Les mouvements citoyens africains pour la justice sociale sont devenus limités à mesure qu’ils ont été incorporés au système corporato-capitaliste. En tant qu’activistes, ils n’ont plus de compte à rendre à ceux qu’ils sont supposés défendre ou à leurs camarades, parce qu’ils ne dépendent pas d’eux pour exister. Au lieu de cela, ils ont désormais des comptes à rendre principalement aux milliardaires philanthropes à travers leurs fondations publiques ou privées, puisqu’ils doivent leur prouver qu’ils sont toujours utiles et efficaces et donc dignes de continuer à être subventionnés.
En théorie, le financement par des fondations leur offre la possibilité de travailler — il est censé faciliter leur entreprise. Mais les subventions modèlent et dictent également leur travail en leur forçant à concevoir leurs communautés comme des victimes. Ils sont obligés de parler de leurs membres comme « désavantagés » et « en danger », et de mettre au premier plan ce qu’ils font pour leur éviter de tomber dans la déchéance même si, en substance, ce n’est pas comme ça qu’ils les voient ni la priorité de leur mission.
Quelles sont leurs priorités ? Le vrai problème réside peut-être dans le fait qu’ils ne passent pas assez de temps à imaginer ce qu’ils veulent et à travailler ensuite à alimenter cette vision. C’est l’un des moyens fondamentaux qu’utilise le système corporatocapitaliste pour les dompter ; il vole leurs temps et leur noie dans un océan d’obstacles administratifs, présenté comme un mal nécessaire pour garantir l’existence de leur mouvement. Ils sont trop occupés à leur entendre dire de leur vendre en maquillant la pauvreté de leurs communautés en propositions, à vendre leurs « résultats » en rapports et comptabilité pour leurs budgets dans des examens financiers.
En substance, les mouvements citoyens sont devenus des mini-corporations, parce qu’à un certain niveau, ils ont intégré l’idée que le pouvoir — la faculté de créer un changement — équivaut à l’argent.
Si les boulots des mouvements citoyens sont les seuls espaces où nos communautés sont impliquées dans le combat pour la justice sociale et dans la création d’alternatives aux systèmes d’oppression, alors nous ne serons plus jamais capables d’opérer un changement social radical.
Inna Maiga