La tension restait vive au large de la Libye entre des ONG et les gardes-côtes libyens, qui ont encore empêché dimanche un navire humanitaire de s’approcher d’une embarcation en détresse alors que des migrants étaient à l’eau.
L’Aquarius, affrété par SOS-Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), a été prévenu par les gardes-côtes italiens de la présence d’un canot surchargé au large de Tripoli, a rapporté une photographe de l’AFP présente à bord.
Mais Rome a aussi prévenu les gardes-côtes libyens, qui ont pris la coordination de l’opération et interdit au navire de s’approcher, lui ordonnant même de s’éloigner lorsque des migrants ont sauté à l’eau pour tenter d’éviter d’être reconduits en Libye.
En début de soirée, la marine libyenne a annoncé avoir secouru plus de 300 migrants dans trois opérations distinctes, faisant état d’un mort et d’un disparu.
Les deux victimes étaient à bord d’un canot pneumatique avec 114 autres migrants, dont 21 femmes et quatre enfants, a indiqué le porte-parole de la marine libyenne, le général Ayoub Kacem.
Il n’a pas voulu préciser si les victimes étaient à bord du canot aperçu par l’Aquarius.
Dans la matinée en revanche, en l’absence de gardes-côtes libyens, le voilier Astral, de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms, a secouru 105 migrants, dont une douzaine de femmes et d’enfants, qui se trouvaient sur un canot en perdition à environ 30 milles des côtes libyennes, a raconté sur Twitter le député italien Riccadro Magi (gauche), présent à bord.
Samedi, une vedette des gardes-côtes libyens, qui accusent les ONG d’être liées aux réseaux de passeurs, avait obligé l’Astral et un autre navire, humanitaire qui venait de secourir 38 migrants, à s’éloigner.
« Les Libyens agissent comme des pirates dans les eaux internationales, exigeant que leur soit reconnue une autorité. Ils agissent hors du droit et ils le font avec des moyens fournis par le gouvernement italien », a dénoncé M. Magi.
Le porte-parole de la marine libyenne a prévenu de son côté que les tensions risquent de s’aggraver dans les prochains jours, les navires humanitaires « s’approchant de plus en plus » des eaux libyennes, selon M. Kacem.
Trois responsables de l’ONG Proactiva Open Arms font actuellement l’objet d’une enquête judiciaire en Italie pour avoir refusé de remettre des migrants aux Libyens lors d’une opération mi-mars, même si un juge a estimé qu’ils avaient agi « en état de nécessité » compte tenu de l’insécurité pour les migrants en Libye.
Ce pays fait régulièrement l’objet de critiques pour les traitements infligés aux migrants, notamment africains, qui passent sur son territoire dans l’espoir de rejoindre l’Europe pour une vie meilleure.
Cette semaine, MSF a dénoncé la situation dans un centre de détention libyen à Zouara (ouest), où ses équipes ont vu plus de 800 personnes tellement entassées qu’elles ont à peine la place de s’allonger, « sans un accès adéquat à l’eau et à la nourriture ».
La coordination entre Rome et Tripoli a ait chuter drastiquement les départs vers les côtes européennes. Selon les autorités italiennes, près de 9.500 migrants ont débarqué cette année, soit une baisse de 75% par rapport à la même période en 2017.
Dans le même temps, les gardes-côtes libyens ont secouru et ramené en Libye plus de 5.000 migrants, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui fait aussi état d’un bilan d’au moins 379 morts ou disparus au large de la Libye.