La présidentielle au Mali est prévue en juillet. La date n’est pas encore fixée mais tout le monde y pense. Notre invité ce matin est Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition malienne, fondateur de l’URD. Soumaïla Cissé, de passage à Paris, répond aux questions de RFI.
RFI : Soumaïla Cissé, qu’attendez-vous pour annoncer votre candidature à la présidentielle de cette année ?
Soumaïla Cissé : Je ne sais pas si c’est le moment. C’est, d’abord, trop tôt. Ensuite, nous sommes en train de travailler beaucoup plus pour un rassemblement des forces de l’opposition aujourd’hui. Et il est important que tous ceux qui s’opposent à la politique actuelle – qui, malheureusement, a échoué dans notre pays – se rassemblent, se concertent et arrivent à déterminer le meilleur profil pour une alternance nécessaire. Parce que, continuer dans le système actuel, c’est vraiment faire plonger le pays dans les abîmes. C’est pour cela que nous travaillons dans ce sens. Je crois que cela, c’est plus important que d’annoncer une candidature individuelle aujourd’hui.
Une candidature unique pour l’opposition dès le premier tour est-ce que c’est envisageable, selon vous, ou bien songez-vous plutôt à une alliance de second tour en faveur de celui qui est arrivé en tête au premier tour ?
Ce qui est sûr, c’est que c’est souhaitable. Nous allons faire un accord pour déjà dans un premier temps, nous rassembler, nous unir, faire un front très large. Et c’est cela qui est important. Après, nous allons continuer les négociations pour voir qui d’entre nous est le meilleur candidat, si nous arrivons à mettre un seul en place. Ce n’est pas une tâche facile – on ne va pas le cacher – mais c’est l’objectif ultime ; que nous ayons un candidat pour l’ensemble de l’opposition. Si nous n’y arrivons pas, ceux qui décideront d’y aller vont s’unir pour un désistement de second tour.
Est-ce qu’on a déjà des noms de personnalités de partis politiques qui sont déjà d’accord ?
Oui. J’en ai parlé, le président Amadou Thiam en a parlé, le président Tiébilé Dramé en a parlé, le président Modibo Sidibé en a parlé. On est un certain nombre, Soumana Sako en a parlé… Au-delà de nos propres personnes, nous sommes prêts – tous – au sacrifice pour cela.
Cela veut dire que vous parlez pour vous-même aussi ?
Je parle pour moi-même, bien sûr. J’ai toujours travaillé dans la vérité et je crois que je suis connu pour cela.
Vous avez des inquiétudes sur la tenue du scrutin en temps et en heure ?
Je crois qu’aujourd’hui il est indispensable que le message soit très clair. En tout cas c’est clair pour l’opposition, il n’y a pas de plan B. La seule solution, c’est qu’on aille aux élections. Je n’ai pas d’autre inquiétude. C’est la volonté politique. Ce qui a été possible en 2013 devrait pouvoir être possible en 2018.
Pourra-t-on organiser un scrutin dans le nord, dans le centre ?
Il faut organiser les élections partout dans le pays. Le président sortant s’y est engagé. Nous sommes disposés à accompagner tout le monde pour cela. Mais pour cela, il faut restaurer la sécurité. Il faut restaurer l’autorité de l’Etat. Nous devons être unis devant ces groupes et dégager une force suffisante pour leur faire face.
Vous dites : il faut ?
Oui, il faut. Il faut que le gouvernement fasse son travail. Nous sommes disposés…
Le fait-il ?
Le gouvernement ne le fait pas suffisamment. Nous avons fait une offre d’un dialogue – depuis quatre ans -, parler avec nos partenaires, parler avec l’ensemble des forces vives, pour remettre l’armée dans son métier. Et je pense honnêtement que si cela est, et que l’objectif est défini, accepté par tous, avec la volonté politique qu’il faut, nous allons réussir.
Le temps presse, il ne reste que quelques mois ?
Mais en quelques mois on peut faire tout si on veut. Aujourd’hui, l’ensemble des Maliens sont mobilisés pour ces élections. L’ensemble des Maliens sont convaincus aujourd’hui que sans ces élections nous allons à l’aventure.
Le Premier ministre l’a encore affirmé, les délais constitutionnels seront respectés, a-t-il dit. Un cadre de concertation sera mis en place avec l’opposition pour que ces élections soient crédibles ?
Vous savez, le Premier ministre a repris ce que nous avions déjà proposé. Il faut auditer le fichier électoral. Il faut sortir de ces fameuses 900 000 cartes Nina dont on ne sait pas où elles sont. Il faut sortir des instructions alambiquées, qui orientent les choses et qui permettent à l’administration d’organiser elle-même – et toute seule – les élections. Il faut donc beaucoup plus de transparence, impliquer beaucoup plus l’opposition et impliquer la société civile, pour que les élections soient des élections crédibles. Nous pensons que notre pays n’a pas besoin d’une deuxième crise après celle que nous connaissons aujourd’hui. Surtout pas des crises post-électorales. Ce serait grave. Nous prenons le Premier ministre au mot. Nous sommes disponibles et nous allons faire – nous -, notre part du travail.
Vous avez, semble-t-il, mis le chef de l’Etat en colère. Lors de ses vœux, Ibrahim Boubacar Keïta a déclaré : « On donne de l’argent au chef de file de l’opposition, mais il n’arrête pas de nous insulter, de dénigrer tous nos efforts. On n’a pas 500 millions à jeter par la fenêtre et il menace de changer la loi ». Qu’est-ce que vous lui répondez ?
Non, je ne veux pas rentrer dans la polémique avec le président de la République. Je lui dis seulement que sur le fond il a complètement tort. Le président sortant, aujourd’hui, est dans une situation désespérée. C’est pour cela qu’il s’énerve. On n’a pas besoin de s’énerver. La démocratie c’est d’accepter qu’il y ait une opposition et une majorité. Je crois que le président ne devrait pas s’attendre à nous acheter. Parce qu’en fait ses critiques consistent à dire : je vous ai donné de l’argent pour vous taire. Vous vous êtes battus, eh bien je vais couper. Franchement, si c’est cela, eh bien il n’a qu’à couper.
C’est vrai aussi que vous le critiquez beaucoup ?
Mais c’est mon rôle de critiquer l’action du gouvernement !
L’immobilisme… En ce moment ce sont les polémiques sur les surfacturations…
Je crois que ce n’est pas moi qui l’ai inventé. Le prix de l’avion, personne ne le connaît encore, les équipements militaires, les marchés surfacturés… Je crois que c’est de notoriété publique, que la surfacturation est réelle. C’est inacceptable ! Les gens nous aident, nous donnent de l’argent. Il y en a qui meurent pour nous ! Et notre gouvernement continue à faire des surfacturations. Notre gouvernement continue dans la corruption et dans le népotisme. Nous sommes obligés de dénoncer. Donc, franchement, ce montant n’est pas un cadeau fait pour nous. Et dans tous les cas, je suis prêt à lui céder la place très bientôt.
Par Carine Frenk
Source RFI
Source: Le Républicain