Fort d’environ 400 établissements seulement dans la capitale, Bamako, le secteur hôtelier malien cherche un second souffle pour juguler les effets de la crise. Pour profiter de ses énormes potentialités de développement, il doit d’abord s’adapter, en attendant une amélioration conséquente de la situation. Une politique plus attractive en direction de la clientèle, et surtout un assainissement du secteur, sont indispensables à sa relance.
« Nous essayons de survivre. C’est vrai que la crise est générale, mais le secteur le plus touché est celui de l’hôtellerie, parce que les seuls clients que nous recevons actuellement viennent dans le cadre de rencontres professionnelles. Parce que le tourisme est mort, alors que c’est lui la force de l’hôtellerie », déplore M. Filifing Coulibaly, le responsable de la réception à l’hôtel de l’Amitié.
Cette clientèle réduite est donc partagée entre les différents établissements, ce qui diminue considérablement les marges. L’hébergement constituant la principale activité de ces structures, la rareté des clients est la première contrainte à laquelle doivent faire face les acteurs. Souvent réduites à acquitter principalement les charges de l’électricité ou le paiement des impôts, les recettes couvrent difficilement les salaires, car les banquiers sont de plus en plus réticents à « faire confiance », ajoute M. Coulibaly.
Toutes les activités étant liées dans le secteur, les rencontres au plan international, qui justifiaient aussi l’arrivée d’étrangers, sont rares et donc ne peuvent plus combler le vide laissé par le flux touristique en déclin. Restent alors les séminaires au plan national, qui sont insuffisants pour rentabiliser les investissements, surtout que, de plus en plus, ces rencontres, organisées par l’État ou les ONG, le sont par leurs propres structures d’hébergement. Avec donc peu d’options pour se diversifier, l’hôtel se contente de l’organisation de cérémonies privées, de mariages ou autres, « qui rapportent aussi un peu d’argent ».
Même si « chacun a sa clientèle », les hôtels de standing inférieur ne souffrent pas moins de la situation. En effet, c’est à l’occasion des « activités internationales », qu’une partie des délégations, pour amoindrir leurs charges, partent loger dans ces établissements. Mais « le sort » de ces résidences peut être différent, en fonction de leurs charges fixes. Car, avec peu de personnel, elles peuvent user d’astuces pour réduire leurs coûts, notamment avec la possibilité de fermer certaines parties des bâtiments, ce qui réduit les coûts en termes de consommation de produits ou d’électricité.
L’autre aléa du secteur « est la concurrence déloyale », dénonce M. Toumani Sidibé, le Directeur commercial de l’hôtel Radisson Blu de Bamako. Ainsi, l’installation de restaurant dans le même rayon que certains grands hôtels est « une perte pour l’État, qui gagne plus avec les hôtels ». Décriée depuis longtemps, l’existence d’appartements meublés, qui jouent le même rôle que les hôtels mais ne satisfont pas aux conditions d’exercice du métier, est aussi un phénomène désormais pris en compte par les autorités, qui préoccupe aussi les acteurs.
Attirer la clientèle locale
La décision de déconseiller la destination Mali a porté un coup sérieux à l’activité d’un établissement comme le Radisson Blu Bamako, dont la « clientèle est à 90% une clientèle d’affaires », reconnaît le Directeur commercial de l’hôtel. Mais il est possible de développer d’autres opportunités qui pourraient être rentables, même si ce n’est pas au même rythme que lorsqu’il y a une grande affluence, ajoute t-il.
C’est pourquoi, au-delà de l’hébergement, l’hôtel développe plusieurs stratégies, à l’instar d’autres acteurs. Ainsi, ceux qui viennent à l’hôtel soit pour l’hébergement, soit pour l’organisation d’une activité, sont encouragés à y revenir, grâce à l’instauration d’un système de bonus permettant de bénéficier plus tard d’une prestation gratuite.
Pour attirer davantage la clientèle locale, et s’adapter à ses réalités, l’hôtel propose des packages les week end, avec un ensemble de services offerts à ceux qui souhaitent « changer d’atmosphère et oublier le stress de la semaine ». Des animations sont prévues, également destinées à booster la fréquentation de l’hôtel par le public local. Des ruptures de jeûne durant le mois de carême font aussi partie des attentions envers le public. Un service bien-être, avec notamment un spa, est aussi en promotion en cette période de fin d’année. Cette « période creuse » pour les établissements hôteliers est une occasion mise à profit pour « baisser les prix » et se rapprocher davantage des clients locaux. L’hôtel propose donc la participation à une fête, moyennant le paiement d’une somme de 50 000 francs CFA, comprenant le dîner et la prestation d’artistes, et même des surprises aux 40 premiers couples qui réserveront.
Au nombre des initiatives destinées à appuyer sa « politique de proximité », le Radisson Blu a mis en place tous les jeudis un buffet « typiquement africain » et le vendredi une promotion sur des produits de restauration.
L’hôtel, qui s’inscrit dans une dynamique résolument positive, souhaite investir dans de nombreux domaines pour agrandir ses espaces de vente et même sa capacité d’accueil. Le but de ces actions est de s’adapter au consommateur moyen, à travers une communication efficiente, qui prendra en compte les aspirations du public.
L’accompagnement des acteurs, notamment dans le domaine de la formation, est un engagement pour renforcer les capacités dans un « secteur porteur » et « un pays en construction ».
C’est pourquoi, les « les perspectives sont bonnes ». M. Sidibé fonde beaucoup d’espoirs sur le dialogue amorcé depuis quelques jours, qui « portera fruit » et permettra d’atteindre les objectifs fixés. La condition pour le retour de la confiance et de la stabilité est une expression sincère des problèmes et un « pardon », pour remettre « les gens au travail ».
Ce climat sécurisé et serein fera aussi revenir les activités et lorsque « cela bougera dans un secteur, ce sera aussi dans tous les autres », poursuit M. Sidibé.
Perspectives positives
Chargée entre autres de l’élaboration de la politique d’hébergement, de fournir les informations touristiques et de nouer des partenariats avec des pays de la sous-région ou d’ailleurs, la Direction nationale du Tourisme et de l’hôtellerie œuvre aux côtés des acteurs afin de dynamiser un secteur au potentiel économique important. Participant notamment au renforcement des capacités de l’administration et des opérateurs intervenant dans le domaine, elle s’emploie actuellement à développer une « offensive » en direction des Maliens. Afin que ces derniers soient les premiers utilisateurs des établissements touristiques, malheureusement ciblés par des actions qui ont « fait peur » aux visiteurs.
Pour rendre ces actions efficaces et assainir le secteur, les autorités ont adopté le décret 2019-0137, inscrivant désormais les appartements meublés au nombre des établissements de tourisme. Ces structures, qui accomplissaient les mêmes fonctions que les hôtels, échappaient auparavant à tout contrôle, faisant ainsi une concurrence déloyale aux structures légalement constituées. Désormais, elles devront être agréées pour devenir des établissements de tourisme et obéir aux mêmes règles que les établissements hôteliers.
Un pas important, mais pas suffisant pour faire renaître le secteur. Intimement liée au secteur du tourisme, la relance de l’hôtellerie est envisagée dans la politique de promotion du tourisme national que les autorités s’emploient à développer.
Des études pour analyser les contraintes de ce domaine d’activités sont aussi entreprises pour répondre aux besoins du public en la matière. Puisque les réticences relevées « sont d’ordre culturel », une campagne accrue de sensibilisation est envisagée pour faire évoluer les mentalités et faire adopter par les Maliens les établissements touristiques nationaux.
Fatoumata Maguiraga
Journal du mali