Comme une coïncidence inouïe, l’annonce du report des élections législatives du 25 novembre aux responsables des partis politiques de la majorité présidentielle intervient le jour où le célèbre « Ce que je crois » de Béchir Ben Yahmed de Jeune Afrique titrait « L’Avenir du Mali ». Et cet éditorial de conclure que « le pouvoir réel sera entre les mains du Premier ministre… »
« Tout ça pour ça ?» est-on tenté de dire en voyant les dégâts occasionnés par la bataille de constitution des listes pour ces élections législatives, qui viennent d’être reportées à une date ultérieure. Des démissions en cascade, dont certains démissionnaires ont renforcé les rangs de l’ASMA-CFP du Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga. Comme le cas à Ségou où l’éminent président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, Abdine Koumaré, de bonnes sources, vient de débarquer avec armes bagages au sein du parti primatorial, en provenance du parti présidentiel, le RPM.
Et c’est le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, qui a eu l’honneur d’annoncer à ses pairs présidents des partis politiques de l’alliance Ensemble pour le Mali (EMP) le report des élections législatives. Ses interlocuteurs se seraient montrés réticents mais, « à l’impossible nul n’est tenu ». Ils vont devoir faire le deuil de leurs ambitions de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Qui de Bokary Tréta ou de Moussa Timbiné ou d’Issiaka Sidibé ou d’Abderrahmane Niang va occuper le perchoir ? La question va être laissée au …frigo ! le temps de parer au plus pressés. Sous le leadership du chef du gouvernement, dont le pragmatisme et le « know how » séduisent. Même parmi les opposants tel que Tièbilé Dramé, réputé l’un de ses amis de longue date.
Mais, du point de vue de certains observateurs, la période de flottement ainsi ouverte va davantage renforcer les chances de positionnement du parti du Premier ministre. Tous les mécontents du parti présidentiel y affluent car, mieux vaux être avec le potentiel successeur du roi ! Et de nombreux cadres se demandent ce qu’est le RPM sans IBK, dont l’échéance 2023 apparait si loin et si proche. Sauf que la tenue sans une bonne préparation de ces législatives créerait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait.
Or, les lendemains de ces législatives imposeront certainement une nouvelle reconfiguration de l’exécutif. Bouèye garderait-il alors sa marge de manœuvre actuelle ou la verrait-il s’étioler avec une forte personnalité au perchoir de l’Assemblée nationale ? Et le gouvernement post-législatives ferait plus de place aux inconditionnels du locataire de la primature ? Tempérer les choses, donner plus de chance aux réformes avant d’entamer la 6ème législature devient alors un choix de raison mais aussi de stratégie politique bien pensé… Surtout que l’appel au report se faisait entendre aussi bien du côté des opposants que de la diaspora malienne. Même si cette décision de report déplaît dans certains états-majors, il faut reconnaître qu’elle est plutôt bien inspirée. Et SBM ne dira pas le contraire !
Le chef du gouvernement ne se fait pas prier pour tirer ses marrons du feu. Nul ne doute de sa capacité à rassembler davantage la classe politique. Tous lui vouent respect et considération au point que Béchir Ben Yahmed n’hésite pas à insister sur le fait qu’il a dirigé, tour à tour, les services de sécurité/renseignements, la Défense et les Affaires étrangères. Et ayant été le plus grand artisan de la réélection d’IBK à la présidence de la République, il est fort à parier, Soumeylou Boubèye Maïga gagne en tempérant les ardeurs de ses éventuels concurrents à la tête de l’Etat.
Bruno D. SEGBEDJI
Source: Mali-Horizon