Le diagnostic du bélier blanc sur la crise du Nord, la crise scolaire et la crise financière sous ATT
En ce début de juin 2008, la situation au Mali est caractérisée par plusieurs crises dont la persistance et l’aggravation mettent à rude épreuve la cohésion nationale et la stabilité de l’Etat. Il s’agit de : la crise du Nord ; la crise scolaire ; la crise financière et de trésorerie; la flambée des prix des produits de consommation courante.
La combinaison de ces crises interpelle fortement, bien entendu, les pouvoirs publics qui ont la responsabilité de conduire la destinée du pays mais aussi tous les patriotes et les forces politiques qui ont à cœur le devenir de notre pays.
Fidèle à ses principes, le PARENA livre ses propositions de sortie de crise.
1. La crise du Nord :
La question du Nord est une question nationale malienne. Elle concerne l’ensemble de la nation car ce qui se joue à Kidal, c’est l’unité et l’intégrité du territoire national, c’est la stabilité et la sécurité du pays. Ces questions ne sauraient être l’apanage d’une catégorie de Maliens. Elles nous concernent tous.
Le point de vue du PARENA est que la crise du Nord a pris une nouvelle tournure après l’attaque meurtrière d’Abeibara le 21 mai 2008. Il y a lieu d’en prendre conscience et d’agir en conséquence. Le PARENA qui a soutenu l’Accord d’Alger dès le 15 juillet 2006 lors de son Conseil National tenu à Sikasso, pense que cet Accord doit être mis en œuvre avec rigueur.
S’il s’avère qu’il est inadapté ou que certaines de ses clauses sont inapplicables, rien ne doit s’opposer à sa renégociation. Favorable à la résolution de la crise du Nord sur des bases démocratiques, donc par le dialogue et la concertation, le PARENA invite les différentes composantes de l’Alliance du 23 mai à déposer les armes et à s’inscrire dans une dynamique de paix par le dialogue.
La question du Nord concerne l’ensemble de la Nation malienne. Elle n’est pas l’affaire des seuls cadres et personnalités Touareg. Elle est sans doute l’affaire des ressortissants du Nord, mais elle est aussi et surtout l’affaire de tous les Maliens. Elle concerne peut-être les chefs des tribus du » Grand Sahara « , mais elle est avant tout l’affaire des Maliens. Ils ne doivent pas être tenus à l’écart de la recherche de solution.
Aussi le PARENA propose-t-il la tenue immédiate d’une Conférence Nationale de toutes les forces vives de la Nation sur la question du Nord. Il demande que les partis politiques soient informés de ce qui se passe sur le terrain et soient associés à la réflexion pour sortir de l’engrenage de la violence. Il faut prendre garde à ne pas opposer les communautés, les tribus les unes aux autres. Il est indispensable que la représentation des populations du Nord dans les institutions de la République se passe sur des bases démocratiques.
Le PARENA réitère ses propositions de création d’une cellule stratégique et d’un ministère chargé du développement des régions sahariennes et sahéliennes.
Il recommande la fin de la gestion confidentielle de la question du Nord.
2. La crise scolaire :
L’école malienne traverse depuis plusieurs années une profonde crise qui nous oblige à une réflexion sérieuse sur les fondements même de notre politique d’éducation et de formation. Notre pays a besoin d’un système scolaire et universitaire adapté aux exigences du Mali d’aujourd’hui et de demain. Seule une école vraiment apaisé peut répondre à ces exigences. Tel n’est pas le cas aujourd’hui.
La conviction du PARENA est que les politiques actuellement mises en œuvre ne concourent pas à cet objectif. La politique du Gouvernement est caractérisée par l’intransigeance et l’autisme qui ne favorisent ni le dialogue, ni les concessions indispensables pour sortir des conflits en cours.
Les autorités scolaires et universitaires se doivent d’instaurer un dialogue constructif, franc et respectueux des partenaires de l’école sans exclusion aucune.
En ce qui concerne la crise du secondaire, le PARENA condamne les évaluations effectuées sans les professeurs.
L’intransigeance du Gouvernement conduit l’enseignement secondaire public dans une impasse qui aura des conséquences sur l’ensemble des ordres d’enseignement.
Le Parena propose aux parties en conflit (COSES et Gouvernement) le compromis suivant pour mettre fin à la crise : négocier un taux d’indemnité de logement acceptable et reporter sa prise en charge sur l’exercice budgétaire 2009, étant donné la non inscription de cette charge sur le budget 2008 et les difficultés financières actuelles.
