Pour l’heure, la bataille entre le oui et le non bat son plein à travers la capitale malienne. La veillée d’arme. Première du genre depuis le vote de la Constitution de février 1992, la révision constitutionnelle en cours est à l’initiative du chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Kéita. La loi fondamentale malienne n’avait plus ce caractère impersonnel qui doit la caractériser. C’est avec un soulagement certain que des Maliens ont accueilli l’annonce de cette révision, surtout au sein de la majorité présidentielle. Toutefois, la fin de son premier mandat exacerbe les enjeux de cette réforme.
Les fléchettes aux dards empoisonnés lancés ces derniers jours entre cadres de la majorité et de l’opposition indiquent la radicalisation des positions.
Ce référendum prévu pour le 9 juillet prochain pourrait prendre l’allure d’une campagne assez mouvementée. Si tous les partis politiques de la majorité présidentielle appellent tous à voter le texte, l’opposition par contre ne veut pas de cette révision. Des consignes sont distillées en ce moment dans les ‘’grins’’, une fois la nuit tombée. L’un des enjeux que renferme ce référendum sera l’unanimité des voix des partis politiques. Il pourrait, au regard de l’enjeu de positionnement individuel, se transformer en regroupement autour de personnes. Avec des partis divisés, les voix en seront de même. Là où le RPM dit soutenir la proposition de révision constitutionnelle, il faudrait compter avec son opposition interne dirigée par les irréductibles de l’URD pour lui opposer le « non ». Du coup, les politiciens feraient campagne avec en esprit, la recherche de la personnalité la mieux placée ou à placer en pôle position pour la présidence du Sénat. Toute chose qui favoriserait de nouvelles alliances politiques, plus entre individus qu’entre partis politiques. Le but, inviter certes au vote du texte de révision constitutionnelle, mais en ayant la tête la présidence du Sénat. Les jeux sont ouverts !
Enjeu politique national et local
La coalition au pouvoir, la CMP (Coordination des partis de la majorité présidentielle) pourrait pâtir de la bataille référendaire. Les cadres de la coalition n’ont pas la même lecture sur l’avenir. Pour certains, il est question de tailler le manteau du successeur d’IBK. L’équation sera à n’en point douter très difficile pour certains barons des formations politiques, qui doivent faire face à la grogne des militants à la base. Comment manœuvrer dans un nid d’ambitions afin de préserver l’unité nationale et la fragile cohésion sociale ? Voici la grande équation. Du choix du président du Sénat autour duquel les passions se cristalliseront, se dessinerait les options politiques d’avenir dans les régions. Les enjeux sont multidimensionnels. La bataille de générations sera sur la piste de cette salsa politique.
Le texte qui sera soumis au vote des Maliens devrait dégager plus de clarté. La création du Sénat qui est la nouveauté serait-il une récompense (encore) pour un parti ou pour un individu ? Les Maliens, suivant en cela le Président Barack Obama, voudraient des institutions fortes plutôt que des hommes forts. Cette réforme doit être l’occasion pour le peuple malien de redéfinir son régime politique et la forme de l’Etat. La recherche de la paix par le Président IBK, tout en se refusant aux contorsions politiques, n’augure rien de bon pour l’opposition. Celle-ci joue son avenir, empêtré dans des divergences internes autour de leur l’avenir.
Le taux de participation, la grande inconnue
De toute élection, le taux de participation est le véritable baromètre de l’acceptation ou non par le peuple de l’initiative du scrutin. L’élection législative de 2013 a révélé que les Maliens, désabusés par ce qu’ils estiment être une non-tenue des engagements politiques à leur égard ou une victoire certaine du parti au pouvoir, ne se sont pas bousculés devant les bureaux de vote. Il est une habitude bien malienne que les élections qui suivent la présidentielle ne bénéficie pas du même engouement. Dans le cas d’espèce, il s’agira de faire comprendre au peuple, à se reconnaître dans la loi fondamentale. Pas toujours facile pour un peuple en majorité analphabète. En ville comme dans les hameaux les plus reculés, le taux d’appropriation de cette initiative restera le grand défi à relever.
Paul N’GUESSAN
Le Prétoire