On lui a pris la présidence, puis son manoir d’un goût douteux, et maintenant on lui a enlevé ses vêtements: l’ancien président ukrainien Viktor Ianoukovitch est l’objet d’un “nu” peu flatteur exposé dans un “anti-café” de Kiev.
Un Ianoukovitch renfrogné est étendu dans une pose peu avantageuse, qui ne laisse aucun détail à l’imagination.
La peinture, intitulée “Le Roi nu” a accédé à une soudaine célébrité sur internet par accident, pendant la révolution qui a forcé Ianoukovitch à l’exil.
Olga Oleïnik 25 ans, une jeune artiste produisant des tableaux “inhabituels”, a cru avoir un coup de chance: un ami travaillant pour une télévision locale lui a proposé de la montrer sur les ondes avec son président mal-aimé en peinture.
Mais son passage à la télévision a coïncidé avec un renversement complet de la situation dans le pays: après des tueries ayant fait une centaine de morts dans les rues de Kiev, Ianoukovitch s’est enfui et le parlement l’a destitué, alors que l’icône de l’opposition Ioulia Timochenko sortait de prison.
L’émission sur l’art a été annulée au dernier moment pour faire place aux nouvelles.
“Donc, je prends la toile et je commence à m’en aller, puis soudain un photographe prend une image de moi quand je tiens le tableau dans un couloir”, a-t-elle raconté à l’AFP.
Pendant ce temps, les opposants et les Ukrainiens ordinaires découvraient avec horreur le luxe de la résidence privée de Ianoukovitch à Mejiguiria, près de Kiev. La photo a été diffusée massivement sur internet et le public a cru qu’elle avait été trouvée dans cette résidence, pleine de voitures de luxe, pourvue d’un zoo privé et de cuvettes de WC dorées.
“Le lendemain matin mon tableau était partout sur internet et on disait qu’il venait de Mejiguiria”, ajoute la jeune femme.
“Cet homme a fait beaucoup de mal à notre pays, donc les gens sont contents de le voir dans une pose compromettante”, analyse l’artiste.
En fait le tableau avait été peint en 2012 et fait partie d’une série de nus de politiciens connus intitulée “Je suis un homme”.
Les réactions du public vont de l’amusement aux cris d’orfraie.
“L’artiste est peut-être fou. C’est une œuvre bien étrange”, a écrit un visiteur de la page Facebook de la peintre.
Un autre a vu dans Ianoukovitch “une victime de la Renaissance” et un troisième a suggéré de “clouer ce tableau sur le réfrigérateur afin de réduire l’appétit” des gros mangeurs.
– Anti-café –
L’œuvre est maintenant visible dans un coin d’un anti-café dont Oleïnik est propriétaire, dans une cave du centre ville.
Un anti-café est une idée née à Moscou mais ayant fait des petits à Londres et à Paris. C’est un lieu où le café et les snacks sont gratuits, mais où l’on paie le temps minuté qu’on y passe dans son ambiance de salon confortable.
La peintre a ouvert cet anti-café il y a un an, parce qu’elle cherchait un endroit pour exposer ses nus et des poupées bizarres “sorties d’un film d’horreur” que les galeries traditionnelles hésitent à prendre.
En dépit de sa célébrité en ligne, le tableau n’a attiré qu’un acheteur potentiel et même lui s’est finalement désisté.
Ianoukovitch n’était pas l’unique cible d’Oleïnik. Elle admet garder à la maison un portrait du président russe Vladimir Poutine qu’elle “a un peu peur” de montrer en public. Elle espère pouvoir l’exposer un jour en Europe de l’ouest, où elle pense “bénéficier d’une certaine immunité”.
“Tout le monde demande pourquoi Ianoukovitch a une si petite… Cela montre aux gens son importance en politique”, explique-t-elle.
A cet égard, le portait de Poutine “est très différent” et “montre sa dimension politique, car Poutine est un homme fort à l’échelle mondiale”.
© 2014 AFP