En Idriss Deby, le politique se le dispute au militaire. Pour son 5e mandat, Idriss Deby devra jouer des deux pour contenir les populations et le terrorrisme.
Il a promis d’être le fossoyeur de Boko Haram. En août 2015 déjà, il se félicitait de la « décapitation » du groupe terroriste qui sévit autour du lac Tchad, assurant qu’il serait éradiqué d’ici la fin de l’année. Non, Idriss Deby n’est pas homme à cacher son côté militaire. Soldat dans l’âme, le président ô combien contesté du Tchad devrait, sans surprise, être réélu pour un cinquième mandat après le scrutin de dimanche dernier. Aucun résultat n’a encore été publié, toutes les communications étant coupées depuis dimanche, mais dans un pays où l’opposition n’existe que pour la forme, le suspense reste minime. L’heure de la retraite n’a pas encore sonné pour le président-soldat au pouvoir depuis 1990, et engagé dans une lutte féroce contre le terrorisme dans la région. Investie depuis février 2015 contre Boko Haram, son armée, forte de 30 000 hommes, a déjà remporté une série de victoires probantes contre l’organisation terroriste, s’affirmant ainsi comme la force la plus efficace sur le terrain contre le jihadisme dans la région. La guerre éclaire qu’elle mène aux côtés des contingents nigériens et nigérians depuis le printemps 2015 a permis de chasser Boko Haram de plusieurs villes au nord-est du Nigéria. Pour autant la lutte continue puisque, malgré les promesses du président Deby, l’hydre Boko Haram est toujours en vie. Presque deux ans jour pour jour après l’enlèvement des lycéennes de Chibok au Nigéria, le 14 avril 2014, évènement qui avait ému l’opinion internationale mobilisée autour du slogan Bring Back Our Girls, les jihadistes prospèrent toujours. Dernier fait d’arme en date : l’enlèvement, fin mars, de seize femmes dans un village du nord du Nigéria.
Soutien de la France
A l’heure de la lutte mondiale contre le terrorisme, cette guerre ouverte au jihadisme vaut néanmoins au président Deby le soutien d’une partie de la communauté internationale, à commencer par la France qui a fait de N’Djamena une des deux bases de l’opération Barkhane dans la bande sahélo-saharienne. Idriss Deby est même décrit comme « un homme clé, un des rares qui ait une vision sur la région » par un haut responsable français qui s’est confié à l’AFP. Depuis l’intervention au Mali, l’armée tchadienne est hyperactive. En première ligne en janvier 2013 au lancement de l’opération Serval dans le nord Mali, Idriss Deby s’est ensuite lancé aux côtés de la Multinational Joint Task Force (Cameroun, Niger, Nigéria, Bénin) pour combattre Boko Haram, rallié à Daech, investissant par la même occasion près de 4,5 millions d’euros pour aider la région du lac Tchad où prospère l’organisation terroriste.
En politique comme à l’armée
Arrivé au pouvoir par les armes, Deby pense la politique avec l’esprit d’un militaire. Bras droit d’Hissen Habré lors de la rébellion de 1980 qui aboutit en décembre 1981 à la chute du président Goukouni Oueddei, Idriss Deby prend alors la tête de la sécurité du pays. Accusé de complot par le président Habré, il prend la fuite en avril 1989 avant de revenir, un an et demi plus tard, à la tête de l’organisation rebelle du Mouvement Patriotique pour le salut et de chasser Habré, son ancien frère d’arme. Depuis, Deby enchaîne les mandats et tient d’une main de fer un des pays les plus fermés d’Afrique. Sa dernière réélection, en avril 2011, s’est soldée par le score invraisemblable, et contesté, de 88% en sa faveur. Critiqué tour à tour pour suspicions de fraudes électorales, pauvreté démesurée pour un pays producteur de pétrole et violation des droits de l’homme, le président tchadien muselle toujours l’opposition et ne tolère aucune contestation dans la rue.
Source: Le Point