Des chercheurs africains réunis cette semaine en marge du Next Einstein Forum (NEF), à Kigali, ont convenu que l’approche de la recherche fondamentale, désormais recommandée aux centres universitaires de recherche dans le domaine de la santé, permettra à ces institutions de mieux placer les bases essentielles des maladies pour atteindre des cibles thérapeutiques.
La recherche fondamentale consiste en des travaux entrepris principalement en vue d’acquérir de nouvelles connaissances sur les fondements des phénomènes et des faits observables, sans qu’ils aient comme objectif une application particulière.
Les experts ont notamment déploré que malgré les efforts budgétaires consentis par des Etats africains aux maigres ressources, dans le sens d’appuyer le secteur de la recherche dans différents domaines de la vie socio-économique tels que la santé, la situation actuelle exige encore plus d’efforts soutenus invitant la recherche fondamentale à s’engager davantage.
“Les gouvernements africains doivent développer des politiques qui favorisent la recherche fondamentale et particulièrement mobiliser des ressources pour des centres de recherche qui ont pour but la fabrication des médicaments, à court et à long terme.”
Ruwa Matsik
D’après Yves Mugabo, chercheur postdoctoral d’origine rwandaise au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal au Canada, il est indispensable aujourd’hui que les chercheurs africains soient en mesure d’étudier et de développer au sein de leurs propres laboratoires l’utilisation des biotechnologies pour la fabrication des médicaments.
“Certes, ces efforts doivent être accompagnés par d’autres initiatives visant à renforcer les capacités scientifiques sur tout le continent, lesquelles initiatives relèvent de la responsabilité des pouvoirs publics”, a déclaré Yves Mugabo dans un entretien avec SciDev.Net.
Selon les statistiques officielles de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Afrique représente actuellement au moins 15 % de la population mondiale et supporte 25 % du fardeau mondial des maladies, alors que le continent ne produit qu’environ 2 % des travaux de recherche dans le monde.
Tandis que la recherche fondamentale reste aux yeux des experts, une étape obligatoire pour la fabrication d’un médicament, la plupart des participants au NEF à Kigali ont déploré que jusqu’ici la plupart des pays africains ne fassent recours qu’à la recherche appliquée, souvent menée par des laboratoires publics et pharmaceutiques.
Lors de différentes interventions, les chercheurs ont estimé que l’Afrique est aujourd’hui confrontée au défi critique de sa population qui continue de croître à un rythme rapide, alors que des ressources mises en place pour promouvoir la recherche fondamentale en vue de combattre les maladies et préserver la santé de cette population restent limitées.
Il a été démontré que même si environ 60 % des pays de l’Afrique sub-saharienne ont augmenté leurs investissements récents dans la science, encore une grande majorité de ces pays investissent toujours moins de 0,5 % de leur PIB dans la recherche – un pourcentage largement inférieur à la cible mondiale de 1 %.
Les gouvernements, en partenariat avec les industries locales, consacrent un budget significatif à la recherche appliquée, plus rapidement productive, alors que la recherche fondamentale reste négligée, faute de ressources.
Plusieurs chercheurs dans le domaine de la santé réunis à Kigali en marge du NEF 2018 sont persuadés que le recours à la recherche fondamentale par des universités africaines, ainsi qu’une étroite collaboration avec des établissements d’ailleurs dotés de laboratoires sophistiqués, permettra aux pays africains de surmonter les plus grands défis en matière de santé et de développement.
Il y a un besoin, selon, les spécialistes, d’étendre la recherche fondamentale aux autres branches de la médecine, comme par exemple la cancérologie.
“Les gouvernements africains doivent développer des politiques qui favorisent la recherche fondamentale et particulièrement mobiliser des ressources pour des centres de recherche qui ont pour but la fabrication des médicaments, à court et à long terme”, a déclaré Ruwa Matsika, une scientifique à “Global Change Institute”, un think tank influent basé à l’Université sud-africaine de Witwatersrand.
Alors que les chercheurs africains sont mobilisés plus que jamais à opérer un changement de paradigme pour les sciences, des participants au forum de Kigali ont estimé que pour certains pays africains confrontés à un contexte économique difficile, la tentation reste encore grande de réduire les moyens attribués à la recherche appliquée.
“Des investissements dans la recherche fondamentale restent absolument énormes à court et à long terme […], mais les gouvernements africains ont besoin de s’y mettre et de prendre ce risque pour le bien-être de leur population”, a déclaré un chercheur kenyan participant aux travaux.