Le forum annoncé par le Gouvernement sur l’éducation n’a de chance d’être fécond que si tous les partenaires de l’école y participent pleinement. Très clairement, il n’y aura pas lieu de réunir le forum si les syndicats enseignants n’y participent pas. D’où l’urgence de dissiper les tensions actuelles entre le Gouvernement d’une part, la COSES et le SNESUP de l’autre, et de parvenir à un compromis susceptible de sauver l’année scolaire et universitaire.
3. La crise financière et de trésorerie :
A la fin du mois de Mai 2008, le trésor public malien enregistrait une dette intérieure cumulée de plus de 100 milliards de francs CFA. Ce chiffre ne tient pas compte des dizaines de milliards que l’Etat doit à certaines banques de la place. C’est toute l’économie qui se trouve grippée et le système bancaire menacé. Les activités des opérateurs économiques, combien essentielles à la survie des ménages, sont progressivement étouffées. Quand l’argent se fait rare et que l’Etat n’honore plus ses engagements dans un pays comme le Mali, c’est tout le système économique qui tombe en panne. Les services de l’assiette peinent à atteindre les objectifs à eux assignés. A la date du 23 mai 2008, si la Direction Générale des impôts avait honoré 85% des objectifs assignés pour fin mai, la douane, elle, avait réalisé moins de 10 milliards sur une projection mensuelle de 27 milliards de FCFA. A la fin du mois de mai, les arriérés sur les prévisions de recettes s’élevaient à plus de 54 milliards pour les premiers mois de l’année !
Ces difficultés surviennent au moment où l’on ne perçoit aucun effort de l’Etat pour réduire son train de vie. Les coupes actuellement ordonnées dans les différents budgets ne procèdent guère d’un souci d’économie imposé par une conjoncture particulièrement critique mais par les exigences de » l’initiative riz » lancée par le Premier Ministre et dont nous parlerons plus bas.
Le PARENA estime que la situation financière difficile que le Mali traverse nécessite l’adoption d’un certain nombre de mesures urgentes parmi lesquelles :
– La réduction du train de vie de l’Etat (dépenses en carburants, électricité, eau et communication) ;
– La réduction au strict minimum nécessaire des missions effectuées par les membres du Gouvernement et de l’Assemblée Nationale, des autres institutions de la République et des démembrements de l’Etat ;
– La révision du taux des frais de missions des membres du Gouvernement, de l’Assemblée Nationale et des autres institutions ;
– La moralisation des frais de missions ;
– La réduction des budgets de souveraineté des chefs des institutions de la République;
– La lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ;
– La fin des exonérations discriminatoires accordées à un certain nombre d’opérateurs économiques ;
– L’égalité des opérateurs économiques devant le cordon douanier et fiscal ;
– La restauration énergique du crédit de l’Etat dans tous les secteurs notamment dans les services financiers. Il est urgent de mettre fin à l’image d’un Mali où tout est permis, où tout est possible.
A cet effet, il est indispensable :
a. de desserrer l’étau et l’emprise de certains opérateurs économiques sur les services financiers essentiels de l’Etat, tels que la Douane et les Impôts.
b. de renégocier sans délai les contrats qui nous lient aux compagnies exploitant l’or, pour augmenter les parts de l’Etat, au moment où le prix de cette matière première bat les records sur le marché mondial (1025 dollars, l’once, sur le marché de Londres à la date du 3 juin 2008).
c. le contrôle strict de l’Etat sur les quantités d’or exportées. En 2006 la part de l’or dans les recettes d’exportation se chiffrait à 587 milliards 486 millions.
4. La flambée des prix des produits de consommation courante :
Les Maliens sont soumis à la dure réalité de la vie chère, de l’augmentation insoutenable des prix des denrées de 1ère nécessité.
Dans cette situation, il y a des facteurs que l’Etat ne maîtrise pas et ceux sur lesquels il peut avoir de l’impact.
Au titre des facteurs indépendants de notre volonté, il y a la flambée des cours du pétrole et la crise des marchés céréaliers.
Le contexte international qui semble échapper à tout contrôle a des effets pervers sur l’économie d’un pays pauvre enclavé comme le Mali et sur les conditions de vie du peuple.
L’inflation importée, les coûts élevés des transports, mais aussi nos propres responsabilités, celles de l’Etat, ont fini de plonger dans la détresse l’écrasante majorité des Maliens, les chefs de famille ne parvenant plus à assurer l’entretien quotidien habituel de leurs familles.
