On enregistre entre 5000 et 6000 naissances drépanocytaires par an au Mali. Où 50% des enfants drépanocytaires parmi ceux qui n’accèdent pas à des soins spécifiques, mourraient avant l’âge de 5 ans. La situation n’était pas plus reluisante chez les adultes, au point de déclarer la drépanocytose comme une priorité de santé publique au Mali. Mais depuis l’avènement du Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose (Crld) en 2009, les malades sont soulagés, et mieux, le taux de mortalité (des cas enregistrés au Centre) a baissé jusqu’à 2%. Reportage sur un Centre qui, depuis sa création, a réalisé d’excellents résultats dans la prise en charge des malades et la lutte contre une pandémie de plus en plus maîtrisée au Mali.
Le Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose (Crld) a tenu, le mercredi 20 février dernier, la 17ème session ordinaire de son Conseil d’administration. Un évènement qui a eu lieu en présence du conseiller technique du ministère en charge de la Santé, Dr Sékou O Dembélé, du directeur général du Crld, Pr. Dapa Diallo, ainsi que l’ensemble des administrateurs. Au menu de cette session, l’état du bilan des activités du Centre en 2018 et l’analyse du projet de budget pour l’exercice 2019…
Maladie héréditaire du sang due à la présence d’une hémoglobine anormale, et caractérisée par une anémie et par des globules rouges en forme de faucille, la drépanocytose sévissait au Mali avec des proportions inquiétantes. La délivrance ( !) a sonné depuis l’implantation à partir de 2009, sur les hauteurs de la colline du Point G, à quelques encablures de la Faculté de médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie du Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose.
Bâti sur une superficie de 1200 m2, avec des installations modernes, des équipements de dernière génération et un plateau technique compétitif, le Crld fait partie des investissements qui valorisent l’image du Mali à l’extérieur.
Pour tous les visiteurs, usagers et passants, le Centre retient incontestablement l’attention par les mouvements de va-et-vient des patients qui viennent pour des consultations. Femmes, enfants, adultes, tout y passe.
Faute d’une structure spécialisée de prise en charge, beaucoup de patients étaient contraints de vivre avec la maladie, dans la plus grande intimité des familles. Car, la prise en charge de la maladie se faisait selon des schémas qui diffèrent d’une équipe à l’autre. Au Mali, en effet, selon les statistiques, ce sont entre 5000 et 6 000 naissances drépanocytaires qui sont enregistrées chaque année. Un poids social qui a interpellé la conscience des décideurs et motivé la volonté politique d’aller vers l’implantation d’un outil spécialisé.
La création d’un centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose est l’aboutissement de ce processus. Institué par la loi n°08-046 AN-RM du 22 décembre 2008, le Crld est un Etablissement public à caractère scientifique, ayant pour objectif d’améliorer les conditions de prise en charge des malades et de contenir le taux de mortalité. La structure comprend quatre départements : administratif ; de recherche et de formation ; médicale, et de communication et de documentation. Et fonctionne avec un effectif d’une cinquantaine agents dont 3 enseignants chercheurs, un Assistant de recherche et un expert technique international mis à disposition par la coopération française.
Fiabilité des consultations
Avant la création du centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose, la situation était alarmante. Le directeur général du centre, Pr. Dapa Diallo, se souvient que «les malades ne se consultaient qu’en cas de complication». D’où une mortalité lourde et précoce. Car, il y a quelques années, un enfant drépanocytaire sur deux, soit 50% de ceux qui n’accèdent pas à des soins spécifiques, mourrait avant l’âge de 5 ans. Avec l’avènement du centre, la tendance a été nettement inversée, grâce à une politique basée sur «l’équité dans l’accès aux soins», une approche privilégiant des schémas de prise en charge validés par la communauté scientifique internationale.
Un autre facteur qui a contribué à la baisse de la mortalité drépanocytaire résiderait dans le fait qu’avec l’institution d’un centre de prise en charge, la plupart des malades consultent, même en l’absence de complications aiguës. Beaucoup de patients fréquentent assidument le centre pour des consultations qui rentrent dans le cadre d’«un suivi régulier qu’ils effectuent dans un but purement préventif».
La fiabilité des consultations, l’existence d’un plateau technique relevé, et la présence d’un personnel qualifié expérimenté sont autant de facteurs qui incitent les malades à se faire inscrire au niveau du centre pour un suivi régulier de leur état.
Ainsi, en 2018, le Crld a enregistré 1315 nouveaux drépanocytaires. Avec une cohorte d’environ 10.819 drépanocytaires…
« Dans le cadre de sa mission d’appui à la décentralisation de la lutte contre la lutte drépanocytose au Mali, le Centre a formé pour le compte du CHR de Sikasso, un médecin radiologue à la pratique du DTC, un technicien de laboratoire et un technicien supérieur de santé à l’organisation des soins drépanocytaires ainsi qu’à la prise en charge des complications de la drépanocytose », affirme Pr Dapa Diallo.
Pour le compte de la région de Kayes ? Pr Diallo a indiqué que le Centre a formé 37 médecins libéraux et communautaires et conduit les missions de suivi/évaluation des activités de l’Unité de compétence de la drépanocytose, et de dépistage néonatal de la drépanocytose à l’hôpital Fousseyni Daou de Kayes».
Centre pilote à la pointe de la technologie
Le Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose du Point G bénéficie de l’appui technique et financier de plusieurs partenaires, en Afrique, en Europe et à travers le monde. Il est considéré comme l’une des meilleures structures dans son domaine, dans la sous-région et même en Afrique. Le Crld est le tout premier à avoir vu le jour dans la sous-région, après que la drépanocytose ait été officiellement déclarée comme une priorité de santé publique. Les malades y bénéficient de meilleures conditions de prise en charge et de traitement grâce à la modernité de ses installations et un équipement à la pointe de la technologie. Le Centre constitue aujourd’hui une attraction et les malades affluents d’un peu partout : Côte d’Ivoire, Guinée, Mauritanie, Sénégal. Mieux, dans le cadre d’une collaboration nouée avec la France et les Etats-Unis, les milieux sanitaires de ces deux pays (non africains), réfèrent des patients pour une prise en charge au niveau du Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose du Point G dont l’expertise est avérée. Le Centre tire l’une de ses forces de ses partenariats, avec notamment la coopération française, la Fondation Pierre Fabre et la Principauté de Monaco. Il travaille aussi étroitement avec plusieurs services et hôpitaux, tels que l’unité Inserm 970 de l’Hôpital Pompidou de Paris et le Centre de référence pour la drépanocytose de l’hôpital Henri Mondor en France, les services d’hématologie de Dakar et d’Abidjan, le service de pédiatrie de St Louis du Sénégal, les services d’hématologie et de cardiologie de Yaoundé au Cameroun, le CIRMF de Franceville au Gabon, l’hôpital pédiatrique de Philadelphie, le département des sciences biomédicales de Rochester aux USA.
Les soins d’abord, l’argent après
Les prestations du Crld (outre les activités de recherche, de formation, d’information et d’éducation) qui consistent en des consultations programmées (pour détecter tôt ou prévenir les complications) ou non programmées. Les cas non programmés concernent les malades en situation de complication aiguë. Ces complications, selon le directeur général, sont prises en charge en hospitalisation tous les jours ouvrables (de 7h30 à 16h00) et pendant les gardes d’astreinte, les samedis et jours fériés de 7h30 à 13h00. Mais le Crld a une particularité sur laquelle son premier responsable insiste: «le malade accède aux soins selon un forfait qui est payé à tempérament après l’administration de ceux-ci». Cela veut dire que, contrairement à une certaine pratique dans plusieurs de nos structures sanitaires, au Crld les prestations sont payées après que le malade ait reçu ses soins. Et le personnel respecte scrupuleusement cette règle ; un personnel formé à l’accueil du malade et à la prise en charge des complications drépanocytaires. Parmi ses acquis, le Centre a formé plusieurs de directeurs d’école, des médecins de campagne et des agents relais de communication sur la drépanocytose. Alors, drépanocytaires du Mali et d’ailleurs, ayez le réflexe Crld.
Mais à côté de ce tableau luisant, le Centre de lutte contre la drépanocytose traverse aujourd’hui de sérieux problèmes. Ils sont pour noms : grandes affluences, manque d’équipements et de moyens… Ces problèmes constituent une grande menace pour l’avenir même de ce joyau. C’est pourquoi le Crld a urgemment besoin d’appui afin qu’il puisse continuer à soulager des milliers de malades.
Mohamed Sylla
Source: L’ Aube