en puissance de l’EI sur ses terres ».
Selon l’étude, le redéploiement des opérations d’AQMI dans la région sahélo-saharienne a donné lieu à de fortes tensions internes qui ont abouti à une « véritable confrontation » entre les chefs de ce groupe concernant la « vision et l’agenda politique » d’AQMI. Ces confrontations se sont manifestées aussi bien au niveau des relations entre les « deux principaux commandants de la zone Sud, Mokhtar Belmokhtar et Abou Zeid, qu’entre l’émir d’Al Mourabitoun et le chef d’AQMI. La décision de ce dernier d’implanter de nouvelles brigades au Sahel, dont en particulier la katiba Tarik Ibn Ziyad qui avait pour chef Abou Zeid, principal concurrent de l’émir, suscita l’opposition de celui-ci dont historiquement la zone sahélienne est le terrain de prédilection. Sa katiba Al-Moulathamoun (« Les Enturbannés »), y évolue depuis le début des années 2000 entre le Nord du Mali et la Mauritanie. Le front Sud était scindé en deux zones d’influence distinctes : la zone Ouest (traditionnellement dominée par Belmokhtar), va du Sud-Ouest de l’Algérie au Nord du Mali et de la Mauritanie alors que la zone Est (sous l’influence d’Abou Zeid) correspond au massif montagneux de Timétrine (Nord-Est du Mali) jusqu’au Nord du Niger et du Tchad. La « nomination en 2007 de l’Algérien Yahia Djouadi (dit Abou Amar) au poste d’émir du Sahara n’empêchera pas une rivalité croissante entre Mokhtar Belmokhtar et Abou Zeid ». Ces deux hommes s’opposaient notamment sur la « stratégie de financement et le mode opératoire à respecter ».
Divergences de Belmokhtar avec le commandement d’AQMI
Des documents laissés par les combattants d’AQMI dans leur fuite à la suite de l’intervention militaire française au Mali, en janvier 2013, ont permis de disposer d’informations précises sur le fonctionnement de cette organisation, son projet pour la région et également sur les luttes intestines auxquelles se livraient les dirigeants du groupe.
Plusieurs dossiers stratégiques importants étaient l’objet de désaccord entre les deux organisations. Il s’agit notamment des questions des prises d’otage, la fourniture des armes, la sécurité des communications, voire même la structuration du groupe. Belmokhtar et le Conseil consultatif d’AQMI s’échangeaient des critiques concernant notamment les orientations de ce dernier et le comportement et la gestion de la katiba du premier, jugée trop autonome, inefficiente et non conforme aux décisions du groupe.
La gestion financière de la katiba de Belmokhtar s’est posée en différend majeur. Le Conseil reproche également à MBM de faire cavalier seul et de court-circuiter la chaîne de commandement de l’organisation.
Outre les intérêts recherchés par Abdelmalek Droukdel, chef suprême de l’AQMI, qui a annoncé en décembre 2015 ce rapprochement avec l’émir d’Al-Mourabitoun, Mokhtar Belmokhtar, l’auteur de l’étude s’interroge sur la place et les garanties obtenues par ce dernier qui fut destitué par Droukdel en 2012, ainsi que sur l’intégration de ce groupe et de l’émir dans la structure d’AQMI.
M. Mémier retrace la genèse du groupe AQMI dans le Sud du Sahara et reconstitue la situation de cette organisation après l’opération française Serval, au Mali, en rappelant les « luttes internes » qui ont débouché sur la création du groupe de Belmokhtar en 2013. L’auteur consacre la deuxième partie de son étude à une recherche approfondie et pertinente sur les objectifs et le fonctionnement interne d’Al Mourabitoun et ses « effectifs et sources de financement, sa place au sein d’AQMI », ainsi que son « mode opératoire et ses principaux faits d’armes ».
L’étude tente de déceler les implications du rapprochement entre les deux groupes jihadistes sur le plan organisationnel, opérationnel et global sur la « stratégie renouvelée d’Al-Qaïda face à la montée en puissance de l’EI sur ses terres ».
Selon l’étude, le redéploiement des opérations d’AQMI dans la région sahélo-saharienne a donné lieu à de fortes tensions internes qui ont abouti à une « véritable confrontation » entre les chefs de ce groupe concernant la « vision et l’agenda politique » d’AQMI. Ces confrontations se sont manifestées aussi bien au niveau des relations entre les « deux principaux commandants de la zone Sud, Mokhtar Belmokhtar et Abou Zeid, qu’entre l’émir d’Al Mourabitoun et le chef d’AQMI. La décision de ce dernier d’implanter de nouvelles brigades au Sahel, dont en particulier la katiba Tarik Ibn Ziyad qui avait pour chef Abou Zeid, principal concurrent de l’émir, suscita l’opposition de celui-ci dont historiquement la zone sahélienne est le terrain de prédilection. Sa katiba Al-Moulathamoun (« Les Enturbannés »), y évolue depuis le début des années 2000 entre le Nord du Mali et la Mauritanie. Le front Sud était scindé en deux zones d’influence distinctes : la zone Ouest (traditionnellement dominée par Belmokhtar), va du Sud-Ouest de l’Algérie au Nord du Mali et de la Mauritanie alors que la zone Est (sous l’influence d’Abou Zeid) correspond au massif montagneux de Timétrine (Nord-Est du Mali) jusqu’au Nord du Niger et du Tchad. La « nomination en 2007 de l’Algérien Yahia Djouadi (dit Abou Amar) au poste d’émir du Sahara n’empêchera pas une rivalité croissante entre Mokhtar Belmokhtar et Abou Zeid ». Ces deux hommes s’opposaient notamment sur la « stratégie de financement et le mode opératoire à respecter ».