Au titre des facteurs sur lesquels nous pouvons avoir prise, il y a la bonne gouvernance, la rigueur dans la gestion des ressources et des stocks, l’anticipation (le chef de l’Etat n’a-t-il pas dit, le 8 mars 2008, qu’il a accordé des exonérations à des commerçants qui n’ont pas tenu tous leurs engagements ?) et une bonne organisation de nos circuits d’approvisionnement et de distribution des produits céréaliers.
& » L’Initiative Riz » :
Pour répondre à la crise des marchés céréaliers le Gouvernement a conçu et lancé avec force campagne médiatique une opération dénommée » Initiative Riz » dont l’objectif est de produire, à l’issue de la campagne 2008/2009, 1.618.323 tonnes de paddy, soit 1.000.000 tonnes de riz marchand, soit une hausse de 50% par rapport à la campagne 2007/2008 !
Un tel résultat permettrait de couvrir les besoins de consommation interne (estimés à 900.000 tonnes) et d’exporter 100.000 tonnes !
L’initiative est généreuse, mais, montée dans la précipitation, elle présente tous les signes d’une opération hasardeuse dans laquelle l’Etat et les banques sollicitées risquent plusieurs dizaines de milliards de francs, sans que les résultats annoncés soient atteints.
Jugez-en !
Les prévisions de » l’Initiative Riz » portent sur des rendements à l’hectare jamais réalisés au Mali : 5,5tonnes/ha à Kayes (PDIAM), 6tonnes/ha à Tombouctou (Daye-Hamadia-Koriomé), 6,5tonnes/ha à l’Office du Niger, 7tonnes/ha à Saouné (Tombouctou) !
Pour ce qui concerne la nouvelle variété de riz NERICA (New rice for Africa : nouveau riz pour l’Afrique), le Gouvernement entend lui imprimer une nouvelle croissance en portant son taux de production de 1,5 tonnes/ha à 3 tonnes/ha.
Les experts disent que ces prévisions sont simplement irréalistes !
En outre, pour produire les quantités annoncées, il faut des semences et des engrais à temps.
Dans le Plan de mise en œuvre de l’initiative, les semences doivent être livrées aux points de dépôt au plus tard le 15 juin. Or les missions de prospection et d’achat de semences de Nerica sont rentrées bredouilles de Guinée et de Gambie à la fin du mois de mai.
Les semences seraient disponibles en Ouganda mais les coûts de transport sont prohibitifs.
Quant aux engrais, ils doivent, selon le plan d’action, être livrés aux organisations paysannes et aux producteurs individuels le 8 juin!
Le coût réel de l’engrais sur le marché extérieur serait plus élevé que les estimations contenues dans le plan d’action du Gouvernement. Pour le moment il n’y aurait pas d’opérateurs volontaires pour livrer les 92 000 tonnes d’engrais nécessaires à la réussite de l’opération.
Le coût total de l’Initiative riz est estimé à 42,65 milliards de FCFA.
Dans les cercles des experts de l’agriculture, le scepticisme est quasi général sur la faisabilité de » l’Initiative Riz « .
Compte tenu de la non disponibilité des semences et des engrais, le Parena recommande au Gouvernement de différer le lancement de l’initiative riz à la saison 2009-2010. Ce qui laisserait le temps pour mieux préparer l’initiative, sensibiliser les producteurs et les bailleurs qui, pour l’instant, ne se bousculent pas pour soutenir l’initiative. Ainsi, nous éviterons au pays un énorme gâchis financier.
Enfin, nous appelons le Gouvernement à rester attentif à la question de l’augmentation de la production du mil qui est vraiment l’aliment de base des populations, plus que le riz.
5. Conclusion :
La crise du Nord, la crise scolaire, la flambée des prix des produits de première nécessité, la crise de trésorerie relèvent de faits avérés et interpellent fortement le Gouvernement.
Or aujourd’hui, nombreux sont les Maliens qui se demandent où est le Gouvernement, que fait-il ?
Ces différentes crises sont de nature à menacer la cohésion sociale, l’intégrité du territoire et la stabilité de l’Etat. La situation est mauvaise. Ceux qui prétendent le contraire ne prennent pas la juste mesure de la réalité. Il revient au président de la République, garant de l’unité nationale et de la continuité de l’Etat de prendre aujourd’hui et maintenant les mesures que la situation exige. Il doit agir pendant que la situation est encore contrôlable, car toutes les digues sont entrain de céder les unes après les autres.
Que Dieu bénisse le peuple malien! Amen !
Bamako, le 04 juin 2008
source:zenith bale