Dans cette perspective, l’actualisation du contenu des contrats miniers est une réponse aux préoccupations des organisations de la société civile et de la population qui sont de plus en plus conscientes des impacts socio-économiques et environnementaux des activités d’exploitations minières.
En effet, la majorité des contrats miniers au Mali ont été conclus il y a cela plus de 30 ans. Ces contrats ont été établis sur la base de prix favorables dans la plupart des cas aux multinationales. La détérioration des termes de l’échange et l’instabilité politique au Mali au moment de la signature desdits contrats étaient des facteurs défavorables pour la négociation.
Des années plus tard, les retombées économiques des investissements et l’exploitation des ressources minières sont très peu visibles sur le développement des localités qui abritent les différentes firmes. Contrairement à d’autres pays comme le Botswana et autres, qui ont mieux tiré profit de l’exploitation de leurs minerais, notre pays, le Mali n’a pas encore réussi à capitaliser les effets bénéfiques de l’exploitation de son sous-sol. En d’autres termes, le bilan économique et social de ces dernières décennies est en décalage manifeste avec les potentialités, les défis et surtout les aspirations des maliens. Confronté à une croissance démographique qui se matérialise par des milliers de nouveaux arrivants (des jeunes diplômés et non) sur le marché du travail chaque année, le Mali post-insurrection (1991, 2012, 2020) doit impérativement repenser l’orientation de la gouvernance minière à travers des réformes structurantes, probantes et à la hauteur des défis historiques.
Certes, le pays a adopté une politique attractive en faveur de l’investissement étranger (code minier de 1999 revue), mais face aux besoins subséquents d’améliorer les recettes budgétaires, l’émergence d’une société civile soucieuse de faire participer les populations à la gestion des ressources minières et les nouvelles exigences de transparence, les autorités de la transition doivent se donner comme priorité d’engager le débat sur la possibilité d’une actualisation des contenus des contrats miniers qui doivent nécessairement évoluer.
Pour un rappel, malgré les perspectives considérables du Mali qui produit de l’or et d’autres substances minérales, d’une part et les cours qui grimpent régulièrement depuis 2002, le pays et ses populations s’appauvrissent continuellement à tel point qu’il se retrouve souvent en bas de l’échelle de développement humain établie par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
Fort de ces constats, le Mali, il y a de cela quelques années (2013), avait émis le souhait d’enclencher une dynamique de révision et de négociation des contrats miniers qui était censée en considération les aspects environnementaux et sociaux et, en particulier, l’indemnisation adéquate des populations. Les autorités d’alors justifiait cette décision par les conditions dans lesquelles les différents contrats ont été négociés (signature des contrats à des périodes troubles) et les contentieux existentiels entre l’État malien et des groupes miniers à propos de certains contrats miniers. Malheureusement, cette réforme majeure annoncée en faveur du secteur mineur s’est arrêtée en cours de chemin.
Ainsi, pour cette période de transition qui est le moment idéal pour jeter les bases d’une refondation de l’économie nationale, actualiser le contenu des contrats miniers devient un pari risqué, mais potentiellement très profitable pour les partenaires si la situation politique continue de s’améliorer et si le prix des minerais augmentait encore plus.
De ce qui précède, il s’agit-là en termes de défi immédiat, de la création des conditions optimales de transparence pour une exploitation des ressources minières qui profite aux populations mais aussi pour lutter contre la corruption et les pratiques illicites qui gangrènent l’économie nationale.
Pour y arriver, les propositions de réformes sont :
- Engager des réflexions sur l’actualisation du code minier en augmentant la part de l’Etat dans le capital des sociétés (Exemple : 30%), en augmentant conséquemment les contributions au fonds de restauration de l’environnement par les sociétés minières et en supprimant tous les avantages fiscaux et douaniers pendant la phase d’exploitation ;
- Engager le débat sur la participation à hauteur de 1/3 du revenu (royalties et taxes superficiaires) dans le financement des plans de développement des collectivités riveraines les projets miniers et veiller à son opérationnalisation correcte de sur le terrain ;
- Engager la réflexion sur la mise en place d’une gouvernance minière au service de la constitution d’un tissu économique endogène, du renforcement des finances publiques et du progrès social et environnemental.
Désormais, avec l’accroissement du contrôle citoyen sur la gestion des affaires publique, la tâche sera rude pour les professionnels du secteur minier. Pour cela, et dans un souci d’anticipation rationnelle, l’Etat et les investisseurs doivent favoriser la promotion du développement des territoires qui abritent les projets miniers afin qu’ils bénéficient aussi au rendement de court terme qu’apportent les cours élevés des matières premières. Ainsi, pour éviter toute forme de contestation et de rejet des nouveaux contrats miniers (négociés ou actualisés) dans le moyen et long terme, nous dirons qu’ils seront acceptés s’ils correspondent à des vrais besoins des acteurs (états, sociétés minières, populations, collectivités territoriales, etc.).
Cette construction « légitime » des contrats impliquera de mettre les valeurs et les principes partagés au cœur du débat. En d’autres termes, les valeurs et les principes sur lesquels s’adossent les contrats doivent être pensés à partir de référentiels communs, connus et reconnus par les sujets. Par ailleurs, mettre l’expérience des sujets au cœur de la construction des contrats, car s’inspirer des expériences passées permet d’éviter certaines erreurs.
Enfin, si le but ultime de l’actualisation (ou la révision) des contrats miniers au Mali est de faire profiter le pays et ses populations des fruits de l’activité extractive, il est important que le processus de contractualisation soit inclusif, participatif à travers une communication multi-acteurs pour expliquer les objectifs de la réforme. C’est à ce prix que le Mali tout entier éviterait ce qui est communément désigné sous le nom générique de la malédiction de l’abondance.
Dr Idrissa SANOGO, Analyste en Gouvernance – Management Public, Spécialiste en Management des risques projet. Mail : idi_15@live.fr
Source: Bamakonews