Alors que les pays ferment leurs frontières les uns après les autres pour faire face au coronavirus, les Français installés au Mali craignent de rester coincés dans le pays.
« C’est la cohue à l’aéroport, les gens attendent pour avoir une place. » Quand la rumeur d’une fermeture imminente des frontières de l’Union européenne est arrivée aux oreilles des Français de Bamako, lundi 16 mars, les groupes WhatsApp se sont activés et l’envie de rentrer en France est tout à coup montée, devenant quasi irrépressible chez une partie des 8 000 expatriés. Très vite, le site Internet d’Air France a été pris d’assaut et la hotline est passée aux abonnés absents… Le repli sur l’aéroport s’est alors imposé comme la solution. « Tout le monde s’est attroupé devant le guichet d’Air France, décrit une humanitaire en poste à Bamako. Soit pour essayer d’avoir une place sur le vol, soit pour confirmer leur réservation. »
Ce vent de panique, lié à l’épidémie de Covid-19, qui a saisi la communauté française du Mali lundi matin a trouvé sa justification en fin de journée, lors de l’annonce par Emmanuel Macron de la fermeture des frontières européennes pour un mois, et s’est renforcé mardi avec la décision malienne, lors d’une session extraordinaire du Conseil supérieur de la défense nationale, de suspendre « jusqu’à nouvel ordre les vols commerciaux en provenance de pays touchés, à l’exception des vols cargo ».
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Depuis quelques jours déjà, le Mali, victime de la fermeture des liaisons aériennes par le Maroc, sentait monter l’isolement. La suspension des vols de Royal Air Maroc en provenance et à destination des villes européennes puis africaines, le 14 mars, a été un choc. Rapidement suivi d’un second, puisque le Sénégal a à son tour annoncé, trois jours plus tard, couper les ponts aériens avec la France. Puis l’Algérie est entrée dans la danse, avec comme deadline le 19 mars. Une décision qui entraîne l’annulation de la ligne Bamako-Alger, d’où les voyageurs pouvaient ensuite prendre une correspondance maritime ou aérienne pour la France.
Des vols réduits à compter du 23 mars
Mardi, au lendemain de l’annonce du président français, une cinquantaine de personnes, renforcées dans leur conviction qu’il fallait rentrer, se sont massées sous un abri en taule face à l’agence d’Air France de Bamako. Aux voyageurs venus essayer d’échanger leur billet pour partir plus tôt sont venus s’ajouter ceux qui voulaient seulement s’assurer que leur avion décollerait bien. Si l’humanitaire de 27 ans interrogée par Le Monde Afrique convient avoir eu de la chance en obtenant l’avant-dernier siège du vol, beaucoup de Français ou de Maliens avec titre de séjour en cours de validité sont, eux, restés sur le carreau.
Devant la porte de l’agence, un agent de sécurité appelait un à un les heureux élus. Ils étaient 800 inscrits sur la liste à 14 h 30 et Mohamed Lamine Ouled-Alla, un Français d’une trentaine d’années travaillant dans l’import-export de fruits et devant passer en 719e position, a perdu patience au 400e nom. Le Niçois, arrivé par la route depuis le Maroc en passant par la Mauritanie, avait dans un premier temps tenté de réserver par Internet, avant de renoncer face à un service saturé. Au départ, il devait repartir vers le Maroc, mais la fermeture des frontières du royaume chérifien l’a surpris. Finalement, il prendra la route vers Dakar et patientera là-bas.
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En dépit d’une ambiance un peu lourde, un agent du service immigration de l’ambassade de France, présent pour informer les voyageurs, se voulait rassurant : le vol nocturne partirait bien. Une bonne nouvelle tempérée par le fait que l’avion affichait déjà complet. Et l’annonce de la direction d’Air France à Bamako que « les vols sont a priori maintenus jusqu’au 20 mars » et que la suite « dépendra de la programmation des longs courriers et des décisions des deux pays » n’a pas rassuré les moins chanceux. Dans un courriel envoyé à ses clients, la compagnie a informé que ses vols seront réduits à compter du 23 mars.
Une « cellule spéciale » au consulat
Selon une diplomate française en poste à Bamako, « on n’observe pour le moment aucun mouvement de panique dans la communauté française et on n’a pas le même problème qu’au Maroc, avec des touristes qui ne veulent pas rester bloqués ». Une « cellule spéciale » a tout de même été mise en place par le consulat de France. « Nous faisons avec la situation actuelle et si elle se dégrade, nous suivrons les instructions », poursuit la diplomate.
Pour l’heure, le Mali n’est pas touché par le coronavirus. Dans un entretien avec la radio onusienne Mikado, le représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Jean-Pierre Baptiste, a rappelé que sur la trentaine de cas suspects, tous ont été testés négatifs.
Paul Lorgerie(Bamako, correspondance)
Source : Le Monde