Divergences de Belmokhtar avec le commandement d’AQMI
Des documents laissés par les combattants d’AQMI dans leur fuite à la suite de l’intervention militaire française au Mali, en janvier 2013, ont permis de disposer d’informations précises sur le fonctionnement de cette organisation, son projet pour la région et également sur les luttes intestines auxquelles se livraient les dirigeants du groupe.
Plusieurs dossiers stratégiques importants étaient l’objet de désaccord entre les deux organisations. Il s’agit notamment des questions des prises d’otage, la fourniture des armes, la sécurité des communications, voire même la structuration du groupe. Belmokhtar et le Conseil consultatif d’AQMI s’échangeaient des critiques concernant notamment les orientations de ce dernier et le comportement et la gestion de la katiba du premier, jugée trop autonome, inefficiente et non conforme aux décisions du groupe.
La gestion financière de la katiba de Belmokhtar s’est posée en différend majeur. Le Conseil reproche également à MBM de faire cavalier seul et de court-circuiter la chaîne de commandement de l’organisation.
Al-Mourabitoun : nouvelle katiba d’AQMI ?
Le 22 août 2013, Belmokhtar et le Malien Abderrahmane Ould El-Amar (alias Ahmed al-Tilemsi) figure influente du MUJAO, annoncent la fusion des Enturbannés (comprenant la section des Signataires par le sang) et d’une partie du MUJAO « au sein d’une même Jamaa dénommée Al-Mourabitoun avec code objectif de réaliser l’unité des musulmans du Nil à l’Atlantique ».
Selon des informations diffusées par la section libyenne de l’État islamique en août 2015, le groupe aurait été créé en Libye où Belmokhtar est arrivé pour trouver refuge durant les premiers jours de janvier 2014.
Belmokhtar n’était pas partisan d’une opposition frontale avec les forces françaises, contrairement à Droukdel et d’autres émirs locaux comme Abou Zeïd, Belmokhtar. Il la considérait comme une grave erreur et a opté pour une stratégie de repli vers la Libye via le Mali puis le Niger en utilisant les nombreuses complicités locales. Son sanctuaire fut établi, dans un premier temps, dans le Sud-Ouest du pays, probablement dans la région qui relie Sebha à Ubari et Murzuq.
Benmokhtar aurait noué de forts liens locaux et se serait marié avec une femme d’une famille influente de la région. Les informations communiquées par l’EI en Libye mentionnent toutefois qu’Al-Mourabitoun a été fondé à Derna, ville côtière du Nord-Est libyen.
L’objectif affiché d’Al-Mourabitoun était ambitieux et consistait en la mise en place d’un mouvement à l’échelon du continent « qui regroupe tous les moudjahidines et musulmans d’Afrique ». Cette ambition se reflète dans le nom avec lequel l’organisation signe ses communiqués : « Al-Mourabitoun-Al-Qaïda pour le djihad en Afrique ». MBM poursuit, à travers ce groupe, l’objectif d’élargir la zone d’action traditionnelle d’AQMI dont l’appellation reste attachée à la région du « Maghreb ». Par ailleurs, la création d’Al-Mourabitoun est présentée dans le communiqué de fondation comme « une question de survie » de la mouvance djihadiste dont les troupes sont décrites comme étant éparpillées et les opérations trop mineures. Le communiqué appelle « toutes les organisations islamiques » à s’entraider pour « contrecarrer les forces laïques qui s’érigent contre tout projet islamique » et menace de s’attaquer spécifiquement aux intérêts français.
Sur le plan idéologique, Al-Mourabitoun affirme s’inspirer de la doctrine d’Al-Qaïda et des Talibans dont l’action des leaders respectifs, Ayman Al-Zawahiri et Mohammad Omar (plus connu sous le nom de mollah Omar), est saluée.
Faire revivre la mémoire et le symbole de l’unité et de la puissance perdue
Le nom de l’organisation, fondamental dans la compréhension des objectifs du groupe. « Al-Mourabitoun », évoque la dynastie berbère des Almoravides qui régna entre le XIe et le XIIème siècles (1040-1147) sur un empire allant de l’Ouest du Sahara et du Maghreb jusqu’au Sud de la péninsule ibérique. Les Almoravides ont donc concrétisé il y a plusieurs siècles le vieux rêve de Belmokhtar : unifier les musulmans du Sahel et du Maghreb dans un même ensemble à partir d’une conquête partant du Sud (Sahel) vers le Nord (Maghreb). Al-Mourabitoun a pour vocation de « faire revivre la mémoire et le symbole de l’unité et de la puissance perdue » et « se prévaloir du grand destin de l’État des Almoravides dont les symboles étaient la science et le djihad », note un communiqué de fondation. Il convient ainsi de ne pas voir dans la création du groupe une simple manifestation d’une guerre de leadership ou celle d’un nouveau fanatisme local. La fondation d’Al-Mourabitoun répond à un projet politique et idéologique d’ambition continentale, réfléchi et à l’ancrage historique ».
(*) : Nous remercions l’IFRI de nous avoir autorisé à publier des extraits de l’étude « AQMI et Al-Mourabitoun : le djihad sahélien réunifié ? » (janvier 2017), de son auteur Marc Mémier.