Le premier témoin de l’accusation a dressé lundi, à la reprise du procès de l’Ougandais Dominic Ongwen devant la Cour pénale internationale (CPI), l’histoire de la sanguinaire rébellion de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA).
Enlevé vers 14 ans sur le chemin de l’école au nord de l’Ouganda, l’enfant-soldat est ensuite devenu l’un des commandants les plus redoutés de la LRA, dont il est aujourd’hui le premier membre devant la justice.
Au premier jour de son procès en décembre, le quadragénaire avait plaidé non coupable « au nom de Dieu » de 70 accusations de crimes contre l’humanité et crimes de guerre pour des actes commis dans le nord du pays entre 2002 et 2005.
« Je ne suis pas la LRA, la LRA, c’est Joseph Kony, qui est le dirigeant », avait alors affirmé Dominic Ongwen, assurant n’être qu’une victime d’une milice qui a, selon l’ONU, massacré 100.000 personnes et enlevé 60.000 enfants depuis sa création vers 1987.
De confession catholique, Joseph Kony est issu d’une famille d’hommes possédés par les esprits, « ce qui est perçu comme une chose effrayante », a rapporté lundi Tim Allen, professeur d’anthropologie du développement à la London School of Economics.
Ce prophète mystique a lancé une rébellion contre Kampala voici trente ans, cherchant à imposer sa propre version des Dix commandements dans le nord de l’Ouganda.
Celui qui était un guérisseur réputé avant de diriger sa milice terrifie de nombreux jeunes Ougandais, « enlevés brutalement et forcés à voir ou faire des choses terribles ». Même une fois libres, certains craignent toujours qu’il ne sache « ce qu’ils pensent ou où ils sont ».
Mais « la plupart étaient effrayés par Kony lui-même, par son espèce d’imprévisibilité. Parfois, il était gentil et raisonnable, parfois, il parlait d’une voix étrange et agissait de manière violente », a expliqué M. Allen. « Il pouvait prédire des choses avant qu’elles ne se produisent. »
D’après le spécialiste, ceux qui ne marchaient pas assez vite ou refusaient d’obéir aux ordres étaient battus, ou tués dans de nombreux cas.
Toutefois, pour beaucoup de jeunes, certaines expériences au sein de la LRA étaient « excitantes », « comme un rêve, où ils pouvaient faire des choses qu’ils ne pouvaient pas faire quand ils étaient à la maison ».
« Comme les vétérans du Vietnam, les personnes parlaient du frisson de tuer, de l’excitation de la violence », a ajouté le témoin.
Alors que Joseph Kony continue d’être insaisissable, Dominic Ongwen s’est rendu aux forces spéciales américaines en janvier 2015 en Centrafrique.
D’après la défense, il était sous la menace d’une mort imminente par Joseph Kony et il souffre d’un syndrome de stress post-traumatique lié à son passé.
Autrefois près de 4.000, les rebelles de la LRA ne sont aujourd’hui plus que quelques centaines, dispersés en République démocratique du Congo, Centrafrique, Soudan du Sud et Soudan.