Le regroupement d’organisations de la société civile, de syndicats, d’associations islamiques, de partis politiques et de personnalités indépendantes, réunis au sein du regroupement des forces patriotiques pour le changement (RPC), a décidé de lancer un appel au peuple malien pour le changement de gouvernance. A cet effet, le RPC a organisé une conférence de presse, jeudi dernier, à la Maison de la presse.
Qui mieux que le technocrate Soumaïla Cissé, ancien ministre de l’Economie et des Finances, président de l’Union pour la République et la Démocratie (URD), deux fois candidat au deuxième tour de l’élection présidentielle de notre pays, peut parler de la conjoncture économique du Mali ? C’est à ce titre qu’il a laissé entendre, lors de la présentation du bilan des deux ans d’IBK, le 19 septembredernier : « Les populations subissent au quotidien la dégradation de leur pouvoir d’achat, de leurs conditions de vie impactées par le renchérissement des produits de première nécessité. A ces maux s’ajoutent la longue liste d’injustices et de frustrations vécues par les mêmes populations. Insécurité, marasme économique, risques majeurs de partition du pays, gabegie, corruption, népotisme, sont les maux qui frappent notre pays et constituent, à n’en pas douter, la marque de fabrique du régime IBK. »
Ce résumé fait par Soumaila Cissé décrit, selon lui, l’état d’esprit des populations en un seul mot : désillusion, « désillusion, a-t-il dit, pour les populations qui vivent depuis, en zone occupée notamment à Kidal, désillusion par rapport aux attentes des Maliennes et des Maliens de l’intérieur comme ceux de la diaspora. » A propos du développement économique et social, a souligné Soumaïla Cissé, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita s’est limité à mettre en avant les potentialités du pays dans le domaine agricole. Il a qualifié ces mots du chef de l’Etat : « Mon or au Mali c’est l’agriculture » de littérature de bas étage. Il a expliqué : « le grand commentaire fait par le régime sur le taux de 7,2% de croissance en 2014 est à relativiser, car il ne s’agit pas d’une performance particulière, car le taux de
croissance d’une année normale est toujours très élevé par rapport à une année précédente mauvaise ou de crise. De façon générale sur la période 2012-2014, le taux de croissance économique moyen a été de 3% contre un taux démographique
de 3,6% sur la même période. Indiscutablement, le taux affiché en 2014 est élevé mais pas extraordinaire. Il n’a pas infléchi le taux de pauvreté qui reste toujours de 46% en 2014. La vie reste toujours très chère et le chômage encore endémique.
Quid des 200 000 emplois promis aux jeunes lors de la campagne présidentielle?
Non seulement, le Président ne répond pas directement à la question ou du moins il y répond en disant qu’on fera plus tard le bilan et qu’en attendant, les jeunes devraient accepter de se former. Il ajoute que de toute façon, tout le monde ne peut
pas travailler dans les bureaux. L’URD note que les jeunes ne demandent qu’à travailler et affirme que dans un pays comme le nôtre, de nombreuses opportunités existent. »
Comme on peut le constater sur le plan économique, a-t-il ajouté, à part des incantations sur l’agriculture et l’affirmation d’un volontarisme verbal stérile, aucune perspective sérieuse n’a été esquissée. Tout cela, a-t-il soutenu, s’explique aisément par l’absence de leadership, de programme et de vision. Résultat : cacophonie gouvernementale, improvisation et faux coups d’éclat.
Le président de l’URD a fait savoir que pour pallier au sous-équipement des forces de défense et de sécurité, l’opposition propose, entre autres, de renoncer à certaines dépenses de prestige comme : la rénovation de la résidence des hôtes de la base aérienne à hauteur de 5 milliards de nos francs et le pavillon présidentiel de l’aéroport de Bamako à hauteur de 8 milliards. On ferait ainsi, a-t-il suggéré, une utilisation plus judicieuse de ces 13 milliards en plus des ressources déjà prévues pour la défense et la sécurité. Le rapport d’audit demandé par le FMI et déposé le 30 octobre 2014 par le Vérificateur, a rappelé le président de l’URD, conclut que l’achat des matériels pour l’armée a coûté en réalité 40 milliards au lieu de 69 milliards, soit une surfacturation de 29 milliards de francs CFA. Jusqu’à ce jour, a-t-il ajouté, aucun document ne justifie l’appartenance à l’Etat malien du second avion présidentiel qui, selon le Vérificateur Général, a coûté 18,59 milliards de FCFA. Soumaïla Cissé a martelé que ces scandales financiers sont devenus la marque de fabrique de l’administration IBK.
Concernant l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, il a indiqué que l’opposition l’avait dénoncé, car, porteur de risques majeurs pour l’unité et la stabilité du pays. Il a souligné : « Cet Accord signé sur fond de désaccord est le résultat d’un long processus de négociations qui s’est déroulé à l’extérieur du Mali, dans la capitale algérienne. »
Durant ce processus, a-t-il dit, ni la classe politique, ni même l’Assemblée Nationale n’ont été associées à une concertation pourtant réclamée plusieurs fois par l’Opposition autour de ces pourparlers d’intérêt national.
Selon lui, alors que cet accord est censé ramener la paix et la sécurité dans le pays, moins d’une semaine après son paraphe, le 6 mars 2015, la capitale malienne, jusque-là épargnée par les attentats, est frappée par une attaque terroriste sans précédent. Il a rappelé la série des récents attentats dans notre pays, les scandales financiers sur fonds de dilapidation de deniers publics, le népotisme au sommet de l’Etat, des accointances révélées par voie de presse avec un homme d’affaire corse au passé trouble, Michel Tomi, surnommé le parrain des parrains, la levée des mandats d’arrêts à l’encontre de membres de groupes armés insurgés, puis leur libération sans procès et le désaveu de la politique du président par son Premier ministre Oumar Tatam Ly.
S’exprimant toujours sur la désillusion des Maliens, Soumaïla Cissé a conclu par ces questions : Aujourd’hui le Mali est outragé, le Mali est brisé, le Mali est martyrisé. Où est donc le bonheur des Maliens ? Que devient alors l’honneur du Mali ? Et où va le Mali ? » Ces questions nous rappellent les mots prononcés par l’ancien président français, Charles de Gaulle, à la fin de la deuxième guerre mondiale, après la libération de Paris. De Gaulle avait toutefois ajouté : « Paris martyrisée, mais Paris libérée ! » A quand donc la libération de Kidal ?
B.D.
Source: Canard Déchainé