Un Conseil militaire de transition (CMT) présidé par le général Mahamat Idriss Déby, 37 ans, fils du défunt président et jusqu’alors chef de la redoutable Garde présidentielle, garde prétorienne du régime, a dissous gouvernement et Assemblée nationale.
Ce CMT a juré que de nouvelles institutions verraient le jour après des élections « libres et démocratiques » dans un an et demi.
Mahamat Idriss Déby a nommé les 15 généraux qui composent le CMT. Dans ce décret signé par le fils du défunt président, s’ensuivent, en plus du sien, les noms de 14 généraux connus pour être dans le cercle des plus fidèles du chef de l’État.
Les rebelles rejettent le conseil militaire
Les rebelles, qui mènent depuis neuf jours une offensive contre le régime tchadien, ont promis de marcher sur N’Djamena et rejeté « catégoriquement » ce conseil militaire. « Nous comptons poursuivre l’offensive », a assuré Kingabé Ogouzeimi de Tapol, porte-parole du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT).
Les obsèques nationales d’Idriss Déby Itno, mort lundi selon la présidence, auront lieu vendredi à N’Djamena.
La France « perd un ami courageux », a annoncé l’Élysée dans un communiqué, soulignant l’importance d’une « transition pacifique » et son « ferme attachement à la stabilité et à l’intégrité territoriale » du Tchad.
Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a appelé à une transition militaire d’une « durée limitée » qui conduise à un « gouvernement civil et inclusif ». La ministre française des Armées Florence Parly a de son côté affirmé que la France « perd un allié essentiel dans la lutte contre le terrorisme au Sahel ».
Après avoir écarté par l’intimidation ou la violence quelques rares ténors d’une opposition divisée, le maréchal Déby avait été proclamé lundi soir – l’annonce de sa blessure n’avait pas encore été rendue publique – vainqueur de la présidentielle du 11 avril pour un sixième mandat, avec 79,32 % des voix, une annonce en avance sur le programme prévu.
Ce militaire de carrière, puis rebelle qui s’était emparé par les armes du pouvoir en 1990, n’avait de cesse de se présenter, souvent en battle-dress, comme un « guerrier ». Il a été grièvement blessé en allant diriger lui-même, à 68 ans, les combats contre une colonne de rebelles infiltrés depuis la Libye.
Couvre-feu et fermeture des frontières
Le maréchal Déby « a pris la tête des opérations lors du combat héroïque mené contre les hordes terroristes venues de la Libye. Il a été blessé au cours des accrochages et a rendu l’âme une fois rapatrié à N’Djamena » : mardi, un porte-parole annonçait la nouvelle à la télévision d’État.
Le CMT « présidé par le général de corps d’armée Mahamat Idriss Déby, garantit l’indépendance nationale, l’intégrité territoriale, l’unité nationale, le respect des traités et accords internationaux et assure la transition pour une durée de 18 mois », a précisé l’armée.
Un couvre-feu a été instauré et les frontières ont été fermées.
M. Déby avait renversé Hissène Habré (au pouvoir de 1982 à 1990) dont il était l’ancien commandant de l’armée. Puis sa Garde présidentielle avait, des années durant, réprimé sévèrement toute opposition avant qu’il n’assouplisse son régime et l’ouvre à un multipartisme « contrôlé », selon les experts.
Il avait été promu au rang de maréchal en août dernier, pour faits d’armes, après avoir, il y a un an, commandé en personne une offensive de son armée en profondeur au Nigeria voisin pour y poursuivre des jihadistes de Boko Haram qui venaient d’attaquer un camp militaire au Tchad.
Le régime d’Idriss Déby était considéré par les Occidentaux, en particulier la France, l’ancienne puissance coloniale, comme un partenaire essentiel dans la guerre contre les jihadistes au Sahel. Le Tchad, enclavé entre des États faillis tels que Libye, Soudan et Centrafrique, est un contributeur de poids en soldats et armements dans ce conflit.
L’armée tchadienne fournit également aux Casques bleus de l’ONU au Mali un de leurs principaux contingents et passe pour la plus aguerrie de la force conjointe du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad).
Mort au combat
L’histoire du Tchad indépendant est ponctuée d’épisodes de rébellions armées venues du Nord, de la Libye ou du Soudan voisin. Idriss Déby était lui-même arrivé au pouvoir à la tête de forces rebelles ayant foncé sur N’Djamena. Durant le week-end, il avait rejoint son fils Mahamat pour diriger les combats dans le Nord contre la coalition de rebelles du FACT.
Lundi, l’armée assurait les avoir écrasés mais des rumeurs persistantes avaient filtré sur de violents combats laissant de nombreux morts et blessés de part et d’autre. L’armée n’avait reconnu que six tués dans ses rangs et affirmé avoir tué plus de 300 « ennemis ».
Dans le massif du Tibesti, frontalier avec la Libye, mais aussi dans le Nord-Est qui borde le Soudan, des rebelles tchadiens affrontent régulièrement l’armée, depuis leurs bases arrière dans ces pays.
En février 2019, venus de Libye pour tenter de renverser le régime, ils avaient été stoppés par des bombardements d’avions de combats français sur demande de N’Djamena.
En février 2008, une attaque rebelle avait déjà atteint les portes du palais présidentiel avant d’être repoussée, là aussi grâce au soutien militaire de Paris.