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Sahel: Quelle stratégie antidjihadiste après Barkhane?

La force Barkhane s’est retirée du Mali dans un contexte de rupture des relations diplomatiques entre Paris et Bamako et de progrès de l’influence russe dans le pays. Quelle nouvelle stratégie face au djihadisme sahélien, qui s’étend vers le sud ?

La fuite du temps dans un coin perdu du globe. L’attente veine d’une victoire décisive sur un ennemi invisible. Les activités routinières de surveillance et de maintenance du matériel militaire… Ainsi s’écoulent les heures, les jours et les mois à Gao, tête de pont, au nord-est du Mali, de la lutte contre le djihadisme sahélien. L’atmosphère au sein du camp que se partageaient les casques bleus et les soldats du dispositif Barkhane n’est pas sans rappeler celle du Désert des Tartares, le roman de Dino Buzzati, allégorie de la condition humaine face à l’absurde. Nous avions pu nous rendre sur place en juin 2018, époque où le Mali était devenu la principale zone d’opérations de l’armée belge à l’étranger.

Fin juillet, les djihadistes ont réussi un coup d’éclat en attaquant le camp de Kati, ville de garnison située aux portes de Bamako et au cœur du pouvoir malien.

Il fallait deux bonnes heures de vol pour parcourir, en C-130 Hercules, les 1 200 kilomètres qui séparent Bamako, la capitale, de Gao, carrefour de la contrebande, des migrants et de la drogue. Nous avions dû effectuer le trajet entre la piste de latérite de l’aéroport local et la base en camion blindé spécial, doté d’un habitacle surélevé conçu pour résister à l’explosion d’une mine. Dans la région, de nombreux soldats de la paix ont perdu la vie au passage de leur véhicule sur un engin explosif improvisé (EEI), l’une des armes de prédilection des djihadistes. La plupart des militaires sont confinés dans l’enceinte du camp ultrasécurisé. Les sorties sont limitées aux patrouilles, aux missions de reconnaissance ou de sauvetage.

La fin d’une époque

Et voilà qu’une page de la lutte contre le djihadisme au Sahel se tourne: neuf ans après avoir été accueillis en sauveurs face aux groupes armés islamistes, les militaires de la force Barkhane sont partis du Mali. La France a été poussée vers la sortie par une junte malienne hostile. Le 15 août, le dernier détachement français encore présent sur le sol malien a quitté le camp de Gao pour se rendre au Niger voisin. Il a fallu sécuriser les convois et surveiller les activités des groupes armés. A ainsi été capturé un haut responsable de l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS), organisation salafiste surtout active dans la «zone des trois frontières» (sud-est de la partie nord du Mali, sud-ouest du Niger et nord du Burkina Faso).

Zones d’opérations des groupes armés au Sahel
Zones d’opérations des groupes armés au Sahel © SOURCES: ECFR.EU, MINUSMA, BARKHANE

Au lendemain de ce retrait, l’Allemagne, important contributeur de la Minusma, la mission onusienne toujours présente au Mali, a signalé la présence de «forces russes en uniforme» à Gao. Pour soutenir leur armée face aux djihadistes, les autorités maliennes ont fait appel à ce qu’elles présentent comme des «instructeurs» venus de Russie. En six mois, un peu plus d’un millier de paramilitaires du groupe privé russe Wagner se sont déployés au Mali. Ces mercenaires ont promis des résultats rapides. Fin mars, dans le centre du pays, ils ont fait, avec les troupes maliennes, deux cents à quatre cents prisonniers, exécutés dans la foulée. La plupart de ces «djihadistes» seraient en réalité des civils, accuse l’ONG Human Rights Watch. En juin, les hommes de Wagner ont protesté contre le non-paiement de leur salaire, que Bamako ne leur versait plus depuis avril. Le code minier malien a été adapté pour que les Russes puissent exploiter trois mines d’or, assure le général Laurent Michon, commandant de Barkhane, qui qualifie la firme Wagner d’entreprise de «prédation».

Lire aussi | Afrique: comment le groupe Wagner, l’armée secrète de Poutine, s’implante au Mali https://www.levif.be/international/afrique-larmee-secrete-de-poutine-au-mali/

Désinformation agressive

Côté malien, le régime accuse la France de «collecter des renseignements au profit des groupes terroristes» opérant au Sahel et de «leur larguer des armes et des munitions». Bamako a saisi le Conseil de sécurité de l’ONU, affirmant avoir des preuves, qui n’ont pas été fournies. Comme en Ukraine, la guerre de la désinformation est intense au Mali. Selon certaines sources diplomatiques, la stratégie de communication des colonels putschistes a pour moteurs le populisme nationaliste malien et la propagande russe, qui recourt aux polémiques pour tenter de discréditer l’adversaire. L’Elysée et la diplomatie française dénoncent la «multiplication des manipulations de l’information» et ne cachent pas leur écœurement: en neuf années de présence au Sahel, l’armée française y a perdu 59 militaires.

Si la France s’est retirée du Mali, elle maintient une présence militaire dans la bande sahélo-saharienne. Un millier de ses 2 300 soldats sont déployés au Niger, d’où sont conduites les opérations aériennes. Les autres sont positionnés au Tchad, où se trouve le commandement de Barkhane, et au Burkina Faso, où est situé le QG de la task force Sabre, unité des forces spéciales. La philosophie des interventions a évolué: les militaires français n’agissent plus seuls, mais en appui des troupes africaines et en fonction de leurs demandes.

Djihadistes aux portes de Bamako

Cette présence militaire répond à la dégradation de la situation sécuritaire. Les groupes islamistes armés ne disposent pas d’un sanctuaire au Sahel, mais ils étendent désormais leurs actions sanglantes jusqu’à la partie nord des pays du golfe de Guinée. La menace djihadiste atteint la Côte d’Ivoire, le Bénin et, dans une moindre mesure, le Togo et le Ghana.

Fin juillet, au Mali, les djihadistes ont réussi un coup d’éclat en attaquant le camp de Kati, ville de garnison située aux portes de Bamako et au cœur du pouvoir malien: le colonel Assimi Goïta, président de la transition, y réside, de même que son ministre de la Défense, le colonel Sadio Camara, l’homme de Moscou au Mali. L’opération a été revendiquée par la katiba Macina, l’une des composantes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affiliée à Al-Qaeda. Elle a été précédée par six attaques quasi simultanées dans les régions de Ségou, Mopti (centre du pays) et Bamako. Un sérieux avertissement pour la junte, qui pensait pouvoir s’en remettre à la Russie pour endiguer la vague djihadiste.

Source: levif
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