Pendant que l’opposition guinéenne et le pouvoir en place s’affrontent dans une crise politique sans précédent, la fièvre électorale est montée d’un cran en début de semaine dernière. L’ex Capitaine, Moussa Dadis Camara est, en effet, sorti du silence dans lequel il s’était muré depuis son exil dans le pays des hommes intègres en annonçant sa candidature à la magistrature suprême sous les couleurs des Forces Patriotiques pour la Démocratie et le Développement (FPDD). Une candidature que les observateurs de la scène politique guinéenne voyaient venir de loin. Sa démission de l’Armée, le mois dernier, prouvait bel et bien qu’il avait des intentions politiques. La présidentielle d’octobre s’annonce donc dure. Il faut à tout prix éviter d’ajouter une crise à la crise.
Une crise politique, sans précédent, frappe en ce moment le pays frère de la Guinée Conakry. L’opposition guinéenne menée par le candidat malheureux à la présidentielle de 2010, Cellou Dalein Diallo ainsi que l’ancien Premier ministre Sidya Touré, exige la tenue des élections communales avant les présidentielles. Pour rappel, les communales guinéennes devraient être organisées depuis cinq ans. L’échéance d’octobre approchant à grand pas, l’opposition n’aura guère de choix que de s’inscrire dans le processus électoral. Pour elle, il est hors de question de voir le Pr. Alpha Condé gardé le fauteuil de président. De son côté, le camp présidentiel argue qu’il était très difficile d’organiser des communales avec des matériels électoraux vétustes, un fichier non à jour, le tout dans un contexte socioéconomique fragilisé par l’épidémie d’Ebola. Un argument qui ne tient pas la route selon les membres de l’opposition car, si l’Etat a pu organiser des législatives, il aurait pu tout aussi organiser les communales. Il s’agit ni plus ni moins que d’une manouvre politicienne da la part d’Alpha Condé pour se maintenir au pouvoir. Depuis plus de 4 ans, ce sont des délégations spéciales qui pilotent les mairies essentiellement dirigées par des membres du parti présidentiel, le RPG . Voilà toute la complexité de la crise politique guinéenne, sans oublier évidement, le clivage ethnique, malinko-peulh, les deux ethnies majoritaires de la Guinée-Conakry. Détenant, depuis de longues années, le pouvoir financier grâce à sa parfaite maitrise du commerce, une bonne partie des malinkés craignent que les peulhs déjà riches n’accèdent également au pouvoir politique. Quant aux peulhs, ils estiment qu’ils ont assez végété dans les couloirs obscurs du pouvoir et que leur temps est enfin arrivé. Une situation semblable à celle qui avait prévalue à un moment donné dans un autre pays voisin au Mali, la Côte d’Ivoire. Exclus de la gestion du pouvoir depuis des années par les tenants du concept de l’ivoirité, les dioulas qui sont les principaux argentiers du pays avaient finalement pris le pouvoir politique en plus de celui économique. Alassane Dramane Ouattara est le premier président dioula de la Côte d’Ivoire, originaire du nord du pays. Assistera-t-on un jour à un tel scénario en Guinée-Conakry ? Il est très probable que oui. Mais en attendant, les guinéens de tout bord ethnique ou politique doivent s’atteler à la bonne organisation des élections à venir.
Moussa Dadis Camara sera-t-il le challenger ou l’arbitre ?
Avec la candidature de l’ex Capitaine, démissionnaire de l’Armée, le moins que l’on puisse prévoir, c’est que la présidentielle d’octobre prochain sera rude et même très rude. Entre le Pr. Alpha Condé, président sortant qui défendra son bilan et le candidat de l’opposition, qui sera à coup sûr Cellou Dalein Diallo, le porte étendard des mécontents du régime, l’électeur guinéen aura l’embarras du choix. Les guinéens choisiront ils l’alternance ou le statu quo peulhs ?
Les sympathisants de Dadis sont toujours présents en Guinée. Mais feront-ils assez le poids face aux deux principaux candidats que sont Dalein Diallo et Alpha Kondé ? Très peu probable. Il faut dire que Dadis a perdu de sa superbe après ses sortis médiatiques fracassantes et ses coups d’éclats publics mais aussi et surtout depuis les massacres du stade du 28 septembre, en 2009. Ce dossier sombre est toujours sur la table de la Justice internationale. Dadis est donc toujours « poursuivable ». Chose qui va considérablement le freiner dans son élan politique. Par contre, il peut tenter un jeu de ralliement au profit d’un des deux poids lourds. Dans ce cas de figure, il est fort probable que son électorat fasse pencher la balance d’un côté comme de l’autre.
Quel choix va-t-il donc faire ? Va-t-il jouer sur la corde sensible de l’ethnicité en choisissant le Professeur Condé ou fera-t-il le choix de l’alternance en optant pour Dalein ? L’avenir nous en édifiera….
Ahmed M. Thiam
source : Inf@sept