Le Propriétaire de la maison ne fixe plus le loyer
Finie la caution de 2 mois !
Un délai obligatoire de 3 mois au propriétaire pour reprendre sa maison
Les «coxers» désormais hors-la-loi… Plus de frais d’agence !
Le refus de céder la maison, désormais une infraction…
D’abord ces deux anecdotes vraies, survenues à Bamako: une veuve propriétaire de maison et mère de cinq filles, refusait catégoriquement de bailler sa maison à usage d’habitation à un couple marié. Il fallait être célibataire et au mieux, sans enfant pour être logé là. Une manière de donner une chance à ses filles. On la comprend. Cet autre retraité, père de trois filles lui, ne voulait pas de célibataires chez lui. Ses problèmes avec le dernier locataire de cette espèce font suite à une grossesse de deux de ses filles. On le comprend aussi. Mais le locataire lui, comprend-il pareilles discriminations? Et l’Etat dans tout cela ? Fort heureusement, ce dernier a décidé de mettre de l’ordre.
L’initiative émane du ministère en charge du commerce et de l’Industrie. Il a organisé, du Vendredi 8 au Samedi 9 octobre 2015 au CICB, un atelier sur un projet de décret portant réglementation des loyers à usage d’habitation en République du Mali. A l’issue des travaux, de nombreuses et importantes recommandations ont été formulées par les participants venus en nombre et visiblement très intéressés.
En attendant l’adoption définitive desdites recommandations, voici quelques grandes lignes du projet de décret en question, avec nos commentaires.
Fixation du prix du loyer
L’article 5 : Le prix maximum annuel du loyer est fixé à travers à 5% de la valeur réelle de l’immeuble à usage d’habitation ou de la partie de l’immeuble baillé. En cas de location au mois, le montant du loyer mensuel ne peut, en aucun cas, excéder le douzième du loyer annuel. Le montant du cautionnement et des loyers à travers d’avance à titre de garantie ne peut excéder une somme correspondant à un mois de loyer.
L’article 9 : une commission nationale de fixation des loyers- plafonds révisable au 1er janvier de chaque année sera mise en place par arrêté interministériel des ministres en charge du logement et du commerce.
Commentaires : Il faudra noter non seulement que le prix maximum annuel du loyer sera désormais l’équivalent de 5% de la valeur réelle de l’immeuble à usage d’habitation ou de la partie de l’immeuble baillé, mais aussi, qu’une commission nationale procédera annuellement à la relecture du prix en question en fonction des critères actualisés.
Aussi, le paiement de la caution de deux mois est désormais fini: Il est bien spécifié que «Le montant du cautionnement et des loyers à travers d’avance à titre de garantie ne peut excéder une somme correspondant à un mois de loyer».
Paiement par transfert monétaire
L’article 10 : Le locataire doit payer le loyer aux termes convenus entre les mains du bailleur ou de son représentant dûment mandaté. Le payement du loyer peut également se faire par transfert monétaire.
Commentaires : l’innovation ici, c’est le paiement à travers les technologies de l’information et de la Communication. Le locataire peut ainsi s’acquitter du paiement à travers Orange-Money, Mobil-cash, etc. Toute chose ayant l’avantage d’éviter les tracasseries.
Un décret rétroactif
L’article 14 : les occupants de bonne foi des locaux d’habitation à la date de publication du présent décret, bénéficient de plein droit et sans l’accomplissement d’aucune formalité du maintien dans les lieux loués, aux classes et conditions du présent décret, quelle que soit la date de leur entrée dans les lieux.
Sont réputés de bonne foi, les locataires, sous-locataires, à expiration de leur contrat, ainsi que les occupants qui, habitant dans les lieux en vertu ou suite à un bail écrit ou verbal, ou d’une sous-location régulière, d’une cession régulière d’un bail antérieur, exécutent leurs obligations, celles –ci comportant notamment le paiement du loyer exigible en application du titre 1er du présent décret.
L’article 16 : les baux consentis à usage d’habitation, avant la date de publication du présent décret, à l’Etat, aux établissements publics, aux collectivités publiques, bénéficient des dispositions du présent décret».
Commentaires: Au regard du projet de décret, tous les accords préalablement établis entre les deux parties (locataire et bailleur) doivent se conformer aux nouvelles dispositions. Mais, bien entendu, sont seuls concernés les locataires de bonne foi. Ceci est très important !
Le droit à la reprise par le propriétaire : un délai obligatoire de 3 mois et…
L’article 20 : l’exercice du droit de reprise pour le propriétaire qui signifie son intention de démolir et reconstruire les lieux est subordonné aux conditions ci-après:
Le propriétaire :
devra donner aux occupants, par acte extrajudiciaire, un préavis de trois (3) mois qui indiquera avec précision le ou les motifs qui justifient l’exercice du droit de reprise et portera référence à la décision autorisant les travaux, le tout à peine de nullité ;
sera tenu de commencer les travaux un délai maximum de trois mois, à compter de l’évacuation des lieux par le dernier occupant;
ne pourra relouer, occuper ou faire occuper les locaux avant l’achèvement des travaux à quelque titre que ce soit, sauf pour gardiennage du chantier jusqu’à la réception de l’immeuble reconstruit ».
L’article 21 : le propriétaire , qui n’aura pas satisfait aux obligations prescrites par les dispositions des alinéas 2 et 3 de l’article 20 ci-dessus , sera tenu envers les occupants évincés , au paiement ,pour privation injustifiée de jouissance, d’une indemnité qui ne pourra être inferieure au montant du loyer semestriel sans préjudice des sanctions prévues à l’article 23 ci-après.
L’article 22: Le droit de reprise appartient également au propriétaire qui veut reprendre l’immeuble pour l’occuper lui-même ou le faire occuper par son conjoint ou par ses ascendants ou descendants directs ou ceux de son conjoint.
Le propriétaire qui veut bénéficier des dispositions ci-dessus doit, par acte extrajudiciaire, donner un préavis de trois (3) mois à l’occupant dont il se propose de reprendre le local.
Commentaires: Les dispositions ci-dessus ne manquent pas d’intérêts. On retiendra en tout état de cause qu’un délai de trois mois est désormais accordé au locataire en cas de décision du propriétaire de récupérer son bien. Et même là ! Il doit auparavant et de manière détailler justifier les raisons. Et s’il s’agit de travaux à effectuer, le dernier locataire doit reprendre le même local ou place après le chantier. Le refus du bailleur de se conformer à ces dispositions peut l’exposer à des poursuites judiciaires.
Ni la police, ni la Gendarmerie… Seule la justice est habilitée à trancher
L’article 25 : conforment au code malien de procédure civile, toute contestation entre bailleurs et locataires ou entre locataires et sous-locataires concernant les loyers sera portée devant le juge du lieu où la convention a été contractée ou exécutée lorsque l’une des parties sera domiciliée en ce lieu.
L’article 31 : toutes les contestations relatives à l’application du présent décret relèvent de la compétence de la juridiction du lieu de l’immeuble.
Commentaires : En cas de litiges entre bailleur et locataire, c’est seulement la juridiction locale qui est compétente pour intervenir. Pas la police ou la gendarmerie. Et c’est la même juridiction qui reste compétente jour trancher en cas de contestation du présent décret.
Gros risques pour les « coxers»… Plus de frais d’agence
L’article 26 : Tous accords ou conventions, même indirects, déposés par le bailleur à l’occasion d’une location, en vue de dissimiler les exigences dudit bailleur, tes que ceux ayant stipulé un montant excessif des charges locatives ou d’une remise d’argent ou de valeurs ou une partie d’objets mobiliers, seront déclarés nuls et de nul effet par la juridiction compétente, même s’ils ont reçu un commencement d’exécution antérieurement à la mise en vigueur du présent décret.
Il en sera de même si les avantages exigés, autres que ceux représentant une juste rémunération du service rendu, l’ont été au profit d’une personne autre que le bailleur.
L’article 27 : Le propriétaire qui, se trouvant dans l’un des cas d’exclusion prévus à l’article 23 , aura néanmoins obtenu l’éviction d’un occupant en cédant ou falsifiant la vérité ou par toute autre manœuvre dolosive , sera tenu de payer à l’occupant évincé une indemnité qui ne pourra être inferieure au moment du loyer semestriel sans préjudice des sanctions prévues à l’article 26 ci-après.
L’article 28 : le propriétaire astreint au payement des indemnités prévues aux articles 21, 22, et 27 ci-après pourra, en outre, être condamné à une amende civile égale au moins au triple et au plus au décuple du loyer annuel. En cas de récidive, cette amende sera obligatoirement égale au décuple du loyer exigible à l’époque de la récidive.
Commentaires: Au regard des articles ci-dessus, les frais supplémentaires liés à la location (primes pour démarcheurs ou «coxers» frais d’agence, etc.) sont désormais bannis. Et celui qui l’encaisse (agences, coxers ou bailleur) est tenu à rembourser au risque d’être poursuivi.
Plus de prétexte, plus de discrimination !
L’article 29 : Tout bailleur de locaux à usage d’habitation loués nus ou meublés , convaincu d’avoir refusé de louer un local vacant à un locataire éventuel, motif pris de l’existence ou du nombre d’enfants à la charge de celui-ci, sera puni d’une amende civile égale au moins au quart et au plus au triple du loyer exigible à l’époque du refus.
En outre, l’auteur de l’infraction sera tenu de consentir à la famille évincée, pour une durée maximum de trois (3) ans, un bail sur l’immeuble refusé, à moins que les locaux n’aient été déjà loués, auquel cas ledit auteur de l’infraction sera condamné envers la partie lésée à tous dommages et intérêts.
Commentaires: Les bailleurs à l’image de la veuve et du retraité ci-haut cités sont désormais avertis : tous, maliens et étrangers vivant sur le sol malien, mariés, célibataires (hommes et femmes) restent égaux devant la loi portant sur le bail à usage d’habitation. Une quelconque discrimination peut coûter chère à l’auteur de l’infraction, soit un bail gratuit de 3 ans ou le paiement d’une amande équivalant au quart ou au triple du loyer initial de la maison convoitée.
Si ces mesures ont pour objet de protéger le consommateur en général, celui-ci doit être de bonne foi afin d’en bénéficier la pleine jouissance. Ceci reste la condition sine qua none ! La bonne foi constitue à se conformer d’abord à la loi et au décret portant sur la question. Ce qui revient à s’acquitter de ses engagements comme le paiement de la location, l’exécution des petits travaux d’entretien (les grands reviennent au propriétaire) l’entretien des lieux, etc. Et, bien entendu, il revient à chaque partie d’exiger le respect de ses droits. Nul ne le fera à sa place.
Sidiki Magassouba
source : La Sentinelle