Les recettes mobilisées s’élèvent à environ 340 milliards de Fcfa sur une prévision de 380 milliards de Fcfa, soit un gap de plus de 40 milliards Fcfa. Explications.
Ces deux dernières années ont été particulièrement éprouvantes pour notre pays. L’économie plongée depuis 2012 dans un profond marasme, peine à retrouver toute sa vitalité. Les activités économiques et financières ont été frappées de plein fouet. Ce choc violent découle des pertes d’actifs et d’immobiliers, la baisse du niveau des activités, et surtout par la perte d’importants chiffres d’affaires. Malgré les nombreuses potentialités économiques de notre pays et un contexte international relativement favorable à la croissance, l’économie nationale s’est retrouvée dans une phase de récession très prononcée imputable au ralentissement de l’investissement publique et privé.
Pendant cette période particulièrement cruciale de la vie économique du pays, le rôle essentiel des administrations fiscales (Impôts, Douanes et Trésors publics) n’est plus à prouver. Elles interviennent dans le prélèvement des financements vitaux pour faire face aux dépenses essentielles du pays, mais aussi pour renforcer les institutions publiques, favoriser une bonne gouvernance et stimuler le développement économique. Les services fiscaux sont aujourd’hui plus que jamais mis à contribution pour soutenir les finances publiques face aux difficultés économiques criardes du pays.
Cependant, dans ce vaste domaine de la fiscalité, une vérité absolue se dégage : une administration fiscale efficace, efficiente et compétente est nécessaire pour mobiliser les ressources budgétaires nationales et fournir aux gouvernements des recettes durables et générées de manière interne. Ces dernières peuvent réduire la dépendance du pays à l’égard de l’investissement étranger et de l’aide au développement. Ainsi le Mali va acquérir la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour déterminer les dépenses prioritaires, selon les objectifs nationaux et les besoins socioéconomiques propres. Ces services, de 2012 à ce jour, sont constamment sous pression pour la mobilisation adéquate des recettes fiscales nécessaires à l’Etat.
Au niveau de la Direction générale des Impôts, l’année 2014 est caractérisée par une relance effective des activités de mobilisation et les recettes sont en constante croissance. Sur une prévision de 558,4 milliards de Fcfa, la DGI a enregistré un dépassement de près de trois milliards Fcfa, soit une réalisation globale de 561 milliards de Fcfa. Malheureusement tel n’a pas été le cas à la Direction générale des Douanes. Ici, certaines difficultés ont contrarié la mobilisation des recettes attendues. Sur les 380 milliards de Fcfa prévus par l’administration des douanes en 2014, elle n’a pu mobiliser que 340 milliards, soit un gap de 40 milliards de Fcfa.
PRèS DE DEUX MOIS DE PARALYSIE. En effet, l’administration douanière est l’une des plus anciennes de notre pays et l’une des plus modernes. Elle doit être capable de réagir selon le contexte économique. Les douanes sont chargées de par leurs vastes compétences de mettre en œuvre et de faire respecter les dispositions législatives et réglementaires chaque fois que des personnes ou des marchandises traversent nos frontières. C’est un élément essentiel du fonctionnement de l’économie. Elle n’est efficace que s’il existe des règles appliquées de manière harmonisée aux frontières. Ces règles s’étendent à tous les volets de la politique économique tels les échanges préférentiels, les contrôles sanitaires et environnementaux, ainsi que la protection des intérêts économiques au moyen d’instruments non tarifaires et de mesures de politique extérieure.
Cette administration sollicitée pour la mobilisation des ressources financières intérieures, dont le pays a besoin, pour faire face aux dépenses essentielles, est aujourd’hui, plus que jamais, mise à contribution pour soutenir les finances publiques face aux difficultés économiques criardes du pays. Cette contreperformance de 2014 a contrarié la capacité de résilience du pays et la prévision budgétaire de l’année.
Pour, l’administration des douanes, certaines explications s’imposent. Selon les douaniers les plus avertis, cette situation s’explique par les réalités économiques du pays et certaines difficultés enregistrées le long de l’année. En début 2014, explique un spécialiste des questions douanières, la Direction générale des Douanes avait pris des mesures visant l’application stricte et rigoureuse des règlementations douanières en matière d’apurement systématique des T1 (document de transit national) et des manifestes créés. Ce qui concourait à l’évacuation rapide des marchandises. En matière de scanning, le constat était que cette procédure permettait aux premières heures de conforter les recettes douanières et les résultats du contentieux. L’accent avait été mis sur les structures des dédouanements sollicités à mettre systématiquement en œuvre la pénalité pour défaut du respect de toutes les marchandises conteneurisées importées sans attestation de vérification (AV). La pénalité applicable, faut-il le rappeler, relève des dispositions contentieuses prévues à cet effet, notamment, les articles 352-alinéa 2b, 361 alinéa 6 et 354 du code des douanes. Ils stipulent que lorsque la transaction sollicitée sera retenue par le service, il sera fait application d’une amende transactionnelle égale au moins à 30% des droits.
Cette revitalisation de l’application stricte des règlementations concernait également les valeurs de référence à la pesée systématique des marchandises visées par l’arrêté fixant les valeurs de référence et dont l’évaluation est au poids (carreaux, tissus, etc.). « Cette réorientation a été très mal perçue par les importateurs qui avaient leurs opérations d’importations. Ce mouvement d’humeur a paralysé le fonctionnement normal des bureaux de dédouanement pendant près de deux mois. Il a eu un impact certain sur les recettes », développe notre interlocuteur.
Cependant, exergue t-il, en plus de cette situation, s’ajoute la fluctuation au niveau du bureau des pétroles. « En effet, cet important bureau de dédouanement des produits pétroliers a subi des fluctuations dues à la manipulation de la Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Il s’agit d’un mécanisme de taxation que l’Etat peut réguler en fonction de l’évolution des prix des produits pétroliers sur le marché international pour maintenir les prix à la pompe à un niveau acceptable pour les Maliens », indique-t-il.
En effet, les administrations fiscales et douanières agissent sous différentes contraintes politiques et économiques dont la plupart sont traduites au moyen d’indicateurs quantitatifs. Le premier objectif qui leur est imposé, est une mobilisation sans cesse accrue des recettes, la plupart du temps exprimée en pourcentage d’augmentation de celles-ci par rapport au montant de l’année précédente, au nom de différentes logiques : satisfaction des besoins en biens publics, préservation de l’équilibre des finances publiques, fiscalisation progressive de populations non contributrices, promotion du « civisme fiscal » et d’une administration plus performante.
PROBLèME DE MaNAGEMENT DES RESSOURCES HUMAINES. Le second objectif est la sécurisation des ressources fiscales. Dès qu’il s’agit de leurs moyens d’action, les gouvernements cherchent à sécuriser leurs ressources fiscales en s’appuyant sur des processus de collecte représentés et/ou calculés comme faiblement risqués : création d’unités spéciales pour les grandes entreprises dans les administrations des impôts, établissement de valeurs seuils pour les administrations douanières, mise en place de liens privilégiés avec les grands importateurs, accords de privilèges de collecte et de reversement de TVA, contrats avec des multinationales chargées de certifier les éléments taxables. Les administrations dans le cadre de leur modernisation, prennent toutefois le risque d’opter pour une certaine sélectivité des contrôles afin d’améliorer leur efficacité. Depuis quelques années, soutient un douanier, les Douanes maliennes connaissent un sérieux problème de management. «La qualité des douaniers en charge de la gestion des bureaux de dédouanement est en constante régression. Pire, ces dernières années, les promotions des agents n’ont pas été basées sur les critères d’objectivité qui doivent caractériser une telle administration. Et le plus dur est la qualité des ressources humaines actuellement fournie par la Fonction publique et le transfert tous azimuts d’agents au profil non conforme pour être des douaniers. Comment voulez-vous, qu’on fasse des bons résultats avec des douaniers qui n’ont aucune notion des calculs des régimes de dédouanement ? », soutient un responsable des Douanes.
Notre interlocuteur décrie également les normes des mutations au niveau de l’administration. «Chaque direction vient avec ses hommes, comme s’il s’agit d’une histoire d’hommes faisant fi des qualités intellectuelles, professionnelles et même morales. Ainsi, à chaque nomination à la douane, c’est un véritable désordre qui s’installe et cela jusqu’à la maîtrise par les nouveaux arrivants des dossiers en cours. Tout cela a malheureusement un impact sur le niveau de mobilisation des recettes qui subissent un ralentissement », a expliqué notre interlocuteur.
LA CULTURE DU RéSULTAT. Bien imprégné des difficultés et des ambitions des Douanes, le département de l’Economie et des Finances se veut rassurant. Le ministre Mamadou Igor Diarra en prenant la décision de changer les responsables en charge de la chaîne des dépenses, une semaine seulement après sa prise de fonction, a démontré à suffisance sa volonté de donner une nouvelle impulsion aux services concernés.
Pour les nouveaux dirigeants de l’administration des Douanes, le nouveau créneau est la modernité, la compétence et l’efficacité. Et cela semble payer au regard des recettes mensuelles de mobilisation depuis l’installation des nouveaux responsables. Ainsi de 28 milliards Fcfa par mois en décembre dernier, les recettes sont aujourd’hui passées à plus de 40 milliards de Fcfa par mois.
«Les services des douanes ont souffert de la crise. Mais j’ai constaté avec bonheur que chaque service, chaque agent à son niveau, depuis quelques mois travaille et continue de travailler durement pour maintenir le cap », dira le patron du département. Il a tenu à féliciter les gabelous pour les efforts soutenus dans la mobilisation des recettes en les invitant à la réalisation des objectifs fixés.
Pour Mamadou Igor Diarra le crédo des douanes, comme de tous les services de la chaîne de dépenses, doit être la culture du résultat. «Les moyens sont insuffisants, voire dérisoires, mais nous devons nous sacrifier pour le pays », a-t-il insisté. Il a encouragé les douaniers à persévérer dans l’effort afin de permettre à l’Etat d’atteindre ses objectifs budgétaires, malgré les difficultés économiques actuelles.
D. DJIRE
SOURCE : L Essor