Pour la fête du 31 décembre, d’ordinaire, les groupes de jeunes (pas que !) s’organisent en cotisant pour mettre un mouton au four. D’autres optent pour la volaille.
La demande est généralement supérieure à l’offre. Mais cette année, les affaires n’ont pas marché pour Abdou qui a pourtant une bonne réputation pour la qualité de sa viande grillée.
Dans une servitude des rails au Badialan, le professionnel de la viande grillée a installé un hangar en tôles sous lequel quelques vieilles tables et des bancs usés servent à recevoir les clients. Les inconditionnels ont même pris l’habitude de consommer les généreux morceaux de viande qu’il sert dans des assiettes plastiques au bord de la route pendant que son assistant fait du thé infusé.
Au lendemain du réveillon, le tenancier de la «dibiterie» n’est pas au meilleur de sa forme. Quelques côtelettes d’agneau côtoient sur la grille deux ou trois gros morceaux de viande fumante. Le thé est déjà engagé même si le moral est au talon. Rien à voir ! Qu’il pleuve ou qu’il neige, le bouillon est obligatoire ici. C’est presqu’un rituel. Une assiette déformée, trois tasses en verre et deux théières de différents volumes plus un fourneau rempli de braises ardentes, tout est en place. Abdou, le patron du commerce, est assisté de deux jeunes cousins.
L’un s’occupe de la viande et l’autre des clients. «Vraiment, je n’ai rien compris de ce qui s’est passé ce 31 là. D’habitude, nous refusons les commandes de moutons rôtis. Cette année, pas une seule commande», regrette le «dibitier» en maniant son couteau entre les côtelettes qu’il doit servir à un client. «Ah, on ne peut s’en prendre à personne. Cette situation est consécutive à l’état du pays», ajoute-t-il.
Les promoteurs de pressing, eux, n’ont pas chômé. La plupart d’entre eux se sont opposés à l’idée de parler de leurs chiffres d’affaire. Raphaël, un réfugié congolais, n’a aucune objection à dire qu’il a encaissé plus de 300.000 Fcfa au compte de son entreprise de nettoyage de linge à l’ACI 2000. Les boutiques de prêt-à-porter se sont également frottées les mains. «Dieu merci. Nous avons vendu mais, sans atteindre le niveau des années antérieures», indique un commerçant de vestes cousues en Turquie et en Chine.
Abdou se console du simple fait que les plus réputés des «dibitiers» comme «One Cluze» et «Apolo» n’ont pas connu les succès auxquels ils sont habitués. «Il paraît qu’eux aussi n’ont pas fait de bonnes affaires», dit Abdou. L’argument de la pauvreté qu’il met en avant vaut également pour les transporteurs. Un chauffeur de taxi croisé au sens giratoire du Cinéma Babemba est d’avis que l’argent se fait rare à Bamako. Est-ce parce que tous les salaires ne sont pas virés à temps dans les comptes bancaires ? Un fonctionnaire de l’État le confirme sans la moindre réserve. Pensant que son salaire a été viré dans son compte, il se précipita au guichet automatique de sa banque. Mais la machine lui fit savoir que son solde était insuffisant pour le montant demandé.
À travers la capitale, la circulation était plus fluide après le réveillon. Pour cette année, on peut dire que les agents de sécurité et les sapeurs pompiers ont fait un travail remarquable. Ils ont investi les grandes artères et les points chauds de la ville.
Les alentours des établissements de loisirs étaient sous haute surveillance. Les patrouilles ont sillonné de la nuit du 31 décembre jusqu’au petit matin après que les derniers fêtards ont rejoint leurs domiciles.
Ahmadou CISSÉ
Source: Journal l’Essor-Mali