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Referendum constitutionnel au Mali : Un probable Oui au goût d’inachevé

Alors que l’on croyait assister à une véritable fête électorale dans le cadre de l’adoption d’une nouvelle constitution avec une campagne non seulement civilisée et respectueuse des principes démocratiques, mais aussi et surtout avec un large consensus autour du projet de la nouvelle constitution, mais   grande a été notre  surprise de constater qu’une frange importante du peuple a été brimée et ne se reconnait guère en ce projet.

Elle a même décidé de le combattre de toutes ses forces. Regroupés au sein d’un front uni contre le referendum, des partis politiques, mouvements et associations ont été vent débout tout au long de la campagne et ont fait la promotion du Non avec des arguments divers. Cette division autour d’un projet à dessein national laissera à coup sûr un goût d’inachevé et entachera la constitution d’un déficit de consensus et certainement de légitimité. Au regard du déséquilibre constaté dans le déroulement de la campagne, l’on s’achemine probablement vers un oui, mais  il ne sera ni massif, ni consensuel encore moins inclusif.

Le Oui qui profile à l’horizon, laissera un goût d’inachevé car il manquera  un large consensus, toute chose indispensable pour la constitution d’une Nation. Pour rappel  la Constitution du 25 février 1992 a été le fruit d’un large consensus des maliens au lendemain de la révolution sanglante. C’est pourquoi nombreux sont ceux qui pensent qu’elle a été écrite avec le sang des martyrs. Cette constitution a recueilli une large adhésion des maliens. Il n’y avait ni opposition encore moins hostilité contre ce projet. Mais 31 ans après nous assistons à une lutte acharnée de deux  camps contre un projet à la fois controversé et non consensuel, pourtant jugé nécessaire, voir indispensable pour la modernisation des institutions et pour corriger les différents errements et insuffisances contenus dans l’ancienne constitution.

En effet, après trois tentatives  infructueuses de réviser la constitution de 1992, les autorités de la transition sous la haute responsabilité du colonel Assimi Goita  ont décidé de la remplacer par une nouvelle. Si cette initiative a été saluée par une bonne partie du peuple, elle a été également décriée, voir dénoncée  par une autre frange qui a décidé de combattre de toute son énergie le projet. Jamais les maliens n’ont été autant divisés autour de l’adoption d’une nouvelle constitution, la deuxième depuis l’avènement de la démocratie multipartisane, que maintenant. Pour rappel les autres tentatives étaient juste pour la réviser. Pour ce référendum,  deux camps étaient opposés, celui du Oui et le camp du Non. Alors que tous les démocrates s’attendaient à des débats contradictoires entre les deux protagonistes afin que chaque camp défende son choix avec des arguments, nous avons plutôt eu droit à une campagne à la fois morose et déséquilibrée, ou le camp de Oui soutenu sans ambages par les autorités a totalement subjugué celui du Non, au point que ce dernier n’avait d’autres cadres d’expression que les réseaux sociaux. S’agissant des arguments avancés par chaque camp nous avons assisté à un combat à distance via les réseaux sociaux.

Pour le camp du Oui après 31 ans de pratique démocratique et partant du constat que la loi fondamentale qui nous gouverne renferme beaucoup de lacunes, d’insuffisances  et pour être en phase avec l’évolution du monde et avec les textes de la CEDEAO, il était devenu une impérieuse nécessité de doter le pays d’une nouvelle loi fondamentale qui puisse corriger les incongruités et moderniser les institutions.

Composé des partis politiques, d’associations religieuses et des mouvements divers, le camp du Non a dénoncé non seulement le manque de légitimité des autorités qui ont initié le projet, mais aussi et surtout a affirmé que faute de large consensus et des conditions socio sécuritaires il ne sied pas de réviser à fortiori de remplacer l’ancienne constitution par une nouvelle. Sur le fond le camp du Non  estime que la nouvelle constitution fait du futur Président de la République un monarque et ne favorise guère la séparation des pouvoirs. Que dire de la laïcité contre laquelle s’insurge certaines associations religieuses qui estiment qu’elle ne favorise ni la liberté de culte et de religion, encore moins la reconnaissance de l’islam comme religion majoritaire.

En somme, nombreux étaient les observateurs de la scène politique malienne qui pensaient pouvoir assister à des débats contradictoires entre les deux camps pour éclairer la lanterne des maliens et permettre aux électeurs de faire des choix responsables. Mais hélas, ni l’ORTM, encore moins les autres medias d’Etat n’ont eu le courage de prendre l’initiative des débats. La nouvelle constitution sera adoptée, mais en laissant au bord de la route une frange importante du peuple et surtout un pan important du pays à savoir Kidal et toutes les zones qui n’ont pas pu voter. Comme pour dire que le OUI sera squelettique.

                                                                                                                                        Youssouf Sissoko               

Source : L’Alternance